Financement étranger et groupuscules violents : la réplique du RN sème la panique

jean-philippe tanguy

Ils sont lassés des petites musiques et des fielleuses ritournelles. Comme une vieille épée de Damoclès, les liens avec « l’extrême droite » ou avec quelque nation peu recommandable d’Europe de l’Est surgissent à chaque épisode politique. Alors, si de vieux briscards du parti comme Philippe Olivier et Marine Le Pen la connaissent sur le bout des doigts, d’autres la trouvent agaçante et, pareil à la chanson « La Volette » qui empoisonne l’esprit du roi Arthur campé par Alexandre Astier dans Kaamelott, ils constatent qu'elle tétanise, complique, contrecarre les initiatives du parti de Marine Le Pen. Une activiste liée à EELV a perturbé une conférence de presse de la candidate Marine Le Pen, l’accusant de complicité à l’égard du régime russe. Les accusations basées sur l'emprunt de 9 millions d’euros contracté auprès d’une banque russe en 2014 (ayant, depuis, fait faillite) à un taux de 6 % n'ont jamais faibli. « Pas vraiment un taux d’ami », avait balayé Jordan Bardella.

Les rumeurs transformées en arme politique, Jordan Bardella commence à connaître le sujet. Si son élection à la tête du RN fut sans discussion possible, la fin de campagne avait laissé résonner cette fameuse ritournelle autour de celui qu’on présentait comme tenant d’une ligne identitaire. « Pendant des années, vous m’avez affirmé que j’étais la vitrine ripolinée du RN et, du jour au lendemain, je suis le dangereux tenant d’une ligne d’extrême droite », s’agaçait le fraîchement élu président du parti devant une poignée de journalistes à l’automne dernier. Ces accusations, ces histoires du passé, le jeune député de la Somme Jean-Philippe Tanguy les a découvertes en quittant Nicolas Dupont-Aignan pour rallier Marine Le Pen en avril 2021 avec son parti d’essence gaulliste « L’Avenir français ». Inconnu du public un an auparavant, il est depuis devenu l’un des députés les plus en vue du groupe RN mais également de l’Hémicycle. Surtout, il a été l’un des manœuvriers du RN face à ces vieilles accusations. Le 27 octobre dernier, il cosignait avec Jordan Bardella une proposition de création d’une commission d’enquête sur le financement étranger des partis. Exerçant son droit de tirage, le RN a officiellement demandé « d’établir s’il existe des réseaux d’influence étrangers qui corrompent des élus, responsables publiques, dirigeants d’entreprises stratégiques ou relais médiatiques dans le but de diffuser de la propagande ou d’obtenir des décisions contraires à l’intérêt national ».

Une proposition qui permet au groupe RN, non seulement de faire taire les accusations, mais aussi de les retourner contre ceux qui les ont proférées. Jean‑Philippe Tanguy s’est exprimé à ce sujet, vendredi 23 décembre, au micro de France Info. « Le poison de l’ingérence étrangère est très grave en démocratie », a-t-il notamment estimé, avant d’insister sur la nécessité de « punir » ces éventuelles ingérences en France. Et, visiblement, cela a fonctionné puisque les différents groupes à l'Assemblée ont fait part de leur gêne auprès de l’AFP quant aux contours vagues de cette commission. Le rapporteur macroniste Pieyre-Alexandre Anglade a souligné ses grandes réserves et appelé à définir avec rigueur le champ et la méthode des investigations pour éviter le grand n’importe quoi. « Mon groupe est gêné », a renchéri la socialiste Cécile Untermaier, en estimant que le libellé de la commission « pose des problèmes par rapport au sérieux des travaux de l’Assemblée nationale ».

« C’est un droit de tirage, il n’y a pas de raison que nous nous y opposions, mais les outils de notre institution se doivent de respecter un certain nombre de règles », a plaidé à son tour le LR Raphaël Schellenberger. En bref, personne ne semble ravi à l’idée de voir une commission pilotée par le RN mettre son nez dans les affaires des différents partis politiques. « Si on ne trouve rien, nous aurons au moins tué ces accusations infondées », murmure un député RN du groupe. Cela, c’était le premier mouvement.

Le deuxième est plus récent : aux lendemains du match France-Maroc, de nombreux médias ont tiré à boulets rouges sur « des ratonnades commises par des groupuscules d’ultra-droite à l’encontre de pacifiques supporters marocains ». Si nous avons révélé que cette affaire avait été en réalité scandaleusement gonflée par quelques médias partisans, le RN a décidé de couper court. Dans un communiqué commun, Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy ont demandé au Premier ministre Élisabeth Borne la « dissolution des groupuscules extrémistes ». Sans les nommer, les politiques du RN en profitent donc pour achever un mur infranchissable entre les quelques dizaines de militants d’extrême droite potentiellement violents, mais également pour donner un coup de projecteur sur ces militants faussement « antifascistes » mais résolument délictueux sinon criminels. Jean-Philippe Tanguy s’en était confié, la semaine dernière, à Boulevard Voltaire : « J’assume avoir voulu couper l’herbe sous le pied d’insinuations dégueulasses et cyniques. [...] Le fait de ne pas combattre frontalement les mouvements d’extrême droite mais aussi les mouvements écologistes radicaux permet au système de se faire passer pour des gens modérés, alors qu’ils sont responsables », avait assené à notre micro le député de la Somme. Fin du deuxième mouvement.

