Le Terre tourne de moins en moins rond, eu égard principalement à la pandémie de coronavirus qui sévit depuis décembre 2019, où l’angoisse collective risque d’atteindre son paroxysme. Dans cette perspective, il faut se replonger dans les œuvres de l’auteur qui a définitivement, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, cerné tous les enjeux liés au problème de la civilisation : le philosophe allemand Friedrich Nietzsche. Notamment contre le poison de la morale publique, voire celui des injonctions hygiénistes.

Nietzsche a d’abord perçu de quelle manière le rapport au corps avait conditionné toute considération intellectuelle : « […] je me suis demandé si, somme toute, la philosophie jusqu’à aujourd’hui n’a pas été seulement une interprétation du corps et une mécompréhension du corps ». D’où le triomphe des valeurs judéo-chrétiennes en Eurasie ainsi que les tentatives – de la part des orientalistes de son temps – de réduction du christianisme des premiers siècles au bouddhisme originel : « Un détour aboutissant peut-être à un nouveau bouddhisme ? À un bouddhisme européen ? Au nihilisme ? » Seulement, il n’est nullement question de verser dans l’ethnomasochisme, mais simplement de faire de l’histoire des idées. En l’occurrence, observer que la pensée occidentale est profondément gréco-romaine et chrétienne, « car le christianisme est du platonisme pour le “peuple” ».

Du reste, il n’est pas étonnant de constater que la médiocrité égalitariste s’impose ici et là sans aucune difficulté. Puisque les masses ont été préparées à cela : « Le soulèvement des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment devient lui-même créateur et engendre des valeurs : le ressentiment de ces êtres à qui la réaction véritable, celle de l’action, est interdite, et que seule une vengeance imaginaire peut indemniser. » Comme une prophétie visant notre époque offerte à tous les aigris et les frustrés qui n’auront jamais assez de rancœur contre la virilité, le patriarcat et la nature. Alors, cette dernière est précisément dénaturée par les soi-disant défenseurs de son équilibre, les mêmes ne voulant pas voir qu’elle n’est que « volonté de puissance », et ne serait prompte à faire dans l’égalité vis-à-vis de quoi ou de qui que ce soit ! Voilà pourquoi n’est surhomme que celui qui sera « homme nature », sublime puisque tragique, et plus encore puisque « le spectacle qu’offre l’homme fatigue ».

En résumé, face aux vicissitudes du temps présent, il est urgent de continuer de monter sur la montagne sans y penser – selon une de ses images célèbres –, en prenant conscience à quel point « la volonté de surmonter un affect n’est en dernière instance que la volonté d’un autre ou de plusieurs autres affects ». De fait, le libre arbitre est une chimère. Ainsi, pas d’autre choix que de « vivre dangereusement », en comprenant enfin que « c’est toujours sur une croyance métaphysique que repose la croyance à la science ». Pour « apprendre à aimer », c’est-à-dire aimer sans angoisse…

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14 septembre 2020 à 11:58

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