L’armée française n’a-t-elle que quatre jours de munitions ?

14 juillet : l’hommage du peuple à son armée

C'est, mine de rien, une petite bombe que vient de lâcher Christian Cambon, patron de la commission de Défense du Sénat, interrogé, ce mercredi, sur RFI. Dans un contexte de guerre aux portes de l'Europe, de retour aux conflits dits « de haute intensité » et aux affrontements entre puissances de poids égal, le sénateur LR a expliqué que la France serait à court de munitions au bout de « quatre jours au maximum ». « Je ne force pas le trait, a-t-il ajouté. Je pense même que mes informations sont optimistes par rapport à la réalité sur un certain nombre de points. »

Quatre jours. Ce n'est même pas une semaine ouvrable : attaqués le lundi matin, nous serions désarmés le jeudi soir. Qu'en penser ? D'abord, comme le dit Christian Cambon, nos stocks de munitions sont employés sur les théâtres d'opérations, dans la bande sahélo-saharienne (BSS) notamment. Nous devons donc les renouveler plus fréquemment. Toutefois (et c'est le second point), le fait que le sénateur insiste sur le caractère douteux de certaines informations doit nous alerter. Peut-être les armées, comme le régisseur malhonnête de la Bible (Lc, 16; 1-13), tripatouillent-elles les comptes pour rendre aux parlementaires une copie un peu plus propre que la réalité. « Faites-vous des amis avec cet argent malhonnête », concluait Jésus-Christ avec un pragmatisme qui surprend parfois les fidèles - et qui ne devrait évidemment pas, mais je sors de mon rôle, être interprété au premier degré. Les armées ont-elles cherché à se faire des amis avec des comptes rendus malhonnêtes, à « conquérir des ressources » pendant des années, quand Chirac, puis Sarkozy, puis Hollande les saignaient jusqu'à l'os ? On ne le sait pas. Les données de la commission de Défense sont-elles fiables, optimistes ou pessimistes ? On l'ignore.

Troisièmement, le spectre de la drôle de guerre fait son retour, jusque dans le discours du sénateur : « Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation identique si jamais le conflit arrive jusqu'à nos portes, ce que nous n'osons pas croire. » Depuis longtemps, l'armée de la République traîne l'image, probablement liée au service militaire autant qu'à la débâcle de 1940, d'une bande de franchouillards incompétents, défaits au premier coup de fusil, roublards et lâches. Une image qui ne correspond pas à la réalité. Ce n'est pas rendre justice à un millénaire de gloire (la France est le pays du monde qui a emporté le plus de victoires militaires) ni aux victoires tactiques plus récentes, défaites par des décisions politiques, ni, tout près de nous, aux héros tombés pour la France, dans une indifférence quasi générale, sur les théâtres d'opérations extérieures. Cependant, si nos armées sont fortes et se densifient encore pour durer et encaisser les chocs, elles ne sont rien - il en a déjà été question ici - sans le soutien de leur peuple. La défaite de 1940 a été celle de tout un pays, lassé par les horreurs de 1914, plein de certitudes, commandé par des officiers de temps de paix, gouverné par des politiciens de temps de paix, un pays persuadé d'aller « pendre son linge sur la ligne Siegfried » et qui, dès l'été 1940, voyait les uniformes vert-de-gris défiler sur les Champs-Élysées.

Quatre jours de munitions, ce n'est pas beaucoup. Le manque d'épaisseur logistique de l'armée française, Christian Cambon l'affirme, n'est pas une nouveauté. En voulant rester indépendante, et posséder en propre toute la gamme des effets militaires, la France s'est condamnée, sous les coups de ciseaux de Bercy, à ne produire que des échantillons.

Et maintenant, que faire ? Relancer la production ? Probablement. Augmenter les budgets ? Qui y croit encore ? Tout au plus peut-on faire cesser l'hémorragie. C'est ce qu'a fait Emmanuel Macron, quoique pas autant que prévu. Rogner sur d'autres budgets ? C'est ce que propose Eric Zemmour, qui prétend résoudre une bonne partie des déficits en mettant un terme à notre modèle social, généreux jusqu'à la bêtise.

Quatre jours de munitions. Gardons bien cela en tête avant d'aller inaugurer des fresques, d'organiser des concerts, de déprogrammer Tchaïkovsky et d'interdire les concours de chats russes. La diplomatie des bougies et des peluches a vécu. Sur les marches du Kremlin, on ne chante pas « Imagine » en pleurant quand il y a des morts. Du côté de Pékin, on n'écrit pas « Vous n'aurez pas ma haine » à la craie sur les murs des bars à jus. Je ne dis pas que ce n'est pas regrettable : il est bien pratique de se prendre pour Jean Moulin quand on boit un coup en terrasse, pour montrer aux djihadistes qu'on n'a pas peur. Il est bien confortable de vanter le nationalisme ukrainien quand, comme Mathieu Kassovitz, on a passé sa carrière à cracher sur le patriotisme français. Mais les temps ont changé. Ils se mesurent désormais en jours de combat.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

