La French Theory, ou le début de la fin

WOKE

Force est de constater que le camp du Bien est hégémonique depuis la crise financière de 2008. Où, mort du travail oblige, la gauche sociale devait céder la place à la gauche culturelle, ou sociétale, celle du progressisme, de la rupture avec toute notion d’autorité. C’est la « théorie française » conçue par les universités américaines dans les années 70. Une hégémonie qui frappe à coups d’éclat médiatiques, à l’image de la dernière sortie de nos gauchistes contre le projet de méga-bassines à Sainte-Soline ; Extinction Rebellion, antifas, néo-féministes, éco-fascistes, autant d’enfants-rois qui ne revendiquent que des droits par aversion pour le moindre devoir. Des étudiants, des enseignants, des hauts fonctionnaires aussi, qui cultivent savamment la paranoïa, une peur peu déterminée, une angoisse face à de multiples discriminations imaginaires, des dominations fantasmées, sur les femmes, les races (non blanches), les animaux, Dame Nature. Ça fait donc sa pub, son cinéma : pour un Louis XIV noir, mais pas pour un Nelson Mandela blanc, etc. « Moins un culte est raisonnable, plus on cherche à l’établir par la force », disait Rousseau. Cette fois-ci, Jean-Jacques contre Sandrine.

« Nous sommes le pouvoir », dixit la génération 68. Libertaire le jour, libérale la nuit, mais éminemment totalitaire. Depuis lors, on voit son art de la guerre, de vendre des applis, des voitures, des vêtements, etc. L’occupation de nouveaux espaces, tant physiques que conceptuels. Conséquence : son dernier rejeton s’est réveillé, il a trouvé de nouvelles causes, des zones à défendre. Lui aussi veut « changer les mentalités ». C’est l’ère de l’individu, celle du vide. Parce qu’entre les Lumières et la French Theory, il y a un continuum dont il conviendrait de décrire rigoureusement les évolutions. En somme, sadisme, rousseauisme et wokisme, même combat ? De la porosité entre humanisme et nihilisme ? Bref, un fourre-tout méthodologique où tout peut être dit sans logique argumentative, surtout contre le judéo-christianisme. In fine, la haine du doute, de la contradiction, de la confrontation, de l’incarnation… Haine insincère de l'artificiel. Une vision rabougrie de l’Histoire pour laquelle seul le mâle blanc aurait fait du mal. La dénonciation de l’« Androcène ». L’annihilation de toute relation homme-femme, autrement dit de la courtoisie, de la conversation, au nom de la numérisation, de l’hybridité, de l’oscillation pathologique entre le libéral et le clérical. « Faites ce que je vous dis, mais ne dites pas ce que je fais. » Clairement, l’envie transhumaine de dominer, d’écraser tout ce qui n’est pas encore malade. De la ruse de la raison occidentale : à trop vouloir penser comme Foucault (mal interprété, eu égard à la déconstruction initialement conçue par Heidegger), qui manifeste tous les éléments de coercition consubstantiels aux civilisations (médecine, justice, bourgeoisie), le wokiste finit par se prendre les pieds dans le tapis néocolonial, dans le besoin de mainmise sur des employés ou esclaves. Ainsi, il milite pour la PMA, la GPA et la livraison à domicile. Un commerce inéquitable. Je tire pour du beurre ici, pour une barrette de shit ailleurs… « La défonce est un sport extrême. Il faut avoir envie de dynamiter toutes ses identités. De genre, de classe, de religion, de race », écrit Despentes dans son dernier roman, Cher connard. Comme la pente est glissante… Tragiquement, vers l’ordre du désordre.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Très beau discours, mais qui peut se résumer en un seul mot : Trotskisme, ce bon vieux mouvement destructeur (sans aucun projet constructif) qui triomphe actuellement dans les médias sous ses différentes couleurs : Extinction Rebellion, antifas, néo-féministes, éco-fascistes, tous doigts différents d’une même main.

  2. On commence à voir les effets de ce que dénonçait avec raison Iquioussen et Russo : la destruction de la famille patriarcale avec pour conséquence des enfants-roi élevés par la société et ses réseaux sociaux avec interdiction de les corriger (fessée interdite). On en voit le résultat.

  3. Toute la société actuelle est déjà annoncée par le personnage de Didi dans Le Lotus bleu et Hergé est un prophète : « Avez-vous trouvé lé voie ? Moi je l’ai trouvée. Il faut donc que vous la trouviez aussi. Je vais simplement vous couper le tête ». Tout est dit et c’est ce que nous vivons.

  4. wokisme port du voile déboulonnage de statue bref tout ceçi n’est que polémique inutile pour masquer la réalité d’un pays que l’on détruit socialement et économiquement

  5. Le wokisme vit ses dernières heures. Comme chaque mouvement social, il tirait sa force d’un marketing bien consumériste.
    Le même qui force nos animateurs TV à toujours être des chevaliers de la bien-pensance, car hey! Il faut ratisser large et tout le monde regarde la TV, même les migrants illégaux ou les prisonniers, il ne faudrait pas qu’ils changent de chaîne !
    Sauf que le wokisme représente trop peu de gens et qu’il en agace beaucoup plus, il n’est donc pas rentable.
    Outre la tentative woke de Netflix qui a fait s’écrouler l’action et le nombre d’abonnés (il a fallu une lettre publique de la direction promettant qu’ils cesseraient d’être woke pour que la situation de l’entreprise redevienne viable), les américains ont une nouvelle maxime : « go woke, go broke » (faites du woke, faite faillite).
    Ainsi, on voit tout le monde déserter le terrain, même Nike, la plus virulente sur le sujet, a arrêté.
    Reste quelques marques bobos qui ont un train de retard comme Mercedes Benz par exemple.

    • Pas sûr que le wokisme vive ses dernières heures. Le ver est dans le fruit, et il en restera toujours quelque chose. La société occidentale change grâce à cette force impérialiste et émolliente qu’est le capitalisme. L’Occident rejoue la fin de l’Empire romain. A être trop gras, obèse de richesses et de savoirs, obèse d’arrogance et de cette certitude que nous serons toujours en avance sur le reste du monde, cet Occident ne pense plus qu’à sa jouissance immédiate en abandonnant ce qui fut son moteur irrépressible durant des siècles : sa puissance de vie. Bientôt de nouveaux « barbares » nous remplaceront.

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