Dans un courrier adressé à la présidente de l’Assemblée nationale, Éric Dupond-Moretti a écrit que « le périmètre de la commission d’enquête parlementaire est susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours ». La musique est jouée et les adversaires dansent.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

54 commentaires

  1. A observer les réactions des divers partis à l’énoncé de la création de cette commission, il nous semblerait que le loup est apparu dans la bergerie des parlementaires et politiques. Qui se sente morveux se mouche ne dit-on pas ? Ils vont donc s’empresser de tenter de glisser sous les tapis toutes les casseroles qu’ils trainent avec complaisances. Beaucoup de papier à broyer. Le Dupond estime que la commission risque d’empiéter. Elle ne fera que confirmer et renforcer les enquêtes si anguilles sous roches. Donc un bienfait sieur Dupond.

  2. Il était temps de nettoyer enfin les écuries d’Augias, en l’occurrence les coulisses de l’UE. Tout cela grouille de vermine, de puanteur et de toutes sortes de nuisibles pathogènes pour les peuples européens.Si cet édifice s’écroule enfin, il entraînera avec lui toutes les corruptions du monde entier. Le livre de Philippe de Villiers, « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu » (Fayard, 2019) consacré à la « genèse de la construction européenne et de ses conséquences » pointe les influences des lobbies qui dirigent de fait l’UE. Il représente une clé parfaite pour comprendre les méandres de ces systèmes mafieux qui nous ont été imposés au fil des décennies.

  3. On pourrait penser que c’est bien joué…mais que M.Tanguy commence par ne pas se tromper dans les votes de ses collègues absents sur l’ignoble projet de loi sur la constitutionnalisation de l’avortement ! Et gageons que cette réponse du berger à la bergère en restera aux arguties politiciennes !

  4. Nous sommes et cela depuis plusieurs décennies dans une république de la corruption, de la soumission, cela s’appelle la dhimmitude. Le système politique ne choisit pas les meilleurs, il choisit les plus conformes, c’est dangereux pour notre société.

  5. Le RN mis au ban de la bien-pensance pour avoir emprunté de l’argent à une banque russe, en fait aucune banque française n’avait voulu prêter de l’argent à un parti » d’extrème drouaatte ».Donc le RN , coupe l’herbe sous le pied à ses accusateurs et propose de faire une enquête sur l’influence exercée par des pays étrangers sur les hommes politiques Français. Bizarrement , une levée de bouclier, des autres partis ? Auraient ils des craintes à avoir ? Pourquoi de telles craintes , si il n’y a rien de délictueux ?

  6. Manu et tous ces potes de LREM-Renaissance doivent trembler dans leur Berluti & Louboutin à l’idée que l’on étale au grand jour les nom des milliardaires de la finance internationale, pu de la mode Louis V., qui ont signé les chèques qui permirent, à un adolescent obéissant de s’emparer de l’Élysée et de dépecer l’industrie française !

  7. Bien joué le RN en attendant une alliance avec d’autres patiotes
    Mais que signifie la dernière phrase écrite par Dupont-Moretti ?

  8. Monsieur Tanguy, je n’ai pas vu beaucoup de casse et d’agressions de la part des groupuscules d’extrême droite comme vous dites, par contre je peux vous faire une longue liste des agressions du NPA et autres mouvements gauchistes comme les black blocs, pour se faire plus blanc que blanc il ne faut pas se tromper de cible.

  9. Cette bonne initiative sera tuée dans l’oeuf car les tireurs de ficelles dans les coulisses du pouvoir craignent que les caisses occultes soient dévoilées au grand jour. Les élections se gagnent avec l’argent. Notre démocratie carbure à l’argent. L’adhésion du citoyen à un programme électoral se gagne avec l’argent de ses impôts et c’est l’argent des caisses occultes qui lui portent le message.

  10. Je me souviens d’un aricle du « canard » il y a un ou deux ans relatant les relations étroites d’un sénateur marié à une ressortissante d’une grande puissance asiatique, avec cette même puissance. Il suffit déjà de lire la presse d’investigation mais il y a effectivement bien mieux quand on voit ce qui se passe actuellement au parlement européen.
    Allez une commission d’enquête ne peut pas faire de mal !

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