L’artillerie lourde est de sortie. On n’attend plus que la Grosse Bertha venue d’outre-Rhin et le pilonnage sera complet. À quatre jours du scrutin, la guerre est totale. On a même ressorti du fin fond des dépôts de munitions le fameux « parti de l’étranger ». Hier à la solde de la Russie, aujourd’hui vendu aux Américains. L’art d’attaquer à front renversé. Celui qui dit qui y est.

Mardi, Emmanuel Macron saturait la presse quotidienne régionale d’un tapis de bombes. Efficacité ? Faut voir. Car, c’est bien connu, à un certain degré de destruction par l’artillerie, l’ennemi devient très difficile à dénicher dans les ruines. À un moment, il faut y aller au corps à corps, à la fourchette à escargot, au lance-flammes. Pas facile. Tous les coups sont donc permis. Bardella parle de « tribunal médiatique » » à propos de la partialité de France Inter ? Le commando Marlène Schiappa sort de la tranchée, baïonnette au canon, en ironisant : « Ça, Monsieur Bardella, ça s’appelle du journalisme. C’est assez répandu dans les démocraties. » Et le Président qui demande à relire une interview avant publication, ça s’appelle comment ?

Les ministres sont sommés d’aller au casse-pipe eux aussi. Et ils y vont. Bruno Le Maire dégaine le risque de déstabilisation de l’euro en cas de vote populiste : « L’euro n’a jamais été autant menacé », n’hésitant pas à mentir en déclarant : « Salvini est soutenu par Mme Le Pen, par d’autres conservateurs radicaux en Europe et donc eux font un choix qui a le mérite de la clarté, qui est celui de la disparition de l’euro et le retour à des monnaies nationales. » Le ministre des Armées, Florence Parly, quant à elle, nous ressort le projet d’armée européenne dans une tribune publiée sur Le HuffPost et intitulée . Là aussi, grosse artillerie : « Avancer vers l’horizon d’une armée européenne, ce n’est pas renoncer à notre souveraineté mais la décupler. » Se faire trouer la peau sur ordre de Juncker ou d’un de ses successeurs du même acabit, faut reconnaître, c’est un sacré idéal, faute d'idéal sacré. Une tribune qui se termine comme un tract jeté au-dessus de la ville bombardée : « Dimanche, si vous ne voulez pas d’une Europe sans défense, ne restez pas chez vous et votez Renaissance. » Soldats français, rendez-vous, hurle le commissaire politique dans son mégaphone. Tous les coups sont permis, disions-nous ? Steve Bannon vient à Paris et passe chez Bourdin : son temps de parole est comptabilisé par le CSA comme un soutien à la liste de Jordan Bardella.

Et le général Loiseau, y fait quoi, dans cette guerre atroce ? Faut reconnaître qu’il ne reste pas dans son QG à regarder la carte. Il jette toutes ses forces et pilonne fort, le général Loiseau. Mercredi, à la matinale de RTL : « C’est à cause de ce qui est en train de se passer en Europe que le Président s’implique dans la campagne. C’est parce que les nationalistes, c’est pas seulement Marine Le Pen en France. C’est Matteo Salvini en Italie […] Attendez, c’est pas un enjeu mineur […] si le racisme revient en Europe, si l’antisémitisme monte en Europe, si l’homophobie monte en Europe, si la misogynie et la lutte contre le droit des femmes montent en Europe, vous pensez que c’est un petit enjeu ? […] C’est pas une dramatisation, c’est une situation dramatique. » Entre nous, avant de vouloir faire la guerre à coups de moraline à certains pays d’Europe, il faudrait peut-être d'abord s’occuper de ces bastions de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie et de misogynie qui existent en certains territoires de notre République. Mais il est tellement plus facile de se fabriquer un ennemi fantasmé.

Dans la fanfare du régiment, Nathalie Loiseau aurait fait grosse caisse.

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22 mai 2019 à 19:55

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