Changement climatique : s’il vous plaît, Monsieur Blanquer, ne devenez pas démagogue !

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Alors que, ce vendredi 15 mars, la jeunesse manifeste pour dénoncer l'inaction des politiques face au réchauffement climatique, Jean-Michel Blanquer a cru bon de publier, le 11 mars, un communiqué de presse appelant tous les lycées à organiser des débats ce même vendredi, de 16 h à 18 h. Concrètement, les thèmes abordés peuvent porter sur les économies d'énergie, les énergies renouvelables, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou la citoyenneté et la solidarité face au changement climatique. Une synthèse sera proposée au ministre lors de la réunion du Conseil national de la vie lycéenne, convoqué pour le 5 avril.

Encore un débat, direz-vous ? On ne peut exclure que cette annonce ne soit une sorte de contre-feu pour dissuader les élèves de faire « grève » – « grève » entre guillemets, car peut-on appeler « grève » une action qui consiste à sécher les cours pour aller marcher dans les rues, sans aucune sanction financière ? Le ministre a, heureusement, précisé que ce n'était « pas son rôle » d'appeler les élèves à participer à une grève. Mais lancer encore un débat fait craindre qu'à force de fréquenter la Macronie, il ne soit atteint de la manie de la parlotte qui sévit actuellement.

Sur le fond, si les questions climatiques et environnementales ne doivent pas être prises à la légère, elles ne s'accommodent pas, non plus, d'un débat organisé à la va-vite, où les discussions de café du commerce et les propos convenus risquent de l'emporter sur une réflexion approfondie. Sans compter qu'un vendredi après-midi, à 16 heures, beaucoup d'élèves aspirent à rentrer chez eux ou à rejoindre leur bus de ramassage scolaire. De plus, ce type de débat se prête à des manipulations et récupérations politiques. Est-ce faire preuve de mauvais esprit que de penser que le mouvement lancé par Greta Thunberg n'est pas totalement spontané ?

« Nous les jeunes sommes les premiers concernés par le réchauffement climatique, la disparition des espèces », explique un élève, "c'est notre avenir qui est en jeu". L'on pourrait ajouter à ces inquiétudes, sans tomber dans un scénario-catastrophe, le problème des réfugiés climatiques, les guerres économiques... Mais les autorités publiques doivent-elles abonder dans ce sens et ouvrir les portes des lycées à de tels débats, qui sont loin d'être toujours dénués d'arrière-pensées ?

L'éducation au développement durable a fait son entrée dans les écoles en 1977, les questions du changement climatique sont évoquées dans des cours de géographie, de sciences de la vie et de la Terre. Et c'est très bien, si les professeurs font le point objectivement sur l'état des connaissances, sans dériver sur des positions militantes. On passe vite de la connaissance, qui permet d'avoir un jugement éclairé, à l'endoctrinement, qui joue sur l'émotion et la schématisation.

D'aucuns s'émerveillent de voir des jeunes faire la leçon aux adultes, qui seraient des incapables ou des immobilistes. On peut les soupçonner aussi d'être de grands démagogues. Cette forme de jeunisme, loin de respecter les élèves, revient à les flatter pour mieux les dominer. Cette prétendue démocratie se moque de la démocratie. Comme pour le « grand débat », on les incite à débattre pour ne garder de leurs propositions que ce qui correspond à ses propres intentions. Jean-Michel Blanquer, ne tombez pas dans les travers de Macron !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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