Déclin de l’Église allemande : et si c’était le prix à payer pour son progressisme ?

Oberammergau-Allemagne

C’est presque un marronnier. Depuis une quinzaine d’années, l’Église catholique allemande voit le nombre de ses fidèles diminuer inexorablement. Du fait d’un régime particulier, le citoyen allemand baptisé, qu’il soit catholique ou protestant, doit payer l’impôt religieux, soit environ 8 à 9 % de l’impôt sur le revenu. Pour se dégager de cette obligation fiscale, le baptisé doit alors se rendre au tribunal ou au service d’état civil pour être rayé des listes : en conséquence il ne peut plus, théoriquement du moins, recevoir la communion ni les autres sacrements, ni même être enterré religieusement. En 2019, 272.771 catholiques ont demandé à être « radiés » de l’Église. Selon une enquête du Figaro menée à Cologne, 3.300 personnes ont demandé leur radiation au cours du premier trimestre 2021, soit 30 % de plus qu’en 2020 à la même période.

Quelles sont les raisons d’une désaffection continue envers l’Église d’Allemagne, pourtant connue pour son progressisme, son avant-garde théologique et idéologique, et qui va aujourd’hui s’accélérant?

Les personnes interrogées depuis des années disent toutes avoir été choquées par les scandales d’abus sexuels dans l’Église que Benoît XVI, le premier, s’était acharné à soulever et à dénoncer. Dans le diocèse de Cologne, en particulier, 314 mineurs ont été abusés entre 1975 et 2018…

Est-ce véritablement le scandale des abus sexuels dans l’Église qui pousse tous ces catholiques à la quitter ? Soyons honnêtes, le volet financier n’est pas non plus à négliger.

Mais de nombreux radiés dénoncent aussi le manque d’adaptation de l’Église au monde : entendez l’immuabilité de la doctrine de l’Église en matière de morale. En clair, particulièrement en Allemagne, l’accès de femmes au sacerdoce et la bénédiction de mariages homosexuels sont de puissantes revendications, et il est fortement reproché à l’Église de ne pas y céder.

On reproche donc à l’Église catholique… d’être catholique.

Et pourtant ! Depuis trois ans, l’Église allemande s’est mise en route sur une voie hasardeuse, celle du chemin synodal. De réunions en commissions, l’Église allemande, avec à sa tête le très progressiste Mgr Georg Bätzing, a mis sur la table les revendications portées par les laïcs, que nous venons d’évoquer, pour, cinquante ans après Vatican II, mettre de nouveau l’Église « à l’écoute des signes du temps ».

Suscitant ainsi l’embarras de Rome : le pape François, qui pousse depuis le début de son pontificat à une plus grande synodalité dans la gouvernance de l’Église, a fait néanmoins savoir par la voix de sa Congrégation pour la doctrine de la foi que la bénédiction d’unions homosexuelles était impossible dans l’Église catholique… alors que le chemin synodal allemand voudrait révolutionner le discours et la pratique de l’Église en matière de sexualité comme d’ordination des femmes. Et l’épiscopat allemand souhaite que ce chemin synodal ait une valeur contraignante, faisant ainsi de l’Église allemande une autorité juridique et théologique indépendante : c’est donc une perte du sens de la romanité qu’affronte l’Église allemande, mais aussi une perte de foi.

Ce ne sont donc visiblement pas les efforts déployés par l’Église allemande dans le sens d’une révolution théologique et d’une plus grande permissivité morale qui sont susceptibles d’inverser la tendance.

On partagerait plutôt le constat du cardinal Sarah, interviewé par le journal italien Il Timone : « Dans notre société, tout ce qui porte en soi des signes clairs de la stabilité, de l’immutabilité et de l’éternité, comme le sacerdoce ou le mariage, est en crise. L’homme contemporain vit de choses immédiates et matérielles, de sensations et de pulsions émotives. »

La crise de l’Église allemande n’est au fond que le reflet que la crise métaphysique profonde que traverse l’Homme moderne.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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