Guillaume Bigot, sur le règlement de comptes de Harry et Meghan : « Ça révèle qu’on est passé de la lutte des classes à la lutte des races… »

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Guillaume Bigot revient sur le scandale qui ébranle, lundi, la monarchie britannique après les révélations chocs de Harry et Meghan à Oprah Winfrey. Un mensonge qui, selon lui, n'est pas perdu pour tout le monde...

Le prince Harry et son épouse Meghan Markle ont donné une interview à la journaliste star américaine, Oprah Winfrey, et ont réglé leurs comptes avec la famille royale britannique.

Je crois qu’il y a une confusion fondamentale dans l’esprit de ces jeunes gens entre ce que l’on pourrait appeler le public et le privé. Lorsque, dans l’Ancien Régime, un roi mourait, on disait « le roi est mort, vive le roi ». Cette contradiction n’était qu’apparente parce que c’est la personne physique et privée du roi qui était morte, la personne publique existait toujours. Là, c’est la même chose. Meghan Markle et Harry sont peut-être des gens très sympathiques et la famille Windsor est peut-être très psychorigide et Élisabeth est peut-être une véritable peau de vache dans la vie privée. Tout cela n’a strictement aucune importance. Ce couple n’a pas compris que la question n’était pas là. La devise de la maison Windsor est « never complain, never explain ». La mise en scène de la vie privée des Windsor est une réalité politique et institutionnelle. C’est un peu comme des santons dans une crèche. Ces gens sont complètement lisses et dont la réalité privée est protégée à la fois par les hautes murailles du château victorien et par les services de communication de la reine. Aller se plaindre, c’est en quelque sorte renverser le tabernacle et montrer ce que l’on ne doit pas montrer dans les arrière-cuisines et dans les arrière-coulisses pour que cela fonctionne.

Peut-on comprendre Meghan et Harry ?

On peut bien sûr comprendre. La maman de Harry avait déjà eu fort à faire avec ce qu’ils appellent la firme, alors qu’elle était britannique. Là, Meghan est américaine. Elle est issue de la classe moyenne supérieure. C’est un peu une enfant gâtée élevée à l’américaine, plutôt jolie et qui met son ego en avant. Ce dernier lui a permis de percer dans les séries télévisées. Elle recherche la célébrité pour ce qu’elle est, un peu comme dans un jeu de télé-réalité. Elle n’a donc pas compris où elle mettait les pieds. Que ces deux-là se soient sentis oppressés dans cette mécanique, on peut comprendre qu’ils aient voulu sortir de la cage dorée. D’ailleurs, la reine Élisabeth II leur a signifié qu’ils pouvaient parfaitement quitter la famille royale.

En revanche, on ne peut pas prétendre garder ses titres royaux, avoir des privilèges, voir sa résidence privée financée à hauteur de plusieurs millions de livres sterling par le contribuable britannique et bénéficier de la sécurité de l’État britannique tout en refusant d’accomplir en échange ses devoirs. C’est vraiment très intéressant et typiquement postmoderne. C’est vraiment l’attitude typique du dirigeant postmoderne. Je veux les privilèges et les droits, mais je ne veux pas les devoirs. Il est relativement inhumain pour cette jeune femme américaine de rentrer dans un système où, deux ans à l’avance, à la minute près, son agenda est réglé comme du papier à musique. Qu’ils aient voulu se retirer, très bien, mais comment ont-ils pu prétendre une seule seconde pouvoir jouir des avantages ?

Que révèle la faculté de Meghan Markle à vouloir passer pour une victime, alors qu’elle est elle-même millionnaire et d’un milieu extrêmement privilégié ?

Cela révèle que l’on est passé de la lutte des classes à la lutte des races dont certains sont tentés de transposer le débat sur un autre plan. Cela correspond à deux réalités.

La première réalité est l’intérêt du capitalisme. Quand on chouine à cause de sa sexualité ou à cause de sa couleur de peau, cela ne coûte pas cher. Cela permet de faire 9 millions d’euros d’interview pour Apple TV. Cela ne change rien à l’ordre capitaliste et économique. Il est très intéressant de pouvoir faire croire qu’on a une lutte symbolique et une lutte contre l’injustice qui ne coûte rien à personne, et surtout pas aux plus riches.

La deuxième réalité, c’est une question de décence. Comment peut-on considérer que parce qu’on a un père afro-américain, on est victime en tant que telle. Si cela leur posait un tel problème qu’elle soit à moitié afro-américaine, on se demande pourquoi ils ont autorisé ce mariage. Ils auraient pu stopper le mariage avant. Ou alors c’est vraiment les prendre pour des imbéciles de ne pas comprendre la génétique sur le fait que la couleur de peau peut resurgir par le jeu du génome. Avoir un héritier du trône dont les gènes ne sont pas blancs renforce considérablement l’assise de la monarchie britannique dans le Commonwealth.

Ce n’est donc absolument pas crédible. Cela à l’air d’être un énorme mensonge pas perdu pour tout le monde. C’est substituer la lutte des races à la lutte des classes. C’est vraiment rendre le capitalisme et l’ordre économique avec des riches et des pauvres.

Guillaume Bigot
Guillaume Bigot
Politologue et chroniqueur

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