Les Bidochon, héros d’une France moche

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Le cinquième volume de l’intégrale des Bidochon est sorti fin 2023, aux Éditions Fluide glacial, et il n'est pas trop tard pour le lire. Il regroupe les albums 17 à 21, sur les 22 parus qui ont fait du couple un nom commun désignant des « Français moyens stupides ». Ce n’est pas la médiocrité dorée chantée par Horace, c’est la médiocrité crasse. Bêtes, incultes : tels sont Raymonde et Robert.

Seraient-ils intelligents et cultivés, le monde ne les épargnerait d’ailleurs pas. Il n’est que de les voir confrontés à l’administration (Les fous sont lâchés, 1987), à l’hôpital public (Les Bidochon assujettis sociaux, 1985), aux émissions de télé, aux commerciaux en tous genres, aux nouvelles technologies, aux consignes de tri des déchets (Les Bidochon sauvent la planète, 2012)… Les Bidochon, ce sont aussi de bonnes gens simples broyés par un monde moderne qui ne laisse à l’humanité que le loisir de sa bêtise.

Castigat ridendo mores

Après guerre, la critique riante des travers et ridicules nourrit les livres d’un Pierre Daninos ou, en bande dessinée, les Rubrique-à-brac de Goscinny et Gotlib. C’est Gotlib, justement, qui donne sa chance à Christian Binet et le fait rejoindre l’équipe de Fluide glacial en 1977. Là, on entre dans une dimension bien plus corrosive, dissolvante : celle de l’après-68.

Le personnage du beauf, créé par Cabu, date de 1973, le film Dupont Lajoie de 1975, les Bidochon naissent en 1980. Ce sont les années Coluche. Toute une génération caustique et talentueuse va ridiculiser le Français moyen, le façonner en « raciste franchouillard » - face à des immigrés qu’aucun humoriste n’égratignera jamais. On ne verra pas, en miroir des Bidochon, un couple de Maghrébins vivant en France et baignant dans sa bêtise exogène, profitant de la CAF pour élever des enfants qui brûlent les bus, dealent en bas du HLM, se radicalisent et finissent par buter… une rédaction d’humoristes proches de Fluide glacial.

Les Bidochon ne sont pas racistes

Cependant, dans l’esprit de son créateur, les Bidochon ne sont pas racistes. « Pour moi,disait-il en 2015, le "beauf" de Cabu, c’est un personnage qui boit, qui vote extrême droite… », expliquait Binet, alors que les Bidochon « ne voteront pas FN, parce que ça me gênerait. J’aurais l’impression de me moquer d’eux, et je n’ai pas envie de me moquer. » Les bons d’un côté, les racistes alcoolos de l’autre : ce côté binaire de Binet, c’est le conformisme d’une époque.

Raymonde et Robert ne pourraient être des gilets jaunes non plus, explique-t-il en 2019 : « Je me méfie beaucoup des foules livrées à elles-mêmes, la connerie surnage et après, vous avez ce que l’être humain produit de pire. » Parce que les gilets jaunes, c’est pire que les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan réunis ? Là encore, quelle bête analyse chez ce Binet par ailleurs sympathique, dialoguiste hors pair, peintre et compositeur.

Contextualiser les Bidochon, pourquoi pas ?

On a été tellement saturés d’une haine antifrançaise sur deux générations que la satire des Bidochon n’est qu’aigre-douce. À part, peut-être, quelques pages de l’album Maison sucrée maison (1983), aujourd’hui politiquement incorrectes. Les Bidochon se font construire une maison. Les ouvriers, arabes, ont pour réflexe de répondre à toute remarque « Ma parole, il insulte l’prophète », interrompent le chantier cinq fois par jour, montent toute la maison à l’envers puisqu’ils ont lu les instructions par la fin comme ils lisent le Coran, qui est leur seule lecture… et s’expriment dans un sabir caricatural. Faudra-t-il rééditer les Bidochon avec une préface pour les « contextualiser », comme cela vient d’arriver à Tintin au Congo ? Au rythme où va l’islamo-wokisme, tout est possible.

Au fait, s’ils ne votent ni FN ni RN ni Zemmour, quel bulletin les Bidochon mettent-ils dans l’urne ? On peut supposer qu’ils ont voté Hollande en 2012 — puisque Sarkozy le voyait tel « un Bidochon en vacances ». Et ensuite ? Robert est gogo, il peut se laisser prendre à n’importe quel coup de com’ ; Raymonde, si fleur bleue qu’elle ne peut rester insensible à l’histoire entre Emmanuel et Brigitte. On les voit bien voter Macron. Deux fois, même : ils sont stupides, qu’on vous dit.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Vous mettez bien le doigt là où çà fait mal en pointant les contradictions des dessinateurs vedettes de l’époque . Quel serait l’anti Bidochon chez Binet ? Le bobo ? Dans le ridicule , il y aurait à redire sur cette caste si des gens bien intentionnés s’y collaient . Mais peut être ces dessinateurs qui ont su si bien su ridiculiser le français moyen
    redouteraient ils de se reconnaitre en ces bobos et leurs travers !

