Au fond, il s’est fait plaisir. Du reste, à quoi servirait le pouvoir si on ne pouvait en abuser ? Les institutions le permettent, alors pourquoi se gêner ? Il s’est fait plaisir, dans une sorte d’exercice de pastiche des grandes heures gaulliennes, au milieu du décor rénové de la salle des fêtes palatine. Un demi-siècle, jour pour jour, après que le général de Gaulle s’adressait une dernière fois aux Français pour leur mettre clairement le marché en main : « Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions. »

Le général de Gaulle n’était pas marin mais il ne craignait pas d’affronter la tempête populaire. Emmanuel Macron, lui, a la chance d’hériter d’un navire de haute mer qui s’appelle « Constitution de la Ve République » mais avec lequel il fait du cabotage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit depuis bientôt six mois. Du cabotage, en pariant que le vent finira bien par s’essouffler ! Les 11 milliards du 10 décembre, la relative trêve des confiseurs et puis le génial grand débat, ou l’art de faire durer le plaisir avant de faire grimper aux rideaux de la salle des fêtes.

Et ce cabotage s’est échoué jeudi en cabotinage par la grande scène du II. L’acteur était à son comble, la salle aussi. Visiblement, il avait bossé, travaillé. La mémoire était heureusement aidée par les notes qui traînaient sur la table. N’est pas de Gaulle qui veut. Visiblement, il prenait plaisir. La scène sur Benalla entrera probablement dans les annales du théâtre politique. « Sur Alexandre Benalla... » Presque dix secondes de silence : une éternité, en politique. Du jamais-vu, sans doute, dans une conférence de presse. Même dans les sermons à l’église, ils n’osent pas - c’est pour dire. Le temps était suspendu au maître des horloges, les journalistes et les ministres aux lèvres de l’acteur. On aurait entendu une mouche voler. Comme chantait Herbert Léonard dans sa chanson culte « Pour le plaisir/Il faut savoir prendre le temps/De refaire d’un homme un enfant/Et s’éblouir ». Et sans doute qu'il s'éblouissait lui-même. Fin de ces longues secondes de silence et c’était reparti de plus belle : « C’est trop facile de regretter. » Scène d’émotion assurée à propos du parcours de « ce jeune garçon qui avait vraiment du talent… qui avait son histoire... » Qui n’a pas d’histoire, au fait ? « Et c’est pour ça que je lui en veux encore plus. Il a fait des fautes, très graves. » Presque sur un ton de confessionnal : « Les sait-on toutes aujourd’hui ? Je ne sais pas. » Et puis, plus loin, histoire de mettre les points sur les i et les barres sur les t : « Quoique n’ayant jamais été protégé par l’Élysée… » Enrobé, raconté comme ça, on a envie de croire à cette belle histoire...

Vraiment, il s’est fait plaisir. Tout juste, d’ailleurs, s’il n’a pas dit « car tel est notre bon plaisir ». Sur la question du vote blanc, par exemple : « J’ai un moment été tenté par cette option mais je ne la retiendrai pas… » Intéressant, votre truc, les enfants, mais c’est non ! Argument : « On doit choisir. Parfois le moindre mal ou le mieux possible. Quand on vit une période difficile, ça ne suffit pas, ça ne résoudra aucun problème. » L’abstention a de beaux jours devant elle, et elle non plus ne résoudra aucun problème !

Il s’est fait plaisir. Mieux, comme dirait le jeune Alexandre, il s’est fait plaiz. Cela faisait-il plaisir à voir ? Plaisir partagé, comme on dit aujourd'hui ? C’est chacun son goût.

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26 avril 2019 à 17:15

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