Et une polémique, une ! Une de plus. Un film américain de la réalisatrice Patty Jenkins va sortir prochainement. D’accord, et alors ? Le sujet tournera autour de Cléopâtre. Tout un tas d’angles pour « revisiter » le sujet. Faire de la reine d’Égypte une sorte de féministe avant l’heure. Mon corps est à moi et si je veux manger des perles au goûter, personne n’a rien à me dire, d’accord ? Surtout pas l’eunuque de service dans son costume de garçon de hammam. Autre angle d’attaque possible : Cléopâtre, une résistante avant l’heure, une sorte de Lucie Aubrac de harem, luttant contre l’oppresseur romain à la force du poignet. Un mix des deux personnages est évidemment possible. Autre idée, encore. Décoiffante, pour le coup. Essayer tout simplement de reprendre la grande tradition des péplums des années 1950 et 1960 en rafraîchissant tout ça pour offrir au spectateur un beau et grand spectacle, si possible en ouvrant la boîte à fantasmes.

Mais la polémique ? Ah oui. La voici. L’actrice qui devrait interpréter la copine « à » Antoine et César est Gal Gadot. Preuve vivante qu’Israël possède la bombe atomique ! Car elle est israélienne, Gal Gadot. Vous voyez, déjà, la polémique possible poindre à l’horizon du Sinaï. Mais le hic n’est pas tant qu’elle soit qu’israélienne. C’est qu’elle soit blanche. Or, il se pourrait bien que la reine d’Égypte fût noire. Noire, noire ? On sait pas, mais c’est possible. Alors, comment peut-on encore, en 2020, faire du whitewashing, cette pratique qui consiste à blanchir un personnage de couleur, comme au temps d’Elizabeth Taylor et Monica Bellucci, autres avions de chasse qui, jadis et naguère, sillonnèrent le ciel cinématographique et incarnèrent, elles aussi, Cléopâtre ? Comment se peut-il ?

Mais, au fait, on en sait quoi, de la généalogie de Cléopâtre ? Cléopâtre, c’est moins vieux que les pyramides, mais ça date quand même. Par sa lignée paternelle, c’est incontestable, elle descendait, à la neuvième génération, d’un général, compagnon d’Alexandre le Grand, Ptolémée, né vers 368 av. J.-C. en Macédoine et mort en 283 av. J.-C., basileus, c’est-à-dire roi d’Égypte. Toujours par son père, Ptolémée XII, Cléopâtre descendait aussi de la dynastie des Séleucides, issue d’un autre général d’Alexandre et qui régna sur la Syrie. Toujours dans les ancêtres de Ptolémée, on trouve aussi la dynastie des Mithridate, rois du Pont, un royaume situé sur la côte méridionale de la mer Noire (ah, on vous l’avait dit !). Mais on ne va pas vous faire tout le tableau. Du reste incomplet, vu que Stéphane Bern n’existait pas encore et que, donc, on manque de sources fiables.

Et la lignée féminine de Cléopâtre, on en sait quoi ? Rien. Enfin, pas grand-chose. Selon l’historien Strabon (60 av. J.-C.- vers 20 ap. J.-C.), Ptolémée XII n’aurait eu qu’un enfant légitime, Bérénice IV. On en a donc déduit que Cléopâtre était née d’une concubine. Qui dit concubine dit noire ? Pas forcément, bien sûr. Maintenant, en 2009, Le Monde s’était fait l’écho d’une découverte faite en Turquie. Des restes humains trouvés dans une tombe étaient, assurément, ceux de la princesse Arsinoé, autre fille de Ptolémée XII, père de Cléopâtre. Or - divine surprise ! -, le crâne de cette princesse présentait des caractéristiques africaines. Donc Arsinoé avait une ascendance africaine. Logique. Par son père ? Dans ce cas, effectivement, Cléopâtre avait, elle aussi, du sang africain. Par sa mère dont on ignore l’identité ? Mais rien ne dit que Cléopâtre et Arsinoé avaient la même mère. Vous suivez ?

Donc, on ne s’emballe pas. La superbe Gal Gadot devrait faire l’affaire. Reste à trouver un singe et deux faucons sans lesquels la reine d'Égypte ne se déplaçait jamais. Même le Gaulois le plus demeuré sait ça. Enfin, si l'on en croit l'historien Jean Yanne... Question : la peau de Cléopâtre eût été plus noire (ou plus blanche), toute la face du monde aurait-elle changé ?

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13 octobre 2020 à 18:15

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