Cathédrale de Chartres : au secours, les lubies architecturales défigurent nos villes !
Avec des projets aussi pharaoniques que hasardeux, nos villes subissent les lubies de maires plus préoccupés par l'idée de faire bâtir un édifice spectaculaire que de préserver le cadre de vie dont ils ont la charge.
Lorraine de naissance et de cœur, je sais de quoi je parle. À Nancy, c’est l’historique Musée lorrain qui se trouvera prochainement affublé d’un grotesque patio en verre. Quant à L’Excelsior, chef-d’œuvre de l’école de Nancy, fruit de la collaboration de Louis Majorelle, Jacques Grüber et Antonin Daum (excusez du peu !), il devra bientôt s’accommoder de la construction d’un immeuble de 27 mètres de haut.
Nouvelle victime : Chartres. L'esplanade de la cathédrale, résultat d'un dégagement partiel réalisé de 1866 à 1905, avait déjà fait l'objet d'un projet d'aménagement, abandonné après que des fouilles avaient révélé les bases d'un édifice antique. Le nouveau projet envisage, certes, de poursuivre le dégagement mais pour construire un « ouvrage “mezzanine” » à la place de l'un des bâtiments restant en face de la cathédrale. Quant au reste de l'esplanade, il sera couvert d'un plan incliné constituant un toit-terrasse et sous lequel devrait se trouver un vaste espace d'exposition.
Que reproche-t-on ? D'abord, la cathédrale sera moins visible depuis les rues attenantes à l'esplanade. Ensuite, ce sont essentiellement les vestiges qui seront exposés avec l'idée que le plancher sera aménagé au fur et à mesure de l'avancée des recherches. Ce qui mène, évidemment, à une question ? Que fera-t-on lorsque les fouilles seront terminées ? Que deviendra cet édifice en béton ? On comprend que le maire veuille donner du travail au trente-neuf personnes qui composent la direction de l'archéologie de la ville, mais les fera-t-on travailler le dimanche pour que le visiteur puisse les observer à l'œuvre ? Ne serait-il pas plus sage – si les fouilles s'avèrent nécessaires – de faire un toit-terrasse en bois qui supporterait très bien les visiteurs et qui aurait l'avantage d'être un ouvrage éphémère ?
Enfin, c'est le coût de ce projet non pérenne qui fait frémir. Estimé à 8,8 millions en 2016, on serait plutôt, aujourd'hui, proche des 15 millions. Autant d'argent qui aurait pu aller à la restauration de l'église Saint-Pierre et à d'autres sites. Un tel investissement justifiera sans nul doute que le projet soit à terme utilisé à d'autres fins comme le Centre mondial de la paix à Verdun, qui s'est installé dans l'ancien palais épiscopal et dont les conférences servent, désormais, à donner la parole aux immigrants ou bien à l'équipage de l'Aquarius, quand ce n'est pas une tribune pour défendre une certaine idée de l'Union européenne.
Ce projet est à l'image des ronds-points qui fleurissent partout pour des prix faramineux pendant que Stéphane Bern s’échine pour sauver notre patrimoine. Quand est-ce que les élus cesseront de jouer les bâtisseurs, dans le but de laisser leur marque dans le paysage, pour être des restaurateurs sachant s’effacer devant notre héritage ?
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