Bruno Le Maire, l’intello du gouvernement, envisage de rouvrir les librairies durant le confinement

Bruno Le Maire

Dans son discours martial de lundi soir, Emmanuel Macron a notamment suggéré aux Français de lire : « En restant chez vous, occupez-vous des proches qui sont dans votre appartement, votre maison ; donnez des nouvelles, prenez des nouvelles, lisez », a-t-il déclaré, soulignant l'importance de la « culture » et de « l'éducation ». On ne saurait le lui reprocher, même si l'on peut penser qu'on ne s'adonne pas spontanément à la lecture quand on n'y est pas accoutumé.

Cette recommandation est d'autant plus cocasse que les librairies et les bibliothèques sont fermées. À moins d'avoir la chance de disposer, chez soi, de nombreux livres, qu'on peut soit découvrir, soit relire – ce qui n'est pas le cas le plus fréquent –, on n'a donc, pour possibilité, que de commander des ouvrages en ligne et de remplir les caisses d'entreprises comme Amazon, au détriment de nos libraires.

Interrogé sur France Inter, ce jeudi matin, Bruno Le Maire a indiqué qu'il allait étudier le cas particulier de la réouverture des librairies, soulignant qu'il faudrait « instaurer des règles strictes » de sécurité. Ce n'est pas une mauvaise idée et l'on s'étonne que les autorités n'y aient pas pensé plus tôt. Dans leur précipitation, conséquence d'une longue absence de décisions, elles n'ont pas pris le temps de réfléchir suffisamment.

On ne sait pas encore si les mesures de « confinement » (ce mot que notre Président n'a pas voulu prononcer, en laissant à d'autres l'usage) vont se durcir. On commence à dire qu'elles se prolongeront au-delà de deux semaines. Les autorités publiques, apparemment incapables de prévoir à long terme l'évolution de l'épidémie, feraient bien, si elles veulent être conséquentes, d'imaginer des solutions pour proposer aux adultes et aux enfants, contraints de rester chez eux, des occupations profitables.

Puisque nos dirigeants prétendent accorder tant d'importance à la culture, ne pourraient-ils pas demander aux chaînes de télévision de présenter aux téléspectateurs, dans la journée, des films ou des pièces de théâtre adaptés aux différents âges ? Il existe, dans le patrimoine audiovisuel, des chefs-d'œuvre qui mériteraient d'être vus ou revus. Le repos forcé d'une grande partie de la France pourrait être l'occasion de les faire connaître et admirer. Tant il est vrai que l'art a des vertus cathartiques.

Vous me direz, non sans raison, qu'il vaut mieux se méfier des goûts et des préjugés des princes qui nous gouvernent. On en a vu des exemples avec les fêtes de la Musique organisées par Emmanuel Macron dans la cour de l'Élysée. Quant aux chaînes de télévision, leur premier critère est celui de l'audience, qui ne recoupe pas nécessairement la qualité. Pourtant, il est possible de mettre la culture à la portée de tous et de partager l'héritage culturel français.

Dans ce domaine aussi, nos élites font preuve d'arrogance et de mépris. Elles se réservent, le cas échéant, les grands auteurs et prêtent au peuple des goûts plus frustes. C'est le comble de la démagogie. Les professeurs de lettres, qui veulent transmettre à leurs élèves leur passion de la lecture, ne cèdent pas à la facilité mais font preuve d'invention pédagogique pour les intéresser aux chefs-d'œuvre de la littérature. Si le gouvernement choisissait cette voie, il ferait, pour une fois, quelque chose d'utile. On peut toujours rêver !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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