Le Tour de France au temps des facéties

hassenforder

« Le Tour, c’est la fête et les jambes ! » avait coutume de dire le regretté Antoine Blondin, qui en a « couvert » une trentaine pour L’Équipe, de 1954 à 1982. Monument séculaire qui se revisite chaque année dans la ferveur chaleureuse des bords de route du mois de juillet, le Tour de France demeure une grand-messe populaire dont Blondin avait écrit la légende, la saga de « cette caravane qui décoiffe les filles, soulève les soutanes et pétrifie les gendarmes ». Ce samedi 22 juillet, le Tour est en Alsace, avant-dernière étape avant l'apothéose de dimanche à Paris. L'occasion d'évoquer une légende du cyclisme alsacien.

En ce samedi vers les sommets des Vosges, les anciens se souviendront peut-être du régional de l’étape, l’inénarrable Hassenforder (1930-2021), le facétieux « Hassen », capable de dépasser sur vingt mètres les autres coureurs, de s'arrêter sur le bas-côté pour embrasser ses « fiancées, monter sur un arbre pour en manger les fruits, laisser passer le peloton et repartir de plus belle pour finalement, en 1958, gagner l'étape. C'était ça, le cyclisme version Roger Hassenforder, vainqueur de huit étapes du Tour de France entre 1956 et 1959, maillot jaune dès sa première participation. Des sorties médiatiques et des « coups » imprévisibles, comme lorsqu’en pleine étape Cannes-Marseille en 1957, il réussit le tour de force d'entraîner une partie du peloton dans la Méditerranée pour un bain, en raison de la chaleur mais plus sûrement à cause d'un coup de pub dans Paris Match. « Ce jour-là, racontait-il, j'avais neuf minutes d'avance et le rédacteur en chef (Raymond Cartier) me proposa la une contre un bain de mer. » Des faits occultant presque les performances sportives « incroyables » qui ont marqué la carrière du sportif, concèdent ses plus proches compagnons. Un autre jour, en 1959, alors qu’il était « maillot jaune virtuel », avec près d’un quart d’heure d’avance sur le peloton, l’Alsacien arrivé au sommet d’un col pyrénéen se revigora d’une choucroute, à la terrasse d’un restaurant...

Le boute-en-train du peloton, « l’As Hassen », comme l’avait encore surnommé Antoine Blondin, malgré ses frasques imprévisibles, avait pourtant tout de la trempe d’un champion : Hassenforder porta le maillot jaune à plusieurs reprises, signa pas moins de huit victoires d’étapes, dont quatre sur la seule édition 1956. « La classe à l'état pur », disait de lui Felix Lévitan, l’emblématique directeur du Tour de France, à une époque où les coureurs aux noms à coucher dehors ne se blottissaient pas encore les uns contre les autres comme des moutons pour se dissoudre dans l’anonymat d’un troupeau qui court après la caravane publicitaire. Il est loin, le temps où les coureurs rentraient à l’hôtel avec leur vélo pour laver eux-mêmes leur maillot, cuissard et socquettes, en les faisant tremper dans leur baignoire.

José Meidinger
José Meidinger
Journaliste - Ancien grand reporter à France 3 Alsace, il passe son temps entre l’Alsace et la Grèce.

Vos commentaires

16 commentaires

  1. à cette époque ils prenaient le temps, et n’étaient pas des picsou de la finance, à l’heure actuelle dès la 10ème étape on courre pour sauver une 10ème place, alors manger une choucroute, aujourd’hui on pédale selon les ordres que donne l’oreillette, avant c’était la « sensation de la course » qui faisait les champions, aujourd’hui comme le disait Cyrille Guimard, les directeurs sportifs jouent à la play station avec les coureurs, « accélère, freine, tourne à gauche, viens chercher les bidons etc » rien à voir avec les époques Anquetil, Merckx, Hinault, où la science de la course primait, maintenat celui qui gagne le tour, c’est le meilleur robot.

  2. Outre tous les commentaires consécutifs à cette chronique , les commentateurs sportifs de France TV comme leurs intervenants mettent (si vous permettez l’expression la « charrue avant les boeufs » ) car ils avancent déjà la représentation finale du classement au général , et certains même parfois dès les premières étapes, chapeau messieurs et mesdames les devins . Il en est pour le cyclisme , comme dans de nombreux sports , et je me répète souvent dans ma tête « tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie … » . Pour revenir à ce Tour je ne veux pas blâmer ces coureurs qui sont plus que méritants , des étapes dantesques, des records de vitesse d’étape battus, sous une chaleur suffocante, non ce sont de beaux et grands sportifs , contrairement à d’autres disciplines où l’abnégation dans la souffrance est méconnue . Enfin ce sont à juste titre des athlètes qui ne s’étalent pas hors de leur domaine d’activité , car bien trop de nos élites sportives font parler d’elles par des prises de position en dehors de leur champ de compétences .