65 commentaires

  1. (la France est le pays du monde qui a emporté le plus de victoires militaires)
    ça alors, d’où vous sortez cela ?
    D’Alesia, Trafalgar, Waterloo à Bazeilles pour les TDM, Camerone pour la légion, DBPhu une longue histoire de courage des combattants, quant aux victoire…

    • voulez vous voir nos politiques se battre avec le courage des marsouins, de la légion, des paras ,ce n’est pas demain la veille. nous les voyons en action a l’assemblé et au sénat, ce n’est pas triste

  2. Si nous faisions usage de notre arsenal nucléaire, nous pourrions continuer à tirer plusieurs jours mais notre pays serait vitrifié dans l’heure !

  3. Nos soldats sont sans munitions et sans…lacets de chaussure, mais nous avons le défilé du 14 juillet, et les coups de menton du chef de guerre..Poutine a des raisons de tenir la France pour un théâtre d’opérettes !!!

  4. Les munitions, c’est un peu comme les masques : les stocks se périment et c’est un ensemble complexe qui doit être adapté à des armes en constante évolution. Ne nous inquiétons pas, les Américains seront là pour nous fournir des armes au sein de l’OTAN, s’ils n’ont rien de plus pressé à faire et si nous sommes bien gentils avec eux. On pourra toujours recycler les obus épars depuis la Grande Guerre que l’on ramasse encore par milliers sur les champs de bataille des Ardennes et du Nord.

  5. 4 jours dites-vous ? Ce n’est pas grave, c’est comme pour les masques, on fera venir nos munitions de Chine… De toute façon, tout l’équipement de nos soldats (chaussures, treillis, gilets pare-balles, etc.) sont fabriqués à l’étranger ! Alors, on n’est plus à cela près… Mon Dieu, où va la France ? Comment se peut-il que 30% des français aspirent à reconduire cet incapable ?

    • Vous y croyez, vous, à ces sondages ?
      Perso, j’ai beaucoup de mal ! Ne nous laissons pas embobiner une fois de plus et … aux urnes, citoyens !

  6. « Il est bien confortable de vanter le nationalisme ukrainien quand, comme Mathieu Kassovitz, on a passé sa carrière à cracher sur le patriotisme français. » rien à ajouter !!!

  7. Depuis le temps qu’on nous divulgue cette nouvelle (bientôt une semaine) est-ce que nos usines d’armement n’auraient pas eu le temps d’en produire un peu plus ? Ou alors doit-on comprendre que nos munitions, comme autrefois nos masques, sont fabriquées en Chine ou peut être même en Russie ?

  8. J’avais eu l’occasion de l’écrire et j’avais donné 24 heures de vie à notre armée, en cas d’un conflit dur et rapide . Il est dommage que BV fasse disparaitre quelques fois ce que j’écris
    et je ne comprends pas pourquoi. Suis je trop réel dans mes analyses???ou un peu trop agressif pour exprimer la vérité.??

  9. Eh oui c’est le résultat de la génération 68, pacifique à la soumission, sons frontièristes,, ef sans frontièristes sans limite, sans connaissance de l’histoire capable d’aider les hors la loi sans papier parasites plutôt que d’aider leurs compatriotes par snobisme de bobo bien pensant ou plutôt sans culture.

  10. Cela fait combien de temps que l’on nous serine que l’UERSS c’est la paix que nous n’avions plus besoin d’être armé et puis il y a la réalité et nous voilà fort dépourvus. Les technocrates mondialistes heureux hors-sol.

  11. L Allemagne achète des F 35, elle va rapidement être livré, en France pour un rafale, 3 ans d’ attente.
    Un magnifique porte avions avec une hélice défectueuse, une piste trop courte et régulièrement de retour pour réparation et modification
    Macron lui vend nos chasseurs en occasion a des pays étrangers, déshabillant notre armée de l’ air
    Le nouveau service des payes de l’ armée a coûté bonbon et a merdouillé 3 ans

  12. De mon temps (au siècle dernier, dans le précédent millénaire), le combattant emportait 3 « unités de feu », soit 3 jours de consommation moyenne de munitions. Et les TC2 (en gros, la réserve régimentaire gérée par la CCS) en emprtaient autant. Au fur et à mesure, ils se recomplétaient auprès des trains divisionnaires qui, à leur tour, s’approvisionnaient dans les dépôts de l’Arrière.
    Mais tout ça semble si loin et si dépassé..

  13. L’ armée française a toujours été le parent pauvre. Riche en généraux, riche en colonels, pauvre en matériel et moyen. Nos industries d’ armement ont délocalisé ou fermé
    Pour réparer un engin on en déshabille un autre, nos militaires sont envoyé aux 4 coins du monde et ils sont les seuls de l’ UE à mourir pour l’ ONU

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