La France est une grande démocratie. En tout cas, c’est ce que l’on entend sur le ton de l’autosatisfaction supérieure dans les médias qui s’autoproclament « de référence ». Une démocratie qui donne des leçons dans le monde entier. Enfin, plus en Russie et chez Orbán qu’en Chine, à Singapour ou dans les Émirats arabes. Question de regard. Revenons en France, où le débat démocratique est équilibré, où la presse est libre. Où les électeurs ont le choix de s’informer en toute indépendance et en toute impartialité.

Quel beau pays ! Tenez, faisons le compte des médias qui soutiennent Macron : Le Figaro a appelé ses lecteurs en ce sens dans un éditorial. C’est son droit le plus strict. Son actionnaire, le groupe Dassault, a des avions à vendre, il a besoin de l’État. Les médias de service public, France 2, France 3, France 5 ou le très neutre France Inter n’ont appelé à voter pour personne, direz-vous. Certes, mais curieusement, personne n’a songé à leur faire le procès de rouler pour Marine Le Pen. Le Monde, Challenges, Libération, La Croix, eux, ont clairement appelé à battre Le Pen. Encore une fois, c’est leur droit et nous ne le leur contestons pas. Mais on ne peut tout de même pas nous empêcher d’être un peu surpris. Tenez, si un de nos interviewés nous confiait au micro « Avec Emmanuel Macron, les pauvres vont peut-être mourir », nous arrêterions immédiatement l’interview à Boulevard Voltaire et nous proposerions à notre orateur un verre d’eau. On lui expliquerait que ce n’est pas sérieux, que nous sommes sous la lampe de fact-checkers très rigoureux, payés au moins en partie par l’État, et qu’on ne peut se permettre de dire n’importe quoi. L’interlocuteur aurait compris, il aurait reformulé sa phrase et prononcé quelque chose comme : « Avec Emmanuel Macron, les pauvres vont peut-être souffrir. » Imprimatur. Merci, c’est parfait. Pourtant, dans Le Parisien, le ministre de l’Intérieur lance en toute impunité : « Avec Marine Le Pen, les pauvres vont peut-être mourir. » Et ça passe crème ! Un autre exemple ? Une élue du RN, par exemple, aurait pu nous lancer : « Si Macron gagne, moi comme bien d’autres amoureux de la France, nous sommes menacés très directement de mort. » Là encore, nous aurions usé de la technique du verre d’eau. Non, Mademoiselle, cela va être difficile de publier cela, respirez bien fort et on reprend. Libération a eu moins d'états d’âme en publiant ces propos d’Alice Coffin, repris au bond par Gabrielle Cluzel : « Si l’extrême droite gagne, moi comme tant d’autres militant·e·s féministes, ou antifa, ou antiracistes, nous sommes menacé.e.s très directement de mort. » Allons-y pour l'exactitude, la précision et l'honnêteté du propos.

Mais il y a pire. Dans cette grande démocratie libérale où les opinions et les médias sont si libres, faisons le compte des médias qui ne soutiennent pas Macron, qui ne sont pas violemment hostiles à la candidate de deuxième tour, celle qui a recueilli le plus de voix derrière Emmanuel Macron et représentera, au final, autour d’un Français sur deux, un peu plus ou un peu moins. Mettons dans ce camp la chaîne CNews, qui s’en défendrait avec raison, arguant qu’elle donne la parole à un large éventail d’opinions. Disons qu’on peut y entendre parfois des propos moins amènes vis-à-vis du gouvernement qu’à l’antenne de ses concurrentes. Rappelons, au passage, que CNews fait justement l’objet d’une offensive de l’association Reporters sans frontières, qui entend réviser les lois françaises et faire appel au Conseil d’État comme au Conseil constitutionnel pour la remettre dans le droit chemin. La lutte contre la liberté d'opinion, en France, ça occupe. Il faut ajouter à CNews l’hebdomadaire Valeurs actuelles, le plus petit des magazines d’actualité (une catégorie d'hebdomadaires prestigieux qui rassemble officiellement Le Point, L’Express ou L’Obs), l’hebdomadaire Marianne, votre site préféré Boulevard Voltaire, qui se permet de temps en temps quelques critiques au guide suprême, et quelques courageux médias comme Causeur, L'Incorrect et d'autres. C’est tout ? Oui, c’est tout. Rien de dominant, rien d'absolument écrasant dans le paysage, on en conviendra. Quelle démocratie compte moins de médias d’opposition ? Peut-on poser cette question ? C’est un drôle de sport d’animer un média non-macroniste en France. Exemple : Marianne, opposé à Macron comme à Le Pen, a été rattrapé par son actionnaire. Le Tchèque Křetínský a, selon la Société des rédacteurs de Marianne, habilement transformé la une de cette semaine. Les lecteurs ne verront pas en couverture « La colère… ou le chaos » mais un titre bien plus engageant : « Malgré la colère, éviter le chaos ». Autrement dit, votez Macron. Les journalistes du titre dénoncent « une attaque grave contre l’indépendance éditoriale de Marianne ». On attend la pétition générale des confrères toujours si prompts à défendre la liberté de la presse contre les méchants actionnaires. Cette fois, il y a fort à parier qu’elle ne viendra pas. Un modèle de démocratie, on vous dit. (Dernière minute : la directrice de Marianne Natacha Polony a assumé dans un tweet le nouveau titre de Une du journal).

