C'est, mine de rien, une petite bombe que vient de lâcher Christian Cambon, patron de la commission de Défense du Sénat, interrogé, ce mercredi, sur RFI. Dans un contexte de guerre aux portes de l'Europe, de retour aux conflits dits « de haute intensité » et aux affrontements entre puissances de poids égal, le sénateur LR a expliqué que la France serait à court de munitions au bout de « quatre jours au maximum ». « Je ne force pas le trait, a-t-il ajouté. Je pense même que mes informations sont optimistes par rapport à la réalité sur un certain nombre de points. »

Quatre jours. Ce n'est même pas une semaine ouvrable : attaqués le lundi matin, nous serions désarmés le jeudi soir. Qu'en penser ? D'abord, comme le dit Christian Cambon, nos stocks de munitions sont employés sur les théâtres d'opérations, dans la bande sahélo-saharienne (BSS) notamment. Nous devons donc les renouveler plus fréquemment. Toutefois (et c'est le second point), le fait que le sénateur insiste sur le caractère douteux de certaines informations doit nous alerter. Peut-être les armées, comme le régisseur malhonnête de la Bible (Lc, 16; 1-13), tripatouillent-elles les comptes pour rendre aux parlementaires une copie un peu plus propre que la réalité. « Faites-vous des amis avec cet argent malhonnête », concluait Jésus-Christ avec un pragmatisme qui surprend parfois les fidèles - et qui ne devrait évidemment pas, mais je sors de mon rôle, être interprété au premier degré. Les armées ont-elles cherché à se faire des amis avec des comptes rendus malhonnêtes, à « conquérir des ressources » pendant des années, quand Chirac, puis Sarkozy, puis Hollande les saignaient jusqu'à l'os ? On ne le sait pas. Les données de la commission de Défense sont-elles fiables, optimistes ou pessimistes ? On l'ignore.

Troisièmement, le spectre de la drôle de guerre fait son retour, jusque dans le discours du sénateur : « Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation identique si jamais le conflit arrive jusqu'à nos portes, ce que nous n'osons pas croire. » Depuis longtemps, l'armée de la République traîne l'image, probablement liée au service militaire autant qu'à la débâcle de 1940, d'une bande de franchouillards incompétents, défaits au premier coup de fusil, roublards et lâches. Une image qui ne correspond pas à la réalité. Ce n'est pas rendre justice à un millénaire de gloire (la France est le pays du monde qui a emporté le plus de victoires militaires) ni aux victoires tactiques plus récentes, défaites par des décisions politiques, ni, tout près de nous, aux héros tombés pour la France, dans une indifférence quasi générale, sur les théâtres d'opérations extérieures. Cependant, si nos armées sont fortes et se densifient encore pour durer et encaisser les chocs, elles ne sont rien - il en a déjà été question ici - sans le soutien de leur peuple. La défaite de 1940 a été celle de tout un pays, lassé par les horreurs de 1914, plein de certitudes, commandé par des officiers de temps de paix, gouverné par des politiciens de temps de paix, un pays persuadé d'aller « pendre son linge sur la ligne Siegfried » et qui, dès l'été 1940, voyait les uniformes vert-de-gris défiler sur les Champs-Élysées.

Quatre jours de munitions, ce n'est pas beaucoup. Le manque d'épaisseur logistique de l'armée française, Christian Cambon l'affirme, n'est pas une nouveauté. En voulant rester indépendante, et posséder en propre toute la gamme des effets militaires, la France s'est condamnée, sous les coups de ciseaux de Bercy, à ne produire que des échantillons.

Et maintenant, que faire ? Relancer la production ? Probablement. Augmenter les budgets ? Qui y croit encore ? Tout au plus peut-on faire cesser l'hémorragie. C'est ce qu'a fait Emmanuel Macron, quoique pas autant que prévu. Rogner sur d'autres budgets ? C'est ce que propose Eric Zemmour, qui prétend résoudre une bonne partie des déficits en mettant un terme à notre modèle social, généreux jusqu'à la bêtise.

Quatre jours de munitions. Gardons bien cela en tête avant d'aller inaugurer des fresques, d'organiser des concerts, de déprogrammer Tchaïkovsky et d'interdire les concours de chats russes. La diplomatie des bougies et des peluches a vécu. Sur les marches du Kremlin, on ne chante pas « Imagine » en pleurant quand il y a des morts. Du côté de Pékin, on n'écrit pas « Vous n'aurez pas ma haine » à la craie sur les murs des bars à jus. Je ne dis pas que ce n'est pas regrettable : il est bien pratique de se prendre pour Jean Moulin quand on boit un coup en terrasse, pour montrer aux djihadistes qu'on n'a pas peur. Il est bien confortable de vanter le nationalisme ukrainien quand, comme Mathieu Kassovitz, on a passé sa carrière à cracher sur le patriotisme français. Mais les temps ont changé. Ils se mesurent désormais en jours de combat.

