L’homme de la pampa a du souci à se faire

lino ventura

« Moi, par exemple, je vis avec un homme déconstruit et j’en suis hyper heureuse. » On est content pour elle, Sandrine Rousseau. Franchement. On imagine - c’est tout le mal qu’on lui souhaite, à Sandrine - que c’est la réciproque, pour cet homme déconstruit. Vous voulez que je vous dise : cette phrase, désormais historique, est tout simplement magnifique.

D’abord, le « Moi, par exemple ». Je vous donne un exemple, tiens, au hasard, celui que je connais le mieux : le mien ; moi, quoi ! Sandrine Rousseau veut être présidente de la République. Bien vous mettre ça dans la tête. Au début, on pouvait se dire qu’elle faisait semblant, histoire de, et, donc, que ce n’était pas bien grave. Mais non. Plateau télé après plateau télé, on commence à se dire qu’elle doit y croire vraiment. C’est ça, qui est terrible, j’allais dire le pire. Et donc, ce « Moi, par exemple », c’est un peu son appel du 18 Juin à elle : « Moi, qui vous parle en connaissance de cause… », proclamait le général de Gaulle. On vous épargnera la dissertation sur cette pornographie galopante du « Moi » et du « Je » dans le discours politique depuis quelques années. À droite comme à gauche.

Ensuite, cet « homme déconstruit ». Bon, ça fait bien rigoler sur les réseaux sociaux, et m'est avis que ce n’est pas fini. Rien à voir, bien sûr, avec un homme démoli par tout ce que vous voudrez : les médocs, la drogue ou l’alcool, les nuits passées derrière l’ordi, les jours à supporter sa compagne ou son compagnon qui fait la gueule, bref, la vie moderne avec son confort à tous les étages. La déconstruction n’a rien à voir avec la démolition, la déglingue. C’est un truc vachement moderne, positif. On ne dit plus « démolir », on dit « déconstruire ». Une maison, une tour dans une cité, une barre d’immeuble. Pour ça, suffit pas de donner trois coups de bull et de tout ramasser à la pelleteuse. Avec la déconstruction, on n’est pas « sur du » barbare en razzia qui fout tout en l’air : baraques, hommes, femmes et, de façon générale, tout ce qui bouge encore dans le paysage qu’on vient de néantiser. Non, la déconstruction, c’est pensé, réfléchi, méthodique. C’est propre. On recycle tout. L’homme déconstruit, on imagine, n’a rien à voir avec l’homme de la pampa qui sait rester toujours courtois ou avec l’homme pressé ou encore celui de Rio. Que des machos, ceux-là. Eux, si on peut les démolir, on va pas se gêner.

Poursuivons. Sandrine, apparemment, nage dans le bonheur. On l’a dit, on le répète, on en est positivement ravis pour elle. Au fait, vous en êtes heureuse, de votre homme déconstruit ? Hyper heureuse ! Prière d'accentuer sur la première syllabe de « Hyper ». Et de votre machine à laver ? Hyper contente, aussi. Ça, pour le coup, c’était jadis, au temps de la réclame et de la ménagère de moins de 50 ans qui voyait le bonheur dans son frigidaire. Satisfaite ou remboursée. Aujourd’hui, le bonheur n’est pas dans le pré, comme la délicieuse Karine veut nous le faire croire, mais sur le plateau télé où l'on exhibe ce bonheur comme un argument de campagne publicitaire - pardon, électorale. Important, d’avoir quelqu’un d’heureux à l’Élysée. C’est Sarkozy qui a lancé le truc. D’ailleurs, remarié de frais sous les ors du Palais, tout alla mieux ensuite pour lui et la France. Enfin, presque.

Je dis ça, je dis rien, mais l’homme de la pampa a du souci à se faire.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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