[CINEMA] Little Jaffna, l’assimilation réussie d’un jeune flic tamoul infiltré

Le film de Lawrence Valin puise son inspiration visuelle dans le cinéma exubérant et tout en couleurs du sud de l’Inde.
Copyright Guy Ferrandis
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En 2009, après trente ans de guerre civile au Sri Lanka, le mouvement sécessionniste « Liberation Tigers of Tamil Eelam » (LTTE), qui réclamait depuis 1976 un état indépendant dans le nord-est de l’île pour les 20 % de Tamouls que comptait la population, fut définitivement écrasé par le pouvoir cinghalais. Une défaite entérinée par la mort du dirigeant des « Tigres », Velupillai Prabhakaran, probablement abattu lors d’une embuscade.

Réalisé et interprété par Lawrence Valin, jeune cinéaste issu de la première génération de Sri-Lankais nés en France, Little Jaffna aborde le sujet du financement opaque de la LTTE par la diaspora tamoule de l’hexagone. Une population largement localisée en région parisienne qui, à la veille de la débâcle des Tigres, se voit pressurée par une forme de racket plus ou moins consenti, évoquant chez nous « l’impôt révolutionnaire » des indépendantistes corses.

Un film d’infiltration

Le récit se déroule donc entre 2008 et 2009 et suit Michael Beaulieu, un jeune policier d’origine tamoule envoyé par la DCRI (l’ancienne DGSI) dans le quartier de la porte de la Chapelle, à Paris, le fameux « Little Jaffna », surnommé ainsi en référence à la ville de Jaffna, située dans le nord du Sri Lanka.

Tiraillé par un sentiment de double appartenance à la culture tamoule et à la culture française, que symbolise son vitiligo facial, Michael a pour mission d’infiltrer le gang des Killi’z tenu par Aya (Vela Ramamoorthy, charismatique à souhait), un ancien Tigre craint et respecté des habitants du quartier, qui organise notamment – en sus du racket – le lucratif trafic de clandestins.

Pour mener à bien son objectif, Michael se rapproche d’abord de Puvi (Puviraj Raveendran, autre révélation du film), un homme de main fidèle mais au sang chaud, puis fait rapidement valoir son ascendance prestigieuse (son père était, au pays, un « Tigre noir », un kamikaze mort pour la cause indépendantiste). Dès lors, le policier obtient la confiance et la protection du gang…

La criminalité tamoule en Île-de-France

Bâti narrativement selon les codes du film d’infiltration, Little Jaffna puise son inspiration visuelle dans le cinéma exubérant et tout en couleurs du sud de l’Inde, Kollywood, et dans celui de Hong Kong. Moins dense, évidemment, que la saga Infernal Affairs, le film de Lawrence Valin – qui a la lourde tâche ici de réaliser et de jouer le premier rôle – est néanmoins chargé d’une réelle valeur anthropologique. Il révèle, à ceux qui l’ignoraient parmi les spectateurs, l’existence d’une criminalité organisée tamoule à Paris. Relativement discrète, comme celle des triades chinoises dans le XIIIe arrondissement, elle fait rarement parler d’elle. Mais ses gangs aux noms exotiques sont connus des services de police : Avaa, Cyber, Mukkalas, Viluthus, Venillas, Red Boys, Eelam Boys, Cobras… Ceux-ci ont la réputation de s’affronter régulièrement à coups de machette dans le nord de Paris et en Seine-Saint-Denis (à Pantin et à Bobigny principalement). L’aspect peu glamour, dirons-nous, de la mondialisation…

Instructif, rythmé, bien qu’un poil complaisant dans sa représentation de la violence, le film de Lawrence Valin a surtout le bon goût de vanter l’assimilation de son héros et de la récompenser à sa juste valeur en fin de récit. Une dimension idéologique fondamentale de Little Jaffna, qui aurait sans doute mérité un développement plus soutenu tout au long de l’intrigue.

 

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

2 commentaires

  1. « Quand un peuple perd sa terre, il perd son identité »…. Et nous, les Français, nous perdons notre identité parce que les autres peuples nous prennent notre terre !

  2. si je comprends bien, le « flic tamoul intégré » justifie la criminalité tamoul prégnante et majoritaire, et l’invasion de notre territoire par des hordes immigrées inutiles et socialement coûteuses.

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