Les catastrophes libanaises

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Le 4 août 2020, une immense explosion partie du port ravageait Beyrouth, notamment les quartiers chrétiens. Le bilan est effroyable : 218 morts, 7.000 blessés et 300.000 sans-abri.

Un an après, l’enquête n’a que peu avancé : que faisaient-là ces tonnes de nitrate d’ammonium ? Qui les avait déchargées et pourquoi ? Pourquoi aucune mesure de sécurité n’a été prise ? L’unique juge (!) chargé des investigations est bien en peine de répondre à ces questions. L’ombre du Hezbollah plane sur ce drame, symbole de l’incurie d’une classe politique corrompue et incapable, mais qui peut mettre en cause la seule milice qui n’a pas été désarmée à l’issue de la guerre.

Cet unique juge ne manque tout de même pas de courage et a lancé, début juillet, des poursuites contre près d’une dizaine de personnalités importantes, dont plusieurs anciens ministres. Elles viennent compléter celles qui avaient déjà été décidées contre des responsables du port et des douanes. Leur responsabilité est écrasante : tout ce petit monde connaissait la présence du stock de nitrate et de nombreuses missives échangées l’attestent de façon accablante. Cette passivité est criminelle et ne s’explique d’ailleurs pas de façon rationnelle.

Mais la première tâche chronologique est d’abord de comprendre pourquoi un navire-poubelle venu de Géorgie en passant par la Turquie et la Grèce a débarqué 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium en 2013, et de déterminer avec certitude à qui appartenait cet explosif. Les causes exactes de l’incendie qui a entraîné l’explosion ne sont pas non plus connues avec certitude.

Il faudra aussi relancer l’enquête sur l’assassinat, en 2014, du colonel Joseph Skaff, un des responsables des douanes qui n’a eu de cesse d’alerter sur l’extrême dangerosité de ces explosifs. Qui peut croire qu’il n’y a pas un lien entre sa mort et ce stock de nitrate qu’il voulait supprimer ?

D’autres zones d’ombre planent sur cette enquête et l’indignation des Beyrouthins est grande. Chacun a encore en mémoire les images de ces malheureux civils obligés de se débrouiller seuls pour nettoyer leur ville et secourir les blessés en raison de l’incurie d’un État dont les responsables ont, à cette occasion, touché le fond de l’ignominie.

Quant au Liban, il a touché le fond du malheur.

Car à cette catastrophe s’ajoute la crise financière qui ruine une grande partie de la population. La livre libanaise s’est effondrée, le pays ne peut plus rembourser sa dette et les Libanais ne peuvent même pas retirer leurs économies de leur banque. L’hyperinflation achève le travail et faire un plein d’essence relève de l’exploit. Plus grave encore, beaucoup de Libanais n’ont plus les moyens d’acheter les produits de première nécessité devenus d’ailleurs rares, et la misère s’abat sur eux.

Face à ce drame, la communauté internationale - Emmanuel Macron en tête - a longtemps adopté une position incompréhensible : des aides substantielles seront envoyées à condition que la classe politique fasse des réformes. Elle n’en a, bien sûr, fait aucune et les sommes finalement envoyées étaient bien trop faibles pour changer le cours des choses.

Ce n’était plus tenable. Lors d’une conférence internationale qui s’est tenue le 4 août, le Président a promis 100 millions et a demandé aux autres pays d’apporter 350 millions. C’est mieux mais, en réalité, très insuffisant pour un pays en faillite.

Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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