[Cinéma] Oppenheimer : la bombe de Christopher Nolan

oppenheimer

Disons-le d’emblée : l’annonce initiale d’un projet de film sur l’invention de la bombe atomique, par Christopher Nolan, nous avait mis l’eau à la bouche. Bon faiseur, soucieux de la composition de ses cadres, réputé pour son sens du montage, du rythme et du suspense, le cinéaste, à qui l’on doit, entre autres, Inception, Interstellar et Dunkerque, démontre à nouveau son intérêt pour la science et les thématiques liées à la physique quantique avec son dernier long-métrage, Oppenheimer.

Basé sur la biographie American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer, écrite par Kai Bird et Martin J. Sherwin, qui fut récompensée du prix Pulitzer en 2006, le film rend hommage au génie scientifique de celui à qui l’on doit l’invention la plus importante du XXe siècle, celle qui bouleversa à jamais l’art de la guerre et les relations internationales.

« Qu’on le veuille ou non, explique Christopher Nolan en interview, J. Robert Oppenheimer est la personne la plus importante qui ait jamais vécu. Il a façonné le monde dans lequel nous vivons, pour le meilleur et pour le pire. Et il faut se plonger dans son parcours pour y croire. »

En effet, le film revient longuement sur la vie personnelle et professionnelle de ce brillant physicien qui se vit confier, pendant la guerre, les rênes du « Projet Manhattan », nom de code visant à dissimuler les travaux de recherche autour de la bombe atomique dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au Nouveau-Mexique. La crainte des Américains était, évidemment, que l’Allemagne parvînt avant eux à créer une arme de destruction massive et remportât la guerre…

Excessivement bavard et explicatif – comme souvent chez Nolan –, le récit se divise en trois temporalités bien distinctes entrelacées intelligemment de façon à ne jamais perdre le spectateur : tout d’abord la genèse de la bombe atomique avec ses enjeux politiques et la crainte permanente d’espions allemands ou russes ; puis l’audition truquée de 1954 durant laquelle Oppenheimer – ouvertement opposé, depuis Hiroshima et Nagasaki, au développement des armes thermonucléaires – dut défendre sa réputation et ses positions devant un parterre de jurés prompts à l’accuser de sympathies communistes ; enfin, dernier segment, le discrédit public de Lewis Strauss, l’homme qui organisa cette cabale contre Oppenheimer, semble-t-il par rancœur personnelle.

L’imbrication des trois segments a le mérite d’atténuer les faiblesses des deux derniers au regard du principal qui les surclasse en termes d’intérêt historique comme de spectacle – on pense, en particulier, à la séquence du premier essai nucléaire et, surtout, à celle du discours de victoire d’Oppenheimer, catastrophé par l’explosion d’Hiroshima, qui simule la joie devant un public exalté alors qu’il réalise en lui-même l’horreur à laquelle il a participé.

Vers la fin du film, son épouse l’interroge, cherche à savoir s’il s’est volontairement laissé malmener par ses jurés lors de l’audition truquée de 1954 afin de mieux se faire pardonner aux yeux de la postérité. De même, on peut se demander si le film de Christopher Nolan ne cherche pas, précisément, à réhabiliter le physicien. N’en déplaise au cinéaste, Oppenheimer savait très bien ce à quoi serviraient ses travaux ; l’argument selon lequel les scientifiques n’auraient pas à se soucier de l’usage que les politiques et leurs contemporains font de leurs inventions peine à convaincre…

Irréaliste ou prémonitoire, le plan final divisera les spectateurs à coup sûr, entre ceux qui font valoir depuis 1945 le pouvoir dissuasif de la bombe nucléaire et ceux qui, au contraire, feront toujours le pari de la folie humaine.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Oppenheimer a fabriqué la bombe mais c’est Harry Truman qui l’a lâché deux fois. Et, en bon franc-maçon, il a choisi les deux villes japonaises qui avaient les deux cathédrales catholiques les plus importantes du Japon.

  2. Je n’ai pas vu le dernier film de Nolan mais je peux vous dire que son film sur Dunkerque ne mentionne pas , ou si peu, l’ héroïsme des soldats français qui se sont fait massacrer pour tenir et permettre aux soldats anglais de s’embarquer, ni ne montre les braves de sa majesté refouler violemment les quelques français qui voulaient monter sur ces bateaux de la dernière chance ( allant jusqu’à leurs taper dessus ) . Mon père y était.

  3. J’ai bien connu cette époque, comme élève du fils du professeur Langevin au lycée Henri IV, en terminale, puis comme assistant à une conférence de Robert Oppenheimer à l’Ecole Polytechnique, en 1957 ou 1958. Cette question a divis tous les physiciens à cette époque. Ce qui est frappant, c’est que sans l’entêtement de Hiro Hito, les bombes n’auraient pas été nécessaires t Hiro Hito est resté bien tranquillement empereur du Japon plusieurs dizaines d’années après la guerre et a survécu aux Hitler, Staline et Présidents Américains. A quand un film sur le règne de cet empereur et le récit des ses actions en Mandchourie et dans la guerre du Pacifique ?

    • Entièrement d’accord ! Et on n’en parle jamais ! N’oublions pas non plus les bombes sales au Vietnam !

      • Le « camp du bien » n’est certes pas aussi bien qu’on le prétend, mais le camp « dit du mal » a fait ses preuves, dixit Staline- Pol-Pot, pour ne citer que les plus sanguinaires…..
        Actuellement, la France, de par sa piètre représentativité politique, est confrontée à une invasion migratoire majoritairement Islamiste, que pensez-vous de ce qu’il adviendra de nous, lorsque qu’une majorité de citoyens se référent à cette religion sera en mesure de dicter sa loi ?

    • Ça ne veut pas dire que l’autre camp soit celui du bien ! Le mal est partout, c’est dans l’Évangile ! Le Christ dit qu’il n’y a de bon que Dieu.

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