Emmanuel Macron semble hésiter devant deux stratégies : relancer la réforme des retraites, sans reprendre le schéma de la retraite par points, ou se contenter de reporter progressivement de 62 ans à 64 ans l’âge où on pourra prendre sa retraite et de demander 44 ans de cotisations et non 42. Outre que cela permettrait d’équilibrer les comptes partis en vrille du fait du Covid, cette réforme montrerait le « courage « politique du chef de l’État capable de prendre des mesures impopulaires avant de se présenter aux suffrages des Français. Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, est sur cette longueur d’onde. Pour lui, il s’agit d’un problème capital à régler d’urgence. De même, le secrétaire d’État, Cédric O, lundi, sur LCP, a répété que la question se posait et que la France devait travailler plus et plus longtemps.

Mais si l’exécutif penche pour une réforme amoindrie et paramétrique des retraites, beaucoup de « marcheurs » sont affolés par cette perspective de remise sur le tapis du dossier. « C’est une folie ! » affirme, selon Libération, un soutien historique d'Emmanuel Macron. Pour lui, revenir sur ce sujet est « une dinguerie » car le président de la République risque d’affronter un mouvement social dans les trois mois qui précèdent la présidentielle, mouvement qu’on ne saura pas désamorcer. Pour le même soutien, « ce n’est pas une prise de risques, c’est du suicide ». Certes, le système est injuste, mais il faut attendre la présidentielle pour s’y attaquer. Richard Ferrand, le président de l’Assemblée, est sur la même longueur d’onde et milite pour « lever le stylo ». La CFDT, pourtant à l’origine de la réforme des retraites par points, souhaite également qu’on attende, alors que les autres syndicats sont farouchement contre toute mesure d’ajustement.

Les retraites pèsent pour 327,9 milliards d’euros, soit 13,5 % du PIB : un record en Europe. Le système avait été remis d’équerre en 2010 sous Nicolas Sarkozy, François Hollande avait procédé à des ajustements, notamment en augmentant les cotisations, mais celles-ci sont à un niveau inégalé en Europe et on peut difficilement les alourdir à nouveau. Or, en 2020, du fait de la crise, le déficit actuel des retraites est de 23,5 milliards d’euros : un trou énorme. Le système reviendra à l’équilibre en 2045, au mieux, en cas d’hypothèses optimistes (si la croissance est au rendez-vous), sinon en 2070, quand le gros du pic démographique sera passé. On ne peut pas, évidemment, rester sur ces chiffres, car le trou est au final financé par l’emprunt. On ne peut laisser des monceaux de dettes à nos enfants. En outre , si on ne prend aucune mesure, on continuera à geler les pensions, à les faire décrocher par rapport à l’inflation comme on l’a fait en 2019 et 2020. Les retraités seront ainsi appauvris, même si actuellement leur niveau de vie est de 6 % plus élevé que celui des salariés. Sur le moyen terme, les seconds dépasseront les premiers, le point de bascule étant prévu en 2026.

De toute façon, que ce soit avant ou après la présidentielle, il faudra faire une réforme d’ampleur. La France ne peut pas être le pays d’Europe où on prend sa retraite le plus tôt (62 ans), où les pensions sont les plus élevées et où l’espérance de vie est la plus forte.

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09 juin 2021 à 11:00

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