Des noms de femmes fortes : elle en veut, Léa Salamé ?

catherine de medicis

Venue sur le plateau de « Quotidien » pour faire la promotion de son bouquin Femmes puissantes, Léa Salamé s’enflamme : « Dans les livres d'Histoire, à part Jeanne d'Arc, citez-moi une grande héroïne femme ? On a besoin de figures fortes, de modèles féminins. »

Avant d’aller plus loin, cette phrase d’un raccourci fulgurant (mais c’est la loi du genre) appelle quelques questions à la barre. C’est quoi, un livre d’Histoire ? Qu’est-ce qu’une héroïne et, puisqu’on y est, un héros ? Pourquoi a-t-on besoin de figures fortes ? Qu’est-ce qu’un modèle féminin ? Là, du coup, on quitte le plateau de « Quotidien » pour celui de France Culture. Mais sans plus attendre, la machine à polémique s’enclenche. Chacun y va alors de son héroïne et de sa figure forte : Cléopâtre, Aliénor d’Aquitaine, Anne de Bretagne, Anne d’Autriche, etc. Évidemment, les sempiternelles scies Olympe de Gouges et Louise Michel sont des figures imposées dans le casting. Mais aussi Lucie Aubrac, la reine d’Angleterre, etc.

Mais Léa doit avoir le dernier mot : attaque, contre-attaque, contre-contre-attaque. « Bien sûr qu’il y a Olympe de Gouges, Marie Curie et Louise Michel, mais combien d’héroïnes femmes dans l’Histoire de France pour combien d’hommes ? » Je sais pas, elle a compté ? « Et dans l’histoire de l’art ? Même dans la littérature. La disparité est immense. » Donc, on fait quoi ? On érige Bonemine, la femme d’Abraracourcix, en personnage historique parce qu’on ne connaît pas le nom de la compagne de Vercingétorix ? On décide de condamner à l’enfer les auteurs de l’Antiquité parce que le principe de parité est allègrement piétiné ? Homère, Platon, Sophocle, Hérodote, Tite-Live, Ovide, Sénèque : n’en jetez plus, les gars ! On abroge, en procédure d’urgence, la loi salique avec effet rétroactif - mais à compter de quand ? Bref, on réécrit l’Histoire ? Avec le passage aux cribles du racisme et du sexisme, l’œuvre risque d’être titanesque.

Cela dit, si on veut bien se donner la peine, des femmes fortes, on en a des wagons, dans notre Histoire de France. Au Moyen Âge, évidemment, on ne peut faire l’impasse sur les saintes Geneviève et Clotilde. La première qui exhorta les Parisiens à résister contre l’invasion des Huns : on ne rigolait pas avec les sans-papiers, à l’époque. La seconde qui eut un rôle majeur dans le baptême de Clovis : la tradition de première dame, conseillère avisée de son « conjoint », était ainsi lancée.

Pour la période de la Renaissance, comment ne pas évoquer Catherine de Médicis. Elle offre l’avantage d’avoir été à la fois une femme et une primo-migrante, donnant ainsi un bel exemple d’intégration réussie. Sacrée bonne femme, cette Ritale ! Une figure forte, comme dirait Léa Salamé. La légende prétend même qu’elle fit le coup de feu à la Saint-Barthélemy, illustration parfaite que les pistolets ne sont pas réservés aux garçons et les poupées aux filles. La Révolution nous donne, bien sûr, l’héroïque figure de Charlotte Corday, qui débarrassa la France de ce fou sanguinaire de Marat. Du reste, de nombreuses villes ont encore une rue au nom de cet humaniste alors que Charlotte ne semble être honorée qu’à Caen.

On pourrait aussi s’étonner qu’en cette année de Gaulle, la femme forte qu’était Yvonne de Gaulle ne soit pas dans le panthéon féminin de Léa Salamé. Trop discrète, sans doute.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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