  3. Je crois que ceux qui critiquent à outrance, nos champions cyclistes d’aujourd’hui n,ont jamais mis leur postérieur sur une selle de vélo pour escalader un col ou, plus difficile, le descendre!

  4. J’ai croisé jalabert au début des années 2000 sur l’hippodrome de lyon parilly, il était invité pour parrainé la journée de courses hippiques…c’était le début de l’après midi il y avait encore peu de gens dans le hall, Jalabert discutait avec une personne lorsqu’une dame accompagnée de son fils de 7 ou 8 ans a demandé poliment un autographe pour le gosse, jalabert a répondu sèchement  » que ce n’était pas le moment des autographes! » la maman et son fils étaient très mal à l’aise et j’ai pu voir la déception sur le visage du gosse…ce type est imbuvable!

  5. Le Tour de France est aussi vérolé par le fric, comme le sont le foot ou le tennis et la liste n’est pas exhaustive.

  6. J’ai le souvenir du Tour de quand j’étais gamin, quelle corvée par forte chaleur que d’être obligé d’y assister ! Par la suite de vivre dans un village bloqué durant des heures pour voir passer des flèches roulantes. Obligé de subir le sbloc

  7. Effectivement, j’ai connu la fin de cette époque. Anquetil a été le premier a rompre avec ce système et en lançant le bizness (équipe qui se sacrifie pour le leader, combines financières….) …. et le commentateur de l’époque (Chapatte) ne passait pas son temps à nous abrutir avec les « … de la formation bidule,…. et de la formation trucmuche !… »

  8. Ce que nous appelions tour de France, en réalité quelques étapes de ci delà, un vrai tour de France je ne l’ai jamais connu, je pense qu’ici tout le monde est dans le même cas.
    J’ai regardé quelques étapes lors des fortes chaleurs, pour les images de paysages, pas pour la course elle même. Maintenant on entend dire que l’on cours pour la troisième place ! Quel intérêt dans ce cas de regarder la course ?
    Les deux commentateurs, Jalabert et Pasteur essaient par tous les moyens et tous le superlatifs de nous faire avaler la beauté de la course. Et il est vrai que cette course pour moi n’a plus aucun intérêt sportif, ceux ci étant devenus des « machines à pédaler », avec toutes les dernières technologies, mécaniques, médicales, voir plus, à leurs services.
    A croire que ces « coureurs » sont devenus des ouvriers au service du grand patronat. Sauf qu’ils prennent leur retraite ou que cela leur soit fortement conseillé pour mettre des plus jeunes moins rémunérés bien avant 64 ans, ou plus « dociles à certaines pratiques », et là je le conçois facilement ?

    • Bien vu ! moi, je ne regarde que les paysages magnifiés par Ferrand. Le cyclisme par lui-même, m’indiffère depuis 1967, seule année où on était revenu aux équipes nationales. Depuis, le bizness a repris le pouvoir et les tripatouillages avec. Comme disait Béart : »Le Tour est un spectacle qui plait à beaucoup de gens…. et dans un spectacle, y’a pas de miracles » !

  9. Je suis consterné par l’hyper-médiocrité des « commentateurs français «  du tour. Incultes le plus souvent, rires gras à la pelle, partisans au lieu d’être clairvoyants. Je me contente désormais du muet.

    • Votre remarque que j’approuve vaut également pour d’autres sports, rugby en particulier, mais aussi football, tennis, etc…

  10. Aujourd’hui, on en est à Libé déplorant qu’il n’y ait que des blancs dans l’équipe de France. Le foot ne leur suffit plus.
    Sur FDS.

  11. Coïncidence ? Roger Hassenforder s’est imposé ces derniers jours à ma mémoire d’octogénaire, alors que je regardais à la télé une de ces « grandes étapes » des Alpes où il suffit de visionner le dernier kilomètre pour voir les « géants de la route » daigner enfin se livrer bataille pour gagner ou perdre une seconde au général. J’ai repensé à l’époque des équipes nationales, et surtout régionales. Abdelkader Zaaf échappé solitaire dans une chaude étape méridionale, buvant un litre de vin pour se désaltérer, chutant, repartant quand même mais dans le mauvais sens, pour se retrouver nez à nez avec le peloton. Le Languedocien Agut, victime de furoncles mal placés, faisant le Tour en danseuse et le terminant à la dernière place. Et les facéties d’Hassen, évidemment !

  12. Ce qui est remarquable aujourd’hui c’est le parti pris de certains commentateurs de France télévision flirtant avec la haine vis à vis du maillot jaune allant jusqu’à dire « il faut le priver de points (pour le maillot à pois) » !
    Le syndrome de l’Ukraine plane sur le tour…
    Alors c’est vrai qu’aujourd’hui Pinot a fait figure de héros du vélo dans ce contexte délétère, bravo à lui !!!

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