Le "PACT", Plan d'action contre le terrorisme, annoncé par Édouard Philippe lors de sa présentation dans les locaux de la DGSI, ce vendredi 13 juillet, a de quoi laisser perplexes les professionnels de la sécurité. En effet, axé sur des mesures d'analyse et de suivi, il ne laisse que peu de place à l'opérationnel véritable.

Parmi les nouveautés qui caractérisent ce nouveau dispositif, trois sont à même de retenir l'attention.

Tout d'abord, la création d'un "parquet national antiterroriste". Ce projet, fortement critiqué par les magistrats eux-mêmes, et qui avait été annoncé en 2017 puis écarté du texte portant réforme de la Justice présenté au printemps dernier, revient donc en force. L’argument avancé par le Premier ministre réside dans le fait qu'il est devenu "nécessaire de se consacrer à plein temps à la lutte antiterroriste" et que "la lutte antiterroriste a pris une part prépondérante dans l'activité du procureur de Paris", d’où la nécessité de scinder ces fonctions. Par ailleurs, afin d'optimiser l'efficacité de ce nouveau "PNA", ce service devrait bénéficier d'une équipe de fonctionnaires et de magistrats qui sera renforcée. En province, des procureurs délégués antiterroristes seront désignés au sein des structures territoriales. Si l'idée d'une filière judiciaire antiterroriste peut paraître séduisante, elle se heurtera, une fois de plus, au manque de moyens. En effet, déjà en sous-effectifs notoires, les parquets risquent d'avoir beaucoup de difficultés à intégrer cette nouvelle contrainte. La seule solution viable résiderait donc dans de nouveaux recrutements... qui n'ont pas été annoncés.

La deuxième mesure dévoilée par Édouard Philippe consiste en la création d'une unité de suivi des "sortants". Enjeu sécuritaire majeur pour les mois et les années à venir, plusieurs centaines de détenus (dont certains particulièrement dangereux) vont être libérés dans les prochains mois. Cette nouvelle unité, qui sera placée au sein de l'UCLAT (Unité de coordination de la lutte antiterroriste), aura pour mission, comme son nom l'indique, de suivre, à leur sortie de prison, les détenus terroristes ou radicalisés. Là encore, les contours de cette innovation sont des plus flous. Combien d'agents seront mis à la disposition de cette unité ? Avec quelles prérogatives judiciaires ? Sur quels ressorts de compétences ? Par ailleurs, le rattachement de ce nouveau service à l'UCLAT, dont la mission est le recueil et l'analyse de données touchant au terrorisme, ne condamne-t-il pas cette nouvelle entité à la redondance, voire au doublonnage, avec ce qui existe déjà ?

Enfin, l'annonce par Édouard Philippe "d'une réponse judiciaire systématique", avec "le renforcement du suivi des personnes placées sous contrôle judiciaire" ou "le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique mobile", n'est guère plus convaincante. Déjà existante dans l'arsenal des mesures de sûreté, c'est la systématisation du placement en résidence surveillée pour les nationaux qui se sont rendus coupables d'actes de terrorisme et l'expulsion immédiate des étrangers qui auraient dû constituer le noyau dur de ce "PACT". Or, il n'en est rien. Une fois de plus, nous avons droit à toute une série d'annonces qui ne sont ni financées ni réellement planifiées. De nouveaux services seront créés sans qu'il soit procédé au moindre recrutement, avec des effectifs qui sont déjà débordés.

Comme la plupart des plans annoncés en grande pompe ces dernières années, celui-ci n'est qu'un nouveau trompe-l’œil qui n'apporte rien et qui affaiblira, à terme, notre dispositif global de sécurité.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/08/2018 à 16:50.

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14 juillet 2018 à 9:25

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