La grande pitié de Macron pour les églises de France

macron

Ce vendredi 15 septembre, veille des Journées européennes du patrimoine, le président de la République était en déplacement en Bourgogne, plus exactement à Semur-en-Auxois, où il a visité la collégiale Notre-Dame. Pourquoi Semur ? Pourquoi pas. Mais surtout, comme le rapporte Le Bien public, l’Élysée a expliqué que cette petite cité est « un cas typique d’une commune de 4.000 habitants dotée d’un patrimoine historique extrêmement riche ». C’est bien vu, mais ce que n’évoque pas le journal local, c’est que dans cette commune naquit, en 1943, ce monument historique du macronisme qu’est le sénateur François Patriat. Certes, pas d’élections sénatoriales en Côte-d’Or cette année, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’Emmanuel Macron a voulu adresser un message à cette « France des territoires qu’on aime tant ». Et, tant qu’à faire, plus largement à l’électorat de droite sensible en général aux questions patrimoniales… Avec la séquence papale à Marseille, c’est carton plein. Macron, accompagné de son épouse, du ministre de la Culture, de Stéphane Bern et, bien évidemment, de l'enfant du pays, a donc suivi le guide en visitant la magnifique collégiale de Semur, des images qui se passent de commentaires, le message étant clair : Macron s’intéresse à notre patrimoine religieux. S'en est suivi un très long bain de foule composée en apparence de l'électorat privilégié de Macron dans la bourgade. Une séquence suivie en direct par BFM TV dans une sorte de long tunnel télévisuel en début d'après-midi, histoire que la sieste nous soit douce.

« Énergie positive ? »

Quoi qu’il en soit, qu’a annoncé le chef de l’État ? Comme l'avait déjà évoqué Arnaud Florac, en début de semaine, l'idée est de venir en aide aux communes de moins de 10.000 habitants. Tant pis pour celles qui comptent 10.001 âmes. S'il faut saluer cette volonté, à bien y regarder, cependant, il n'y a pas de quoi faire sonner les cloches à la volée, puisque le Président a essentiellement fait appel au bon cœur des Français. À l'instar d'un Bruno Le Maire qui passe son temps à demander, Emmanuel Macron espère. Il espère récolter 200 millions d'euros de souscriptions en quatre ans. Et maintenant, Macron en leveur de fonds. Grand magicien, il veut « transformer cette émotion [populaire face à la dégradations des édifices] en énergie positive ». Certes, l'État mettra la main au portefeuille par le biais de déductions fiscales à hauteur de 75 % jusqu'à 1.000 euros et de 66 % au-delà. Mettons que l'on arrive, en quatre ans, à ces 200 millions, cela fera, au mieux, 150 millions d'euros de manque à gagner pour l'État sur cette période. Ramené au budget du ministère de la Culture (hors audiovisuel) qui s'élevait à 4,2 milliards d'euros, dont 1,1 milliard pour le patrimoine, en 2023, il n'y a pas de quoi grimper en haut du clocher pour faire cocorico.

Pour le reste, Macron s'est engagé à ce que l'État accompagne les communes dans la conduite des travaux sur les édifices. « Nous allons simplifier les dispositifs », a-t-il affirmé. Un grand classique qui ne mange pas de pain. Quand on sait que les directions régionales de la culture (DRAC) peinent à suivre les dossiers, par exemple, de demandes de classement aux monuments historiques, on se dit que ce n'est pas gagné.

Quand Barrès s'alarmait

Là, d’emblée, disons-le sans détour, nous frôlons les barbelés de la bien-pensance en faisant référence à Maurice Barrès (1862-1923), écrivain « rance » aux yeux de la gauche. On a en mémoire la récente polémique déclenchée par la tribune du député LR Jean-Louis Thiérot, publiée en plein mois d’août dans Le FigaroVox et intitulée « Maurice Barrès, le héraut de l’union sacrée ». Tant pis ! Maurice Barrès, donc, publia une série d’articles au début du XXe siècle, après la loi de séparation des Églises et de l’État, sur la situation des églises de France qui, pour beaucoup d’entre elles, menaçaient ruine. Ses articles furent regroupés sous le titre La Grande Pitié des églises de France. C’était il y a plus d’un siècle !

« Délabrement extrême »

Plus près de nous, en 2013, Maxime Cumunel, délégué général de l’Observatoire du patrimoine religieux, poussait un cri d’alarme dans l’hebdomadaire catholique Famille chrétienne et en appelait à la mobilisation de tous. Il évoquait le chiffre de 10.000 églises dans un « état de délabrement extrême » et dénonçait ces ennemis qui, selon lui, menaçaient ces églises, tout comme à l’époque de Barrès : « la bêtise quelquefois, le désengagement financier souvent, ­l’indifférence avant tout ». Tout est résumé. Dix ans et des dizaines d’églises démolies plus tard, la situation ne s’est donc pas améliorée, d’autant que les communes, en charge de la plupart des édifices religieux affectés au culte catholique n’en peuvent mais : contraction des dotations de l’État, inflation, etc. D’après le rapport sénatorial déposé en juillet 2022, 2.500 à 5.000 églises seraient menacées de destruction, d’ici à 2030. Sur 36.000 communes, c’est énorme. Durant sa visite dans la collégiale de Semur, le Président a appris que sa restauration coûterait, à elle seule, 4 millions d'euros. 50 Semur dans le pays et l'affaire est pliée...

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

43 commentaires

  1. C’est mackinsey qui a conseillé à Machiavel de faire semblant de s’intéresser aux catho et au splendide patrimoine hérité de notre culture judeo chrétienne ; histoire de faire un peu remonter la popularité de Macon ?

  2. La république a spolié par deux fois l’Eglise Catholique et ses fidèles, à l’époque de la révolution de 1789 ,et en 1905, aujourd’hui la loi de 1905 n’est plus appliquée ,notre patrimoine religieux disparaît et ce sont les citoyens qui doivent mettre la main à la poche en pleine crise économique .
    Nous serions en droit de réclamer un mea culpa de la part de nos gouvernants, qui n’ont rien fait depuis des décennies afin d’imposer aux municipalités le respect de notre patrimoine national inscrit dans la loi .
    Ou passe le budget du ministère de la culture ,un budget prélevé sur nos impôts directs et indirects ?
    Ces derniers temps le ton semble changer au sein du gouvernement, le ministre de la justice condamne le syndicat de la magistrature qui tiendra une table ronde à la fête de l’Huma, le ministre de l’intérieur défend les policiers inquiétés par la justice,le ministre de l’Education-National veut imposer les fondamentaux dans l’enseignement ,et faire respecter la laïcité dans les collèges .
    Il y a urgence car il ne reste que trois années et demie , et en 2024 les européennes ,ne serait-il pas déjà un peu trop tard pour changer de cap ,et imposer de nouvelles normes ?

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