Imaginez le cardinal de Richelieu, pour complaire à une opinion rétive à sa poigne de fer, endosser le costume de Pantalon, en intégrant une troupe italienne de commedia dell'arte. Représentez-vous Louis XIV, jouant le rôle de Géronte dans la farce de Molière, Les Fourberies de Scapin, afin de souder la cour autour de son illustre personne. Certes, l'admirable danseur qu'il était avait été mis en garde contre la tentation de trop s'afficher dans des spectacles de divertissement, comme cela se faisait à Versailles. On se souvenait que Néron avait aussi versé dans ce péché mignon des hommes d’État, qui sont toujours un peu comédiens. Pascal n'avait-il pas écrit que l'exercice du pouvoir devait flatter l'imagination. Ainsi un Charles de Gaulle, par sa gestuelle théâtralisée et ses bons mots, avait-il évité une guerre civile. La radio, la télévision, dès le début des années soixante, assuraient leur puissance de persuasion. Il fallait compter sur elles.

Laurence Saillet, qu'on ne comparera ni à « Son Éminence », fondateur de l’État français, ni au Roi-Soleil, n'était, somme toute, que la porte-parole d'un parti en décomposition, Les Républicains, qu'on quitte, en ce moment, comme les rats un rafiot naufragé. Elle rejoint la fine équipe de Cyril Hanouna.

Rappelons, avant de juger de l'affaire, qu'il n'est pas rare de voir de tels transferts du microcosme politique au macrocosme médiatique. Apparemment, il y a gros à gagner ! Un véritable mercato ! Quelques exemples : la guillerette Roselyne Bachelot a intégré C8, puis France Musique, en tant que chroniqueuse, malgré une condamnation pour diffamation ; Aurélie Filippetti, ainsi que Gaspard Gantzer, ont rejoint RTL ; Jean-Pierre Raffarin s'est acoquiné avec l'obséquieux Laurent Delahousse, sur France 2 ; Henri Guaino a choisi Sud Radio ; l'Insoumise de pacotille Raquel Garrido a atterri sur une chaîne de Vincent Bolloré, tandis que la réputée subversive Sophia Chikirou se trouve sur BFM TV, qu'elle agonissait d'insultes ; Julien Dray est devenu chroniqueur sur LCI, Daniel Cohn-Bendit sur Europe 1, avant d'être remercié ; l'ancien député socialiste Sébastien Pietrasanta, consultant sur BFM TV, tandis que notre ministre féministe, Marlène Schiappa, s'est exhibée avec notre fameux Hanouna, dont on ne saurait trop souligner la vulgarité.

Cette chorégraphie burlesque concourt à accroître la méfiance que l'on porte à l'égard d'un univers politique dont on soupçonne qu'il est, maintenant, une carrière plutôt qu'une vocation. Ne paierait-il pas assez son homme (ou sa femme) ? Il est certain que le narcissisme médiatique remue des millions. Et probablement capte-t-il davantage les suffrages d'un peuple au goût corrompu qu'une mission civique, qui exige distance et gravité. Cette dérive, qui nous vient d'Amérique, est un symptôme supplémentaire du pourrissement de la vie publique.

4213 vues

15 juillet 2019 à 17:25

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.