[Une prof en France] Pour la nouvelle année, si on faisait classe en forêt ?

forêt

Des enfants courent dans une forêt, grimpent à un arbre puis le mesurent, observent son écorce et ses feuilles, le dessinent et composent un poème le décrivant. Ils ont renforcé leur confiance en soi, géré une prise de risque raisonnable, respiré le bon air, sollicité leurs sens, tonifié leur corps tout en faisant des sciences naturelles, des mathématiques et du français. Ils sont scolarisés dans une des rares Écoles de la forêt que l'on peut trouver en France, celles qui ont réussi, grâce à la persévérance et à l'énergie de leurs fondateurs, à surmonter tous les obstacles que l'administration et la société ont mis sur leur chemin.

Apparue au début du XXe siècle, l'École dans la Forêt a connu un succès notable dans les mondes anglo-saxon et scandinave. On en trouve de nombreuses aux États-Unis, en Allemagne, en Hollande ou en Suède. Au Danemark, près de 20 % des classes maternelles passent leur journée en forêt, repas et sieste compris, quel que soit le temps. Et les enfants s'en portent très bien, quand nos salles de classe surchauffées leur font enchaîner les rhumes et qu'on leur interdit de sortir en récréation quand il pleut… L'Angleterre compte aujourd'hui plusieurs centaines de Forest Schools publiques dans le primaire : « Depuis les années 1990, beaucoup de choses ont changé, mais les bouleversements ont été encore accélérés par la pandémie. [Les enfants] communiquent avec leurs amis grâce aux outils technologiques et restent chez eux plutôt que d’aller les retrouver à l’extérieur », explique Vicki Stewart, directrice d'une École en forêt près de Swindon, dans un article du Guardian. Déconnecter les enfants des écrans et les reconnecter avec la nature devient un enjeu de santé publique autant qu'une urgence sociétale. La Suisse suit le même mouvement et les collectivités locales y soutiennent la création d'écoles, qu'elles soient privées ou publiques.

Mais en France, des résistances idéologiques fortes subsistent. Ces écoles interrogent notre rapport au savoir et à sa transmission. Nombreux sont ceux, chez nous, qui restent convaincus qu'on n'apprend que si l'on est assis derrière une table, dans une salle fermée, et si possible dans le silence. Si l'on ajoute une pincée de stress, un soupçon de compétition et une larme d'ennui, les conditions d'apprentissage sont parfaites ! C'est normal, ce sont celles que nous avons connues, et après tout, nous n'en sommes pas morts et, même, nous avons appris plein de choses !

Les résistances tiennent aussi à un attachement un peu irrationnel à « l'école de la République ». Alors qu'ils s'activent pour créer une École en forêt dans le Morvan, Léa et Moïse reçoivent un courriel de la part d'un des détracteurs de leur projet : « Vous vous apprêtez à ouvrir une école privée hors contrat. Il me semble que dans le monde d'aujourd'hui, ce choix est irresponsable. L'école publique a beaucoup de défauts, mais c'est un bien commun. […] Vous savez très bien qu'en retirant vos enfants de l'école de votre village, vous l'affaiblirez. Moi, je crois qu'il faut se battre pour elle, pour qu'elle subsiste, pour qu'elle devienne meilleure. » On retrouve la vieille question : l'école est-elle faite pour les enfants, ou les enfants pour l'école ? Combien d'enfants doivent être sacrifiés pour que subsiste le fantôme d'un rêve que l'école publique n'incarne plus depuis fort longtemps ?

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Pour les cours en forêt, Il faut attendre qu’il fasse un peu plus sec. Dans mes rêves, je verrais l’enseignant sur une estrade, les élèves derrière les pupitres bien rangés. Je les verrais même se lever lorsqu’un adulte vient dans la classe, lever le doigt pour répondre ou poser une question. Je suis une tortionnaire qui voudrait qu’ils apprennent à lire, compter et peut-être même la grammaire, l’orthographe, l’histoire de France et la géographie.

  2. Faire l’école en forêt ? Oui , pourquoi pas de temps en temps . Sortir les enfants d’un univers bétonné, les emmener découvrir une nature que beaucoup d’entre eux ignore , oui, pourquoi pas ? Mais pour apprendre rien ne vaut , à mon avis, le décor habituel et répétitif d’une salle de classe . Un décor tellement familier, qu’on peut l’oublier au profit de l’enseignement de l’instituteur . La. nature dans sa grande générosité offre trop de distractions . Une brindille pour chatouiller son voisin , un morceau de bois pour faire un duel avec un copain, le chant d’un oiseau , un insecte qui monte sur une manche ….Trop de choses qui sont passionnantes , certes , mais risquent de détourner l’attention des enfants .

  3. Pour habiter en bordure de forêt, je ne peux qu’émettre les plus grandes réserves sur cette idée : plus ça va, plus cette forêt est dégradée ! Papiers gras et restes de pique-nique, bouteilles vides cassées sur lesquelles un rayon de soleil peut provoquer un début d’incendie (sans parler du danger pour les chiens de se couper sur un tesson), papier hygiénique et déjections, préservatifs usagés… le tout, à moins de 500 mètres des premières habitations.

  4. Assise aux pieds d’un arbre plutôt qu’à un bureau de la bibliothèque universitaire. Est-ce bien votre recette, vécue, pour devenir agrégée lettres ?

  5. Faire la classe en forêt ? Beaucoup de vos collègues aimeraient surtout de plus faire la classe dans la jungle …

  6. En France nos chères chances pour la France sont capables de piller et de mettre le feu à la forêt , seules distractions chez eux ….

