Football : cet ersatz de patriotisme est une tromperie !
Un match de football peut être un beau spectacle. Des actions claires qui se déploient sur le terrain, des joueurs qui gardent le ballon ou le transmettent avec maestria, des buts remarquables suscitent l'intérêt, quelles que soient les équipes en présence. En revanche, passer une heure et demie pour espérer la victoire de "son" équipe nationale alors que la rencontre manque de souffle me semble un gaspillage de temps.
Les annonces de ces événements "incontournables", et qui n'ont aucun effet réel sur le pays, comme les tonnes de commentaires avant et après les matchs submergent les cerveaux passifs. "Homo festivus", disait Muray. "Société du spectacle", "Civilisation du spectacle", ont dit des esprits aussi différents que Guy Debord ou Mario Vargas Llosa.
Certes, l'homme a besoin de se divertir, de se distraire pour échapper à la monotonie de sa vie. Pour autant, encore faut-il qu'il le fasse avec lucidité. Si la distraction est davantage un oubli qu'un plaisir, une perte d'attention sur l'essentiel au profit de l'anecdotique, il y a lieu de s'inquiéter.
D'abord, parce que ce détournement peut être une manipulation, ensuite parce que le fait de s'y soumettre est un renoncement à sa liberté. Marx appelait cette dépossession de soi l'aliénation et il pensait que la religion, en détournant les consciences de la réalité du monde pour les intéresser à des questions surnaturelles, contribuait puissamment à cette aliénation. Pour lui, la religion était l'opium du peuple. Cette idée réductrice peut être facilement combattue parce que les religions sont aussi le moyen de se poser la question du sens de la vie à laquelle le matérialisme ne répond pas. Le football n'y répond pas davantage, mais en mobilisant les esprits sur 22 joueurs et un ballon, il évite pendant 90 minutes qu'on se la pose. Le football ne serait-il pas l'opium du peuple dans une société matérialiste ?
La convergence des pouvoirs pour drainer les foules vers les temples que sont les stades et vers les dieux que sont les joueurs éveille le soupçon. Ce jeu représente des sommes considérables : les indemnités de transfert dans les clubs européens de 1re division représentent cinquante fois le budget du ministère des Sports français. Le spectateur consomme du football, de la télévision, de la publicité et les produits qu'elle véhicule. Par ailleurs, si le monde du spectacle a remplacé les saints et les héros par les stars et les vedettes, on ne peut pas dire que leur comportement ou leur niveau intellectuel soient souvent des exemples.
Le football offre un ersatz de patriotisme qui est une triple tromperie. D'abord, le succès d'une équipe nationale n'a aucun effet sur la réalité d'une nation, sur sa puissance effective. Au contraire, elle procure une illusion, et on retrouve ici l'opium du peuple. Ainsi, la victoire française de 1998 a-t-elle inauguré cette période calamiteuse de l'accentuation du décrochage français à coups d'euros et de 35 heures. Les Français ont eu la fierté d'un mirage tandis que l'état du pays se dégradait. En prime, ils ont été matraqués par le slogan immigrationniste "black, blanc, beur" qui les a empêchés de saisir le danger communautariste des immigrés devenus Français de papier sans adhérer à la communauté nationale. Le désastre du match France-Algérie de 2001 dessillera les yeux.
Ensuite, l'idée qu'une vingtaine de joueurs sélectionnés s'identifie à un pays dont ils détiendraient les qualités intrinsèques, au moins au plan du football, est une absurdité.
Enfin, si je trouve amusants les déguisements identitaires des supporters présents en Russie, comme les Belges "démoniaques", je trouve dérangeant de voir plus de drapeaux aux fenêtres pour ce rendez-vous sportif que pour une fête nationale ou un événement vraiment politique comme les attentats islamistes que la France subit.
Pour résumer, le sport ne doit pas être le vecteur d'illusions et de manipulations politiques.
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