Lettre à l’Afrique sur sa monnaie (2)
La question du CFA ne devrait surtout pas être un prétexte pour occulter les véritables problèmes du développement africain.
Sur le CFA :
Sa disparition poserait la question du vide qui risquerait de s'ensuivre et, donc, de savoir si chacun des quatorze pays concernés aurait sa propre monnaie ou s'ils se mettraient d'accord pour un système commun, accord qui risquerait de ne pas se produire, ne fût-ce que parce que les économies (et les ego) ne sont pas les mêmes (début d'industrialisation en Côte d'Ivoire, pétrole au Tchad, Gabon, Guinée équatoriale).
En fait, la France et l'Afrique doivent regarder bien plus que l'illusoire intérêt immédiat des Africains à la fin du CFA, en se fixant un horizon historique, meilleur tant pour les jeunes Français que pour la jeunesse africaine. Non, la France et l'Afrique n'ont pas intérêt à couper ce fil conducteur d'avenir, ce qui serait un malheur pour les deux parties, alors que nul n'en expose les avantages.
D'ailleurs, l'euro peut imploser à tout moment et, donc, le CFA serait dévalué ipso facto.
En attendant, la France doit proposer à ses amis et partenaires des aménagements :
- une seule monnaie pour les quatorze pays, afin d'activer les échanges Sud/Sud (au Niger et au Tchad, frontaliers, on utilise deux types de billets CFA !
- convertibilité en Europe à tous les guichets,
- changement de nom,
- voire dévaluation ou régime de change flottant (maîtrisé dans une fourchette) du CFA vis-à-vis de l'euro.
Sur l'économie, le plus important : car la monnaie n'est pas l'économie mais son outil.
La France, se souvenant de l'aide apportée par l'Afrique dans la période la plus difficile de son histoire, doit proposer une vraie grande politique française de codéveloppment et de coentreprises publiques/privées (techniques de portages, etc) pour industrialiser enfin l'Afrique et lui permettre de transformer sur place ses matières premières...
Elle doit apporter une assistance politique (à l'ONU, FAO, CNUCED, ONUDI) pour que l'Afrique soit autorisée (en dépit des diktats des FMI, BM, OMC) à reprendre des mesures douanières de protection sur ses secteurs menacés ou à développer. En quelque sorte revenir aux accords de Lomé (mise en libre pratique) que regrettent tous les Africains, conscients d'avoir été bernés par les prétendus APE (accords de partenariat économique) sans contenu (traité de Cotonou). La conjoncture Trump (certes bizarre) permet désormais ce discours anti-multilatéraliste. Car l’industrialisation de l'Afrique (à laquelle la France devra prendre la première place pour sa propre survie historique) ne se fera pas sans le respect d'un certain colbertisme et "listisme" (cf. l’incontournable Friedrich List, Le Principe national d"économie politique), plus récemment validés par le Nobel d'économie Maurice Allais).
La France devra, pour cela, reprendre la part de sa cotisation sur l'aide européenne au développement (inefficace), pour abonder, enfin, à nouveau, sa propre politique de codéveloppement.
La balle est dans le camp des États africains, qui peuvent juridiquement toutefois quitter le CFA comme le fit Madagascar en 1973.
NDLR : L'auteur a trente-cinq ans d'expérience en droit économique à l'université et sur le continent africain auprès de quatre gouvernements, de l'UEMOA (codes des investissements, législations sur la concurrence, accords de Cotonou), codes douaniers, politiques céréalières, minières, contrats de concessions pétrolières, arbitrages, restructurations d'institutions communautaires, etc.
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