  2. Nul doute que les Bidochons ont voté Hollande en 2012. C’est le type même des électeurs de gauche qui votent comme leur disent Patrick Bruel ou Muriel Robin. La gauche-mouton, quoi !!…

  3. Pourquoi supposer que les Bidochons aient voté ? Le Français moyen regarde les sondages à la télé, c’est bon, pas la peine d’aller jusqu’au bureau de vote et mettre un bulletin dans une enveloppe dans un isoloir puis dans une urne… Il n’y a plus qu’à regarder les résultats à la télé ensuite

  4. Les Bidochon étaient des Blancs , de nos jours serait-il possible de faire l’équivalent avec des personnages issus de l’immigration ? des Bidochon multiculturels ?

  5. Il se dit que l’auteur (Binet ou Bidet) a utilisé le nom de ses voisins pour sa prose. Devant le succès il n’aurait jamais présenté d’excuses à ceux-ci ni indemnités qu’ils n’ont jamais demandé tels de vrais Bidochons. Je n’ai pas eu connaissance d’une justice immanente ! Va comprendre Charles . . .

  6. Toujours assez drôles et très bien faits ces albums …surtout ceux des Bidochon’au musée..

  7. Les Bidochon, c’était un peu le cadeau (empoisonné) que l’on faisait à quelqu’un à qui on ne savait quoi offrir, et qui restait dans les toilettes à l’attention de ceux qui semblaient y perdre leur temps.

  8. Les « bidochons » au moins eux ne m’égorgeront probablement pas c’est avec compassion et respect qu’ils me font sourire. Les pseudo-intellos des plateaux télés qui viennent nous vendre leurs derniers bouquins qu’ils n’ont souvent même pas écrits eux-mêmes et que personne ne lira m’ennuient profondément. Les donneurs de leçons jamais confrontés au réel, toujours moralisateurs pervertis me dégoûtent et me font me lamenter sur l’avenir de mon pays. À choisir je préfère la France profonde celle de nos campagnes celle de nos usines celle qui courbe l’échine sans jamais ne rien dire pour nourrir la médiocratie égocentrique de ce pays.
    « Il faut que la queue du diable lui soit soudée, chevillée et vissée à l’échine d’une façon bien triomphante pour qu’elle résiste à l’innombrable multitude de gens qui la tirent perpétuellement. »
    Victor Hugo — Lucrèce Borgia

  9. C’est classique dans le petit monde fermé des artistes de caricaturer le français moyen non diplômé, que ce soit le Lucien d’il y a 40 ans ou le Yohan de aujourd’hui. Sauf que le Lucien et le Yohan ils rient de leurs propres caricatures. Les artistes pensent peut-être que les Djamel et les Hassan sont incapables de rire d’eux-mêmes. Les seuls qui osent se moquer des arabes sont des artistes arabes eux-mêmes. La police de la pensée fachise tout blanc qui caricature du non-blanc mais sans un seul argument. Quant aux Bidochon, c’est comme tout le reste de l’univers de Fluide Glacial, c’est grossier, obscène, vulgaire, ça ne m’a jamais fait rire. Je préfère la caricature du français moyen à travers Achille Talon, puits de science encyclopédique manquant beaucoup de pages, râleur, têtu, bougon, de mauvaise foi, impulsif, parfois sale mais lyrique et profondément gentlemen.

    • Oui vous avez raison, Djamel Debouzze s’est fait spécialiste de l’auto dérision de sa propre communauté mais aucun français de souche ne s’y serait essayé ;

    • Désolé. Je suis de droite, même très à droite, mais je connais des gens de gauche qui sont d’un niveau largement supérieur à bien des gens de droite. Malheureusement ils ont un point commun, le manque de courage.

  10. A vrai dire, je crois qu’on devrait pouvoir se moquer de tout, quitte à blesser des gens, mais c’est justement le fait de pouvoir s’attaquer à tout le monde qui justifie cela. Dès lors qu’on commence à dire qu’on peut caricaturer tout le monde … sauf les juifs, les musulmans, les immigrés, la gauche et les Noirs, mais qu’on peut y aller franco quand il s’agit de taper sur les Blancs, les Français, les chrétiens, il y a un problème. Il serait peut-être bon, que des humoristes issus de la diversité, plutôt que de taper sur le pays d’accueil et les Français qui ont accueilli généreusement leurs familles, dénoncent les travers de leur communauté. Entre les violences, la délinquance, l’antisémitisme, l’intolérance, le communautarisme et le reste, il y a de quoi faire … Mais je risque d’attendre encore longtemps.

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