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16 mars 2022 à 17:08

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65 commentaires

  1. Il faut donc voter Zemmour dés le 1er Tour, puisque c’est lui encore qui l’a dit le 1er. Macron ou Zelensky même Comédie, comédiens, pantins, polichinelles de Biden mania CIA.
    L’uniforme ne fait pas le soldat. Un Président de Pays en tea shirt kaki ne peut servir qu’à laver les cerveaux…
    « civis pacemen parabellum » Si tu veux la Paix, prépare la Guerre.

  2. De toute manière, la France n’a plus de peuple français , mais un conglomérat issu de fuyards devant la guerre , la famine, la maladie , de ceux qui cherchent une vie meilleure aux frais de l’habitant.En cas de guerre il n’y aura pas de résistance , l’armée défaite, ce sera la cavalcade vers d’autres cieux.Il ne restera que le français de souche ,battu, cocu et couillon toujours. D’un autre côté ça débarrassera, si c’est le prix à payer je ne marchanderai même pas.

  3. Les munitions sont assurément gérées selon la même doctrine que pour les masques sanitaires.
    En cas de besoin il suffi de passer commande, délai six mois, en attendant on négocie un cessé le feu je suppose.
    Pour peu que l’on soit en conflit avec le pays qui nous fourni les munitions !
    On est mal Chef !

  4. Sous de Gaulle ? Pas de déficit, un budget militaire de 5,76 %
    Centrales nucléaires et Bombe !
    Ce jour ? Budget de 1,78 %, centrales en panne, déficit ahurissant…
    Macron, prêt à partager la Bombe… et l’ONU !
    On Rêve !

  5. Par contre, il y a des « Stocks de coups-de-pieds au cul inutilisés ! » comme disait mon grand-père, un héros de la Grande-Guerre !

  6. On le voit en Ukraine ! Les africains qui y sejournaient ne veulent pas se battre.
    Et fuient le pays, car ils ne peuvent plus en profiter.
    En France, les français « de Préfecture  » rentreraient dans leur pays africains à la première invasion, excepté peut être une infime minorité qui aime la France !

  7. La réalité est encore plus simple. Notre stock de munition est dépendant de notre adversaire. Imaginons le plus simple, les russes. Les munitions se perdront en cours de voyage, les trains prendront des mauvaises directions, les dockers CGT seront en grève, des centaines d’ assos manifesteront contre notre armée. nos dirigeants prendront la poudre d’ escampette, les communistes se rangeront du coté ennemi.
    Tous les détraqués sexuels seront objecteurs de conscience

  8. Et bien voilà ! La réalité qui s’impose face aux rodomontades des politiques et à la lâcheté sous-jacente. La France n’a plus les moyens de sa défense.

  9. « Si vis pacem para bellum » ce ne devrait pas être la devise de l’école de guerre, mais celle du parlement.
    Une remarque, à Monsieur le sénateur, l’armée française ne compte pas en jours de munitions mais en unité de feu et, a bien regarder, il y a une nuance.

  10. À lire les nombreux articles qui régulièrement nous informent sur l’armement dans les « territoires perdus de la République », ceux-ci semblent plus armés que l’armée de la République elle-même.

  11. Malgré la modicité de nos réserves d’armes nous en livrons à l’Ukraine qui plaide pour une troisième guerre mondiale afin de supprimer l’europe au profit des US gourou de Zelensky

  12. Toute la logique de la gauche : madame Rousseau, qui a toujours clamé sa haine des drapeaux défile aujourd’hui pour défendre le drapeau ukrainien et monsieur Kassovitz qui a toujours dénoncé le nationalisme français se fait le chantre du nationalisme ukrainien… Quant à Jadot, le « vert », il regrettait, hier soir chez Cyri Hannouna, notre dépendance au gaz russe et accusait la fermeture de Fesseheim et l’arrêt, pour maintenance, de 12 centrales nucléaires…

  13. « Attaqués le lundi matin, nous serions désarmés le jeudi soir » !
    Non , le jeudi c’est sport et ensuite le week-end ….donc ce serait le lundi suivant ce qui fait bien une semaine .

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