  7. Bonjour Virginie. Je découvre l’existence de telles écoles, celles des forêts. Mais vous m’effrayez, considérant qu’il vous est possible de vous inscrire dans ces mouvances qui innovent pour innover, participant ainsi à la déstabilisation du monde éducatif. Les asiatiques ne sont-ils pas les meilleurs au monde en matière d’enseignement ? Certes avec quelques sacrifices de leur liberté. Mais la force du mouvement se puise dans l’exemplarité, l’homogénéité. Dans nos campagnes on dirait, ils tirent tous dans le même sens et la charrue derrière les bœufs. En France on se complait dans la diversification, dans l’hétérogénéité. Pour quelles raisons? Uniquement à cause de la faiblesse de la structure centrale, de l’Education Nationale. La nature a horreur du vide dit-on. Ce vide se comble par la multiplication des initiatives, parfois heureuses, pour d’autres hasardeuses. Et on se justifie en certifiant que c’est « une bonne méthode ». Il est certain que certains élèves peinent à s’adapter à ce qui est commun. Les maintenir malgré tout au sein du groupe les oblige à un effort d’adaptation par la suite profitable. « A bonne école » dirions-nous. Il suffit de les aider dans cette voie. Mais là aussi, la formation des enseignants est primordiale, non seulement en matière de maîtrise de leur discipline en connaissances , en gymnastique éducative, les astuces du métier, qu’en matière de relations humaines. Bonne et heureuse année Virginie.

    • Innovation… Les écoles dans la nature ont vu le jour dans les années 1920, ça ne date pas d’hier. Et dans l’Antiquité tout se faisait quasiment en extérieur, quel que soit l’âge. Le scoutisme a de grandes vertus pédagogiques et éducatives, les jeunes y apprennent pas mal de choses et cela se fait en extérieur. Je crois que le problème vient du fait que les Français croient toujours avoir trouvé le meilleur système, en tout, en méprisant ce qui se fait à l’étranger. L’innovation, si on observe l’histoire longue de l’Europe, serait plutôt de parquer les enfants pendant 8h dans la même pièce. On n’a pas tous envie de travailler ni de vivre dans le même environnement. Pourquoi tous les enfants devraient-ils évoluer dans la même école ? Il serait quand même logique que des modèles différents aient le droit de coexister, et que les parents choisissent ce qu’ils veulent pour leurs enfants.

  8. C’est aux parents, et à eux seuls de déterminer dans quel école ils veulent que leurs enfants soient INSTRUITS. Tous les moralistes collectivistes sur l’école de la République (l’école du diable comme on l’appelait dans nos campagnes il n’y a pas si longtemps) continuent de nous entrainer vers l’abime.

  9. Déconnecter les enfants des écrans dites-vous ?
    Oui mais, vous répondrais-je !
    J’ai bien peur qu’il ne soit déjà trop tard.
    Car pour un très grand nombre d’entre eux, l’écran en question étant devenu une extension naturelle du bras droit ou gauche, c’est selon, une forme de main en forme télévision.
    L’accessoire idéal des parents qui, pour avoir la paix, emmènent leurs enfants au restaurant par exemple, et qui plutôt que de payer un Nanny pour les garder à la maison et leur lire des livres de contes ou d’histoire, voire les faire jouer à des jeux intelligents, les plantent sur une chaise, une assiette de frittes d’un côté, l’écran de l’autre.
    Que faisais-je donc enfant ?
    Ah oui, j’écoutais les grandes personnes, apprenais à me tenir correctement à table, à manger tout et proprement, et participer poliment à la conversation des grands.
    Même maintenant, lorsque que je sors au restaurant, ce portable, cet écran est sous « silence et vibration ».

  10. Mais oui quelle bonne idée. Il est d’ailleurs de notoriété publique que les écoles prestigieuses de nos élites pratiquent cette méthode depuis des décennies. Rien de tel qu’un papillon virevoltant, un chant d’oiseau pour se concentrer sur les règles de grammaire du Bled entre autre.
    Chère Madame le professeur, votre boulot est d’instruire et non d éduquer ou amuser .
    Bonne Année.

    • Dans la Silicon Valley, les élites justement, tous les pointes de la technologie, mettent leurs enfants dans des écoles dans lesquelles il n’y a ni écran ni enseignement traditionnel, mais de la couture, de la cuisine, des activités de plein air… Ce n’est pas absurde de sortir du schéma traditionnel. Et les pays scandinaves s’en sortent très bien dans les évaluations internationales donc les élèves qui ont passé leurs premières années en extérieur semblent acquérir les savoirs fondamentaux aussi bien que les autres (voire mieux si l’on en croit les études menées en double comparaison).

    • Les écoles prestigieuses de nos élites proposent justement souvent beaucoup d’activités annexes, chorale, théâtre, sorties multiples, ateliers divers, voyages… Ce que je proposent pas les écoles standard pour le peuple… On n’a pas besoin de 8h par jour pour apprendre à écrire correctement et à compter. Et l’histoire comme les sciences naturelles passent très bien à l’oral. On comprend mieux la photosynthèse ou le cycle de l’eau quand on est dehors devant une plante que quand on est assis et qu’on regarde l’écran sur lequel le prof projette l’image d’une plante. Évidemment il y a un âge pour tout. Ces écoles couvrent la maternelle et le début du primaire. Les choses sont différentes en fin de collège et au lycée. Mais une vie plus saine, moins sédentaire et des enseignements plus concrets fondés sur davantage de manipulations ne feraient sûrement pas de mal à la plupart des enfants !

  11. Les écoles Steiner offrent aussi une éducation mieux adaptée à l’enfant , ils respectent le rythme de chaque enfant et il y a une approche avec la nature , la musique , il y a aussi le sens du partage et du vivre ensemble , une bonne philosophie de vie .

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