Cinéma : Boîte noire, de Yann Gozlan

boite noire

En mars 2019, souvenons-nous, les avions Boeing 737 Max avaient été interdits de vol par la plupart des compagnies aériennes. En cause, l’activation intempestive d’un système de sécurité destiné à éviter le décrochage en pilotage manuel. Un défaut technique qui serait à l’origine des crashs des vols 610 Lion Air en octobre 2018 et 302 Ethiopian Airlines en mars 2019… 346 victimes au total.

La Commission des transports du Congrès américain, dans son rapport d’enquête, pointa de nombreux dysfonctionnements d’appareil et des conflits d’intérêts entre Boeing et la Federal Aviation Administration (FAA), l’agence gouvernementale chargée des réglementations et des contrôles sur l’aviation civile.

À l’époque, Yann Gozlan avait déjà bouclé le scénario de Boîte noire ; le réalisateur ne s’est donc pas directement inspiré de cette affaire pour son dernier film, mais la concordance entre les deux est frappante en cela que la fiction rejoint le réel par bien des aspects.

Le récit du film évoque le crash d’un vol Dubaï-Paris en Haute-Savoie ayant fait plus de 300 morts. Mathieu Vasseur, acousticien au Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), se voit confier l’affaire suite à la disparition mystérieuse, du jour au lendemain, de son supérieur hiérarchique…

Au fil de ses recherches et des écoutes de la boîte noire, menées avec acharnement et sagacité, Mathieu lève le voile sur des défauts techniques de l’avion passés sous silence, des conflits d’intérêts tous azimuts et la corruption de collègues au sein même du BEA…

Foisonnant, le scénario répond à tous les codes du genre : fausses pistes, machinations, falsifications de la boîte noire, assassinats, mensonges, paranoïa… Le tout avec un rythme soutenu, de belles trouvailles de mise en scène sur la thématique de l’ouïe et une bande originale efficace signée Philippe Rombi. Dans le rôle du héros, Pierre Niney nous gratifie presque d’un sans-faute, si l’on excepte un ou deux passages où Yann Gozlan le pousse à en faire trop.

Le cinéaste, disons-le, enfonce des portes ouvertes à travers son propos général mais on ne lui en tiendra pas rigueur. En gros, nous dit-il très justement, méfions-nous du tout technologique et de cette intelligence artificielle qui s’immisce peu à peu dans nos vies, que ce soit dans le monde du travail, dans les transports, sur Internet avec les algorithmes, dans l’électroménager ou même dans nos voitures, comme le rappelle avec ironie l’une des dernières séquences du film. Le scénario souligne, par ailleurs, le fait que les catastrophes produites par la technologie ne dédouanent en rien les hommes qui l’emploient ni ceux qui la promeuvent aveuglément sans se soucier des conséquences…

Boîte noire se révèle, en somme, un agréable divertissement, sans prétention aucune. On s’amuse, cependant, de l’empressement avec lequel le cinéaste écarte la piste islamiste (padamalgam ?) ou du crédit qu’il semble accorder à Mediapart, le journal de Plenel, dont l’une des journalistes vient prêter main-forte au héros. Comme quoi la gauche culturelle n’a pas fini d’entretenir ses mythes.

 

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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