Dunkerque : plaidoyer pour un (vrai) cinéma français
Le dernier film de Christopher Nolan n’était pas encore sorti qu’il faisait déjà polémique... Dans Dunkerque, le réalisateur britannique revient sur un événement majeur de la Seconde Guerre mondiale : l’évacuation de Dunkerque. Au cours de ces quelques jours, les forces alliées avaient résisté héroïquement aux armées allemandes avant d’évacuer la ville. Sauvant le gros de leurs armées, les Anglais purent ainsi continuer le combat, ce qui donne à l’événement toute sa valeur.
Mais beaucoup de Français se sont émus du fait que ce film anglais, réalisé par un Anglais, joué par des Anglais, produit par des Anglais, s'adressant à un public anglais, ne laisse que peu de place aux… Français. Naïvement, beaucoup ont pensé qu’un film sur le « 18 juin anglais » ferait la part belle à l’héroïsme des Français.
Effectivement, le film tourne presque à la réécriture, tant il minimise le rôle des Français pendant ces quelques jours. Mais l’exactitude historique ne fut jamais l’objectif de ce long-métrage. Nolan l’a expliqué : il voulait montrer des Anglais face à leur sort, leur bravoure, leurs peurs…
On peut effectivement regretter que le film ne montre pas le sacrifice héroïque des Français. Qu’il ne parle pas des 8.000 Français tombés, tels les courageux soldats de la 12e division, combattant jusqu’à leurs dernières cartouches, préférant brûler le drapeau français plutôt que le laisser aux mains ennemies. Oui, il est regrettable que l’héroïsme français ne soit pas reconnu par les Anglais.
Mais ce qui est encore plus regrettable, c’est qu’il ne le soit pas par les Français eux-mêmes. Qu’on se le dise : ce n’est pas à un réalisateur anglais d’écrire notre roman national. C’est aux Français de faire des films sur les Français. Et à personne d’autre.
Or, depuis un demi-siècle, nos rares films traitant de la Seconde Guerre mondiale (La Rafle, Indigènes…) nous rappellent à quel point la France est détestable, antisémite, collaboratrice ; combien nous sommes restés passifs ; combien il est vain de chercher un Français courageux au milieu de ces heures sombres. Mais si nous sommes incapables de rendre cet hommage culturel à nos pères, cessons de critiquer jalousement ceux qui le font.
Pire : nous sommes même incapables de traiter d’événements plus récents... Les Américains ont sorti cent films pour parler des héros du 11 septembre, trois films traitent de l’attaque de Boston et même l’attaque manquée du Thalys aura le droit à une production de Clint Eastwood.
En France ? Un film sur la soirée du 13 novembre et le sang-froid admirable des secours ? Sur la traque des frères Kouachi ou le héros du 14 Juillet ? Ne rêvons pas. Un seul film traite des derniers attentats : Raid dingue, une comédie de Danny Boon qui tourne en dérision le RAID, comme une bande de vieux réac’ machistes…
Il ne faut pas rêver : quand l’art n’exalte plus l’héroïsme ou la grandeur d’âme, la nation se meurt. Le déclin du cinéma français n’est pas une conséquence de la repentance généralisée ; il en est l’une des causes. Œuvrons donc pour l’émergence d’un cinéma authentiquement national, qui donnera aux vieux des émotions et aux jeunes des modèles. Depuis Vercingétorix ou sainte Blandine, la France ne manque pas de héros. Il serait temps de les voir à l’écran, car si nos réalisateurs ne les font pas revivre, personne ne le fera.
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