La catastrophe catalane (1)
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Au-delà du caractère spécifiquement espagnol de la crise en Catalogne - laquelle, il faut le rappeler, est endettée à hauteur de 52 milliards d’euros, soit 80 % de son "PIB", dont plus de 70 % sont (heureusement) détenus par Madrid -, l’affaire de la tentative de sécession catalane est grave, très grave même par ses enjeux à moyen et long terme en Europe et dans le monde.
Toutes proportions gardées et non encore atteintes, la Catalogne et le Kosovo posent le même problème. Celui de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. À ceci près que le "peuple du Kosovo (celui de Bernard Kouchner) était majoritairement de religion musulmane dans une province d’un État souverain (la Serbie) majoritairement, lui, orthodoxe. De plus, la population décrite comme le "peuple kosovar" était composée à plus de 70 % d’immigrants clandestins infiltrés de l’Albanie voisine, ruinée, exsangue après plus de quarante années de régime communiste extrême sous la dictature d’Enver Hodja. Ceux qui ont, à l’époque, écouté Radio Tirana en ondes courtes s’en souviendront…
Il nous revient en mémoire les promesses du bon docteur Kouchner : "Il n’est pas question de mettre en cause l’intégrité territoriale de la Serbie", laquelle a toujours affirmé sa souveraineté sur le territoire du Kosovo, affirmant que sa naissance en tant que nation souveraine avait été forgée dans le sang de la bataille du Champ des merles en 1389, remportée par l’Empire ottoman sur une coalition Serbo-bosno-croato-hongroise. La réalité des Balkans…
Mais soyons clairs aussi, cette affaire catalane n’a toutefois rien à voir avec le Brexit britannique, celui-ci ayant été décidé après un référendum tenu librement et en conformité avec la Constitution britannique sur l’ensemble du territoire composé de quatre nations : Angleterre, pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord. Nul ne doute, d’ailleurs, que l’Écosse, dont le Premier ministre Nicola Sturgeon s’était prononcé en faveur du maintien dans l’Union européenne, regarde avec beaucoup d’intérêt la situation espagnole.
Une grande confusion est donc volontairement (?) entretenue sur les notions de souveraineté, de nation et d’État. Il n’est point de mon propos de résoudre ici en quelques lignes ces notions complexes, d’autant que notre compagnon Henri Temple y a consacré un ouvrage entier.
Les soutiens "progressistes" à l’indépendance de la Catalogne font tous référence au concept de "l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes". Se rajoute, donc, à la confusion initiale déjà mentionnée celle liée aux notions de peuple, de culture et des "droits".
S’il est incontestable qu’il y a un peuple catalan, en tout cas que des gens se définissent comme tel - et je ne vois pas comment quiconque pourrait leur dénier ce choix -, que ce peuple parle et écrit une langue établie, reconnue, différente des autres langues hispaniques dont le castillan, cela donne-t-il pour autant droit à l’indépendance ? Ou, pour le dire du point de vue opposé, cela donne-t-il droit à la sécession, à la partition ?
La Constitution espagnole de 1978 reconnaît à la Catalogne un statut de "communauté historique". Et, en 1979, l’État espagnol a accordé à ses quinze "communautés" un statut d’autonomie. Mais la même Constitution de 1978, qui garantit aux régions leur droit à l’autonomie, réaffirme dans le même texte le caractère indissoluble, indissociable de la nation espagnole tout entière.
Aussi, puisque cette Constitution stipule l’indissolubilité de la nation espagnole, tout comme le faisait celle de la Serbie, on pourrait donc s’attendre en toute logique à ce que l’OTAN décide de bombarder la Plaza de España lorsque Madrid devra ordonner à son armée, et non plus seulement à ses forces de police, de maintenir l’intégrité territoriale et nationale.
Ce sera alors, comme pour le Kosovo, en violation de la résolution 2625 de l’ONU du 24 octobre 1970. Cette résolution de l’Assemblée plénière tout d’abord définit ce qui constitue pour un peuple les moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même :
La création d’un État souverain et indépendant, la libre association ou l’intégration avec un État indépendant ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple constituent pour ce peuple des moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même.[ref]Résolution n°2625 du 24/10/1970 – Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies - Annexe, 5e principe : “Principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes” §4[/ref]
Mais cette même résolution précise plus loin une limitation à ce droit :
Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur.[ref]Résolution n°2625 du 24/10/1970 – Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies - Annexe, 5e principe : “Principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes” §7[/ref]
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