La France compte donc cette semaine quelques médias d’opposition, sur plus de 25 chaînes gratuites, des centaines de radios, des milliers de magazines et de journaux. Des médias qui pourraient bien avoir du souci à se faire pour la suite si Macron est réélu. Parce que c’est encore trop. Mais la France est une grande démocratie, dans laquelle les candidats aux présidentielles luttent à armes égales. Bien sûr.

11018 vues

21 avril 2022 à 20:30

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

118 commentaires

  1. A titre d’illustration, voir le visage de Delphine Ernotte accueillant MLP et ensuite Macron mercredi soir:
    Fermée et hautaine pour la 1ère, et béatement souriante et soumise pour le second…

  2. excellent article! je pense qu’il faudrait commencer par supprimer toutes les subventions à la presse écrite ainsi qu’aux chaînes publiques car de plus souvent en plus les journalistes sont devenus des mercenaires nous proposant des reportages insipides qui détournent le lecteur de la réalité; merci aux journalistes qui résistent, honte aux autres beaucoup plus nombreux qui ont perdu leur éthique

  3. Lorsqu’il officiait encore sur RMC (« Brunet-Neumann » 12/14h) Eric Brunet l’avait affirmé : « la quasi totalité du monde médiatique est en état de cessation de paiement, il ne survit que grâce à la perfusion permanente des deniers étatiques, donc nos impôts »).
    Comme la soupe est bonne, la reconnaissance du ventre est de rigueur.
    CQFD

  4. Rien détonnant en sachant qu’une très grande majorité des médias roulent pour le macron grassement subventionnés et puis c’est que vous comprenez, je pense à ma place

  5. Il suffit de bien arroser les médias et c’est dans la poche. Pour nos forces de l’ordre, même constat, bien arroser et ils vous protègeront et vont jusqu’à vous débarrasser des gilets jaunes et autres indésirables. Avec 600 milliards de dette pas de problème.

  6. Comment voulez-vous que les médias subventionnés par l’Etat, donc nos impôts, soient ailleurs que dans la main du gouvernement ? Quels sont les médias qui sortent du mainstream ? Ils se comptent sur les doigts d’une main. Et ils sont pourchassés assidûment par la Stasi médiatique, anciennement le CSA, aujourd’hui l’ARCOM. Notre seule mesure de rétorsion à l’égard de ces valets macronards et gauchos, BFM et autres France Intox entre autres, c’est le boycott total.

    1. J’abonde dans votre sens : je ne regarde plus que CNEWS et ne lis que Bd. Voltaire. A ce jour, c’est encore possible d’avoir une information objective via ces 2 médias (il y en a quelques autres, Dieu merci) mais qu’en sera-t-il demain ? N’allons-nous pas glisser vers une information muselée à la russe ou à la chinoise ?

  7. Il est évident que la quasi totalité des médias roule pour un seul condidat. Appeler ouvertement à voter pour l’un ou l’autre est tout simplement un manquement grave à la fonction du journalisme. Ils transgressent le principe de neutralité sur lequel repose le journalisme moderne. Un journaliste modèle es comme une abeille, il collecte les informations ça et là ensuite il les reproduit de manière ordonnée au consommateur final qui est le citoyen.

    1.  » le principe de neutralité sur lequel repose le journalisme moderne. » C’est oublié depuis longtemps, par pure coïncidence quand les grands financiers internationaux ont commencé à s’intéresser aux médias.
      Question idiote : pourquoi ces financiers, dont le métier est de faire du fric, se sont-ils endettés pour acheter des médias dont aucun n’était rentable et beaucoup en quasi-faillite? C’est qu’on ne sait pas tout? Ca doit être ça.

  8. Majorité de tous ces médias et leurs journalistes bidons vivent et existent grace à l’argent public aux travers des subventions versées pour soit disant garantir la liberté d’expression!! …

  9. Heureusement, les sites des pays étrangers comblent les manques voire les délires de nos journaux BAO compatibles. Et malgré les filtrages et les sites bannis par Google et autres, on peut encore se faire une idée de e qui se passe, car c’est une transformation mondiale qui s’opère, que les occidentaux et les français le veuillent ou non. Et sur ce champ là, le bloc BAO est petit, tout seul, et sans ressources minières ou industrielles.

  10. d’ailleurs aucun Passif Inactifs Masochiste ne peut recevoir aucun égard du « Maître »

  11. Les Médias, Cnews inclus, sont des Affaires de Gros sous et se foutent des peuples. leur parti-pris n’est de toutes parts que la meilleure façon de faire du Blé pour le temps Utile, et les 12 millions qui perdent ….contre les 12 millions,X qui gagnent vont alors perdre tout soutien pour la durée de la Période! Car sinon ils vont être barrés par le Pouvoir qui ne respecte pas plus la démocratie et les 49% qui ont Perdu et qui ont DONC Tort et ne méritent plus aucun égard.

  12. je demande si il y aurait eu la même campagne anti Marine dans tous les médias audios visuels. si il y avait eu Melanchon à sa place . Pour la presse il est évident que non.
    Quand le partie Islamiste sera au second tout des élections, dans une 10aine ou une 15aine d’années je ne suis pas sur non plus qu’il y aura le même front.

Les commentaires sont fermés.