[Cinéma] Reality, la lanceuse d’alerte qui voulait faire tomber Trump

REALITY

En juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, fut arrêtée à son domicile d’Augusta, dans l’État de Géorgie, par des agents du FBI pour avoir fait fuiter dans la presse un rapport confidentiel de la National Security Agency.

Employée, à l’époque, en tant que linguiste/traductrice de farsi et de pachto chez Pluribus International Corporation, une entreprise prestataire de la NSA, Reality Winner prit connaissance d’un rapport interne attestant une ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016 qui virent Donald Trump accéder au pouvoir. Une ingérence qui se serait traduite concrètement par une manipulation des votes électroniques téléguidée depuis Moscou par des hackers.

Sur des motivations qui restent encore à déterminer (anti-trumpisme, convictions démocrates, indignation légitime, antipatriotisme, accointances avec des puissances étrangères ?), Reality Winner imprima ce document classifié, le fit sortir illégalement des locaux de Pluribus, et l’envoya par courrier postal à The Intercept, magazine en ligne d’investigation fondé par Glenn Greenwald, Jeremy Scahill et Laura Poitras, les journalistes qui donnèrent un écho, en 2014, aux révélations d’Edward Snowden…

Réalisé par Tina Satter pour HBO Max et sorti dans les salles françaises le 16 août dernier, Reality est le premier film au cinéma à aborder de près ou de loin le fameux « Russiagate » mettant en cause Donald Trump et ses connections supposées avec la Russie. Dans cette affaire complexe aux multiples ramifications, la réalisatrice s’attache exclusivement à « l’épisode Reality Winner » et à l’interrogatoire de la jeune femme à son domicile par deux agents du FBI.

Par souci d’authenticité, le film reproduit au mot près les échanges des trois protagonistes à partir des enregistrements d’origine. Un exercice fascinant pour le spectateur, confronté comme rarement au cinéma aux méthodes d’interrogatoire du renseignement, avec toute la tension psychologique que cela suppose. Aigres-doux, nos deux enquêteurs avancent masqués, dissimulent leurs cartes et savent à tout moment comment obtenir des réponses sans user de la moindre violence. De son côté, la jeune femme, incarnée par Sydney Sweeney, s’efforce comme elle peut de garder son calme. Perturbée face à ces hommes qui en savent plus que ce qu’ils prétendent, Reality Winner y va au bluff, simule tant bien que mal la légèreté, cède peu à peu du terrain, prétexte l’oubli lorsqu’elle se sent acculée, puis s’effondre nerveusement.

Tout le sel du film – et la réalisatrice en est consciente – repose sur les méthodes d’interrogatoire des agents du renseignement. Car l’affaire Reality Winner, en soi, ne présente qu’un intérêt limité, les agents du FBI ayant parfaitement rempli leur rôle et les révélations politiques étant tout simplement inexistantes. Quant aux effets de montage, avec ruptures de tons colorimétriques et inserts sur des documents caviardés, ils ne font que gêner la compréhension de l’ensemble chez ceux qui n’ont jamais pris connaissance de l’affaire.

Là où le contexte du « Russiagate » rend le film un peu vain, malgré tout, c’est que selon un rapport du procureur spécial John Durham, qui date de novembre 2021, les accusations de collusion entre les Russes et Donald Trump sont complètement fumeuses, le principal informateur du dossier, Igor Danchenko, étant dorénavant accusé d’avoir menti sur toute la ligne sous l’influence du clan Clinton… Même une partie de la presse américaine a fini par faire son autocritique à ce sujet : on pense au Washington Post comme au Wall Street Journal. Selon ces derniers, « toute cette affaire n’est, du début à la fin, qu’une série de boules puantes lancées par l’équipe de campagne de Hillary Clinton, et dont la presse fut le promoteur crédule ».

Reste à s’interroger, à présent, sur les motivations de la réalisatrice à un an des prochaines élections américaines…

3 étoiles sur 5

 

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Il serait dommage que le ‘GOP’ n’utilise pas cette occasion pour faire apparaitre clairement aux citoyens américains la duplicité de leurs élus  »démocrates’… Vont ils le faire ? Affaire à suivre…

  2. « Même une partie de la presse américaine a fini par faire son autocritique à ce sujet : on pense au Washington Post comme au Wall Street Journal. Selon ces derniers, « toute cette affaire n’est, du début à la fin, qu’une série de boules puantes lancées par l’équipe de campagne de Hillary Clinton, et dont la presse fut le promoteur crédule ».
    Mais en France…, et en Europe, personne ne semble être au courant ni même les membres de la récente commission de l’Assemblée Nationale portant sur les ingérences étrangères. Le poids de la propagande médiatique est faramineux ! Y a -t-il un journaliste dans l’avion ???

  3. A quand un film sur les turpitudes du clan Biden, épaulé par Clinton, hilare aux dents longues… sans doute jamais, c est le camp du bien, vous savez celui qui déclenche les guerres pour s enrichir encore plus… Trump à des défauts, c est indéniable, mais lui ne déclenche pas de guerres…

    • A quand un film sur les turpitudes du clan Macron, élu 2 fois en dépit de son absence objective d’électeurs?

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