Les dessous de la robe rouge de la reine

reine élisabeth

La reine d’Angleterre portait une robe rouge pour ses vœux de Noël. Cela n’a pas dû vous échapper, même si c’est peut-être un détail pour vous. La reine en majesté, le rouge étant le symbole par excellence du pouvoir.

À Byzance, on qualifiait les enfants d’empereurs de « porphyrogénètes » (littéralement : nés dans la porphyra ; après, on fit plus modeste, se contentant de la cuillère en argent dans la bouche) lorsqu’ils voyaient le jour durant le règne de leur père. L’accouchement avait lieu dans la porphyra, une chambre décorée de blocs de porphyre pourpre provenant d’Égypte. Les empereurs portaient aussi les bottes rouges, comme le père Noël aujourd'hui qui a le pouvoir de faire le bonheur des enfants. Les papes héritèrent des empereurs romains cette manie de se chausser en rouge, jusqu’à ce que le pape François y renonce, préférant des godasses noires ressemblant diablement à des chaussures orthopédiques, la laideur se nichant à merveille dans les détails. La sœur cadette de Bergoglio, Maria Elena, avait d’ailleurs confié dans une interview accordée au journaliste allemand Michael Hasemann que son frère avait renoncé à ses pompes rouges car elles étaient un symbole de royauté. Un frère en qui elle voyait « un révolutionnaire pour l’Europe et pour le monde », avait-elle précisé. Effectivement. On devrait toujours juger les gens à leurs chaussures.

Mais on s’éloigne du sujet : on parle de la robe de la reine et on « coq-à-l’âne » sur les groles du pape. Rouge vif, donc. Idéal pour mettre en valeur la broche-chrysanthème en saphir d'Élisabeth II, celle-là même qu’elle portait en 1947 lors de sa lune de miel avec le prince Philip. Chez les Windsor, on sait prendre soin des bijoux de famille. Mais cette robe rouge est l’occasion de se replonger dans les ouvrages de Michel Pastoureau sur les couleurs. L’historien nous explique que dans toute couleur, il y a toujours une ambivalence : le bon et le mauvais côté. Ainsi, le rouge est associé soit à l’interdit (qui a du sens !) soit à la puissance (on pense à la Place rouge à Moscou). C’est le rouge du sacrifice du Christ que l’on retrouve sur la pourpre cardinalice mais c’est aussi celui du feu de l’enfer et de ses diablotins. C’est le rouge de l’amour mais aussi de la luxure : rappelons qu’une lanterne rouge signalait les maisons de tolérance et que le quartier chaud d’Amsterdam s’appelle le Quartier rouge. Mais encore une fois, nous avons dérivé.

Alors, faut-il chercher plus loin dans le choix de la reine pour cette robe rouge en ce soir de Noël ? Le Point titre sur « Le mystère de la robe rouge de la reine » (une allusion en creux au mystère de la chambre jaune ?) et nous laisse carrément sur notre faim d’informations insolites et palpitantes. D'emblée, on exclut l'hypothèse qu'elle ait voulu imiter Valérie Pécresse, au soir de son triomphe sur les mâles de plus de cinquante ans de son parti, haut-vêtue de rouge (histoire de les exciter avant la dernière banderille ?). Ou qu'elle se soit souvenue de Blek le Roc s'écriant « Damned, les tuniques rouges ! » en voyant débouler les Anglais au coin du bois. Qui sait, ce jour-là, la reine n’avait peut-être que ça à se mettre ! L’Histoire tient à pas grand-chose, parfois.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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