[Entretien] Charles Dor, créateur de Canto : « Les Français ne chantent quasiment plus »

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Deux amis bretons ont eu une idée originale : créer une application répertoriant tous les chants traditionnels. Les fondateurs Rémi Creissels et Charles Dor rêvent de faire chanter à nouveau les Français. BV a rencontré Charles Dor pour parler de son projet haut en couleur.

Boulevard Voltaire. Comment est né Canto ?

Charles Dor. Tout commence lors d’une soirée en Bretagne. On est dans une vielle longère en pierre sans réseau téléphonique. Je suis avec deux copains, un ancien scout unitaire de France et un ancien de la marine. Eux chantent, moi j’ai quelques souvenirs en tant que scout. Je me suis dit que c’était dommage de ne pas avoir un PDF sur son téléphone avec des chants que tout le monde connaît. L’idée était là, mais il a fallu trouver un peu d'argent. En l’espace de huit mois, la première version de l’application est née. On est passé du PDF à l’application mobile.

BV. Quel est votre objectif, avec Canto ?

C. D. Chez Canto, nous avons trois piliers auxquels nous tenons. Le premier, c’est de préserver le patrimoine. Le second pilier, c’est de faire vivre ce patrimoine, cela se fait par le biais de l’événementiel. Le troisième, c’est de transmettre, en priorité dans les écoles primaires et ensuite dans les établissements pour personnes âgées. Canto est devenu un projet culturel de sauvegarde du patrimoine local, traditionnel et populaire.

BV. D'où vient votre passion pour le chant ?

C. D. Cela me vient de mes années scoutes, mais c’est surtout à l’âge de 20 ans que j’ai redécouvert le chant avec des copains. Ce patrimoine culturel a galvanisé mon enthousiasme pour créer Canto et proposer une alternative à tous les Français, dans une époque kafkaïenne.

BV. Est-ce que Canto a trouvé son public ?

C. D. Je dirais oui et non. Oui car nous avons des inscriptions tous les jours. Actuellement, Canto compte plus de 15.000 téléchargements. D’un autre côté, on n’a pas encore touché toutes nos cibles, comme les militaires ou les écoles pour les comptines. Nous voudrions, par exemple, visiter tous les ports de France pour réhabiliter les chants marins. Autrement dit, le travail est colossal.

BV. Quel est le profil des personnes qui utilisent l’application ?

C. D. Selon les statistiques, il y a autant de jeunes que de personnes plus âgées. On remarque une forte concentration de téléchargements à Paris et à Lyon, suivis de la Bretagne. J’attribue cet engouement aux habitudes de chant qui demeurent dans certains groupes constitués comme le scoutisme, les armes ou les grandes familles. Cependant, il y a des téléchargements sur toute la planète, en Australie, aux États-Unis, en Afrique noire francophone ou en Belgique.

BV. Les Français chantent-ils encore ?

C. D. Non, les Français ne chantent quasiment plus, à part au stade et dans quelques régions comme dans le Sud-Ouest ou la Corse. C’est principalement dû à l’individualisme, aux écrans mais il y a aussi une gêne à chanter en public. On n’a pas besoin d’avoir de la technique pour chanter des chants populaires et traditionnels. On est là pour partager un moment ensemble.

BV. Pourquoi les Français doivent-ils se réapproprier le chant ?

C. D. Le chant parle à tout le monde car c’est le récit de la Vie, avec un V majuscule. C’est l’histoire des petites gens comme des grandes familles de la noblesse française. On y trouve des histoires joyeuses et tristes, des histoires de guerre et d’amour. Il existe des chants qui s’adressent aux enfants comme aux plus grands, aux hommes comme aux femmes, et peu importe leurs milieux sociaux.

BV. Vous organisez également des soirées afin que les gens puissent se rencontrer et chanter ensemble. Pourquoi ?

C. D. Le premier pilier de Canto, c’est de préserver le patrimoine, mais une fois qu’il est sauvegardé, il faut le faire vivre. C’est l’incarnation du projet : la communion et la joie de vivre.

Kevin Tanguy
Kevin Tanguy
Journaliste stagiaire à BV, étudiant en journalisme

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Belle initiative ! Je me souviens d’un voyage organisé en Corse , il, y a une quinzaine d’années . Au programme , la visite de la tombe de Tino Rossi à Ajaccio , face à la mer ( Pourquoi pas ?) . Tout le groupe était là , devant le monument . Certains silencieux , d’autres bavardant . J’ai alors suggéré , en plaisantant ,: « Et si on chantait pour honorer sa mémoire ? Allez , tous ensemble : Méditerranée !  » Et tous ( plus de 60 ans ) d’entonner ou de fredonner la célèbre chanson de Tino !… D’autres groupes se sont joints à nous … Je ne connaissais pas toutes les paroles , mais des anciens les savaient par coeur ! Un bon moment convivial !
    Bravo les gars ! Ha beh d’ai labour ! Kalon vad deoh ! Bevet Breizh ! ( en breton : Au travail ! Bon courage ! Vive la Bretagne !)

  2. L’article et tous les commentaires me plaisent. Je suis nonagénaire mais je chante tant que je peux, même seul, tout ce qui me passe par la tête des chansons d’étudiants au……chant grégorien pour lequel j’ai créé une schola dans ma paroisse en 2010 et qui chante toujours aux messes attribuées par notre curé. Bravo et vive Canto!

  3. Chanter est une habitude quotidienne dans ma vie depuis toujours – même quand je me promène je chante – Chanter c’est mieux qu’un médicament, çà vous tire vers le haut toujours, c’est la joie, c’est le bien être gratuit d’exister malgré les vissicitudes de la vie, et puis çà fait sourire les gens que l’on croise- La vie sans la musique et sans le chant, je ne connais pas !

  4. Bravo ..des le matin je voudrais entendre «  qu’elle est belle ma Bretagne «  avant le repeuplement promis qui me bouffe la santé .

  5. Je chante depuis toujours ,je chante tous les jours ,je déchiffre des partitions difficiles .Je chante accompagné d’un piano Je chante en ensemble vocal ..
    Une façon d’oublier la vie quand elle est dure et de préserver nos racines .
    C’est un très grand plaisir mais c’est aussi un travail .
    Allez y
    comme dit Nietzsche « L’art rien que l’art heureusement que nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité « 

  6. Je ne suis pas chanteur et je le regrette amèrement car je me suis aperçu que le chant est un véritable médicament
    Si seulement j’étais un chanteur corse, basque, breton, italien ou géorgien. Il faut apprendre très tôt. Mais attention à ces religions qui interdisent le chant, la peinture.

    • Vous savez, si vous pouvez parler, alors vous pouvez chanter ! il suffit de mettre un peu plus de souffle derrière les mots!
      Si vous redoutez de chanter  » faux » ( ce qui reste à vérifier) vous pouvez aussi siffler ! les très bons siffleurs ou siffleuses sont rare, mais je sais qu’ils elles éprouvent la même joie que ceux qui chantent !

  7. Le succès de madame Leroy montre la survie du chant traditionnel . Il en est un « pas de chez nous » que j’affectionne particulièrement , c’est l’hymne vaudois :  » Mon Dieu protège mon Pays, ce beau pays que mon cœur aime, celui que j’aimerai toujours, celui que j’aimerai quand même . »

  8. voila, cela nous change positivement de la guerre en Ukraine, ou de la gifle d’Adrien ,… félicitation aux deux fondateurs pour en quelque sorte la sauvegarde du patrimoine á travers ces chants régionaux traditionnels …  » montagnes Pyrénées , vous êtes mes amours , oui mes amours  » …

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