Bruno Le Maire fait dans l’érotique : notre nouveau SAS ?

BRUNO LE MAIRE

Bruno Le Maire n'a pas seulement fait Sciences Po et l'ENA : il est aussi normalien et major de l'agrégation de lettres modernes. Il aime la littérature. Il aime l'art en général : n'a-t-il pas consacré un livre au chef d'orchestre Carlos Kleiber - et ne consacre-t-il pas, aujourd'hui, un autre livre au pianiste Horowitz ? Fugue américaine, qui sort ces jours-ci, est étonnant à bien des égards. Une élogieuse critique de l'académicien Marc Lambron (normalien et énarque, lui aussi), dans Le Point, assimile la construction de l'intrigue de ce livre au « mentir-vrai aragonien ». Ce n'est peut-être pas faux, quoiqu'un peu flagorneur.

Les mauvais esprits critiquent le fait qu'un ministre ait le temps d'écrire pendant qu'il travaille. Ce reproche sent un peu l'aigreur, car bien peu des détracteurs de Bruno Le Maire seraient capables d'écrire tout court. Certains seraient même incapables de bosser tout court. Ne soyons donc pas injustes. Bruno Le Maire écrit bien, son style est fluide, ses histoires intéressantes. Certains passages sur le monde politique (dans Jours de pouvoir ou Des hommes d'État, par exemple) sont brillants et profonds. Bruno Le Maire est bon, il va vite et il a du talent. Le seul problème, c'est qu'il le sait. Par conséquent, il s'écoute parfois écrire, au point que certains passages de ses livres empruntent malheureusement à l'emphase chocolatée de l'auteur Harlequin qu'il fut jadis (sous le nom de Duc William). Ainsi de l'incipit de Jours de pouvoir dans lequel Le Maire parle de Macron : « Il se tut, me fixa de son regard bleu sur lequel glissaient des éclats métalliques comme un lac accablé de soleil dont il aurait été impossible sous le scintillement des reflets de percer la surface. » C'est beau comme du Musso.

Pourtant, ce n'est pas dans la lucidité politique, ni même dans la métaphore poussive, que Bruno Le Maire commence à se faire un nom. C'est dans la scène érotique. Son point C (« C » comme « commun ») avec Marlène Schiappa. Il ne s'agit pas ici de se moquer lourdement et par principe des passages grivois, ce qui serait une sorte de pudibonderie mal exprimée. Simplement, on peut s'interroger sur la récurrence de ces scènes au fil des romans de l'ancien Républicain. Dans Le Ministre, une autofiction prémonitoire parue en 2004, il racontait une scène intime dans laquelle, à Venise, il passait du bon temps dans un bain avec sa femme. Dans Fugue américaine, son narrateur, Oskar, rencontre une certaine Julia, apparemment insatiable au lit.

Le député RN du Gard Nicolas Meizonnet partage malicieusement un extrait sans équivoque, avant de conclure que ces scènes « cochonnes » n'ont pas suffi à inspirer confiance à l'agence Fitch, qui vient de dégrader la note de fiabilité financière de la France sur les marchés internationaux. Ce qui fait ricaner les gens, outre le fait qu'il ait besoin d'écrire, c'est probablement le décalage entre son air sérieux et ses propos qui le sont un peu moins. On peut le comprendre.

Finalement, Bruno Le Maire, malgré son profil de premier de la classe, c'est peut-être notre Gérard de Villiers moderne. Peut-être retrouvera-t-il le ton décomplexé de la série SAS dans ses prochains ouvrages : « Alors, Malko, n'y tenant plus, déchargea en elle dans un râle de fauve blessé. » Déroute à Bakhmout ne sonnerait pas si mal. Imaginons.

« Comment comptez-vous être à Moscou avant l'hiver ? » murmura la troublante Irina dans un souffle rauque qui projeta la fumée de sa cigarette au visage de Bruno. En savourant sa septième vodka frappée dans le hall de l'hôtel Azov, le ministre de l'Économie, malgré l'importance de sa mission secrète, ne put s'empêcher de se dire, à la vue de la Russe aux yeux de feu, qu'il n'y avait pas que la table des négociations qui était grande ouverte. « Nous travaillons d'arrache-pied à vous faire rendre gorge, Irina », répliqua-t-il dans un sourire entendu, en jetant un regard aux jambes interminables de l'experte financière. L'idée de mettre l'économie russe à genoux ne lui était jamais apparue de manière aussi allégorique - et cette fois, ce ne serait pas Fitch qui lui mettrait une note. Il y avait des missions plus pénibles.

Ça ne réglerait pas le problème de la crise économique, mais ce serait toujours mieux que la collection Harlequin.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/05/2023 à 8:30.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

55 commentaires

  1. Bruno Lemaire ferait mieux de se retirer de la politique et surtout de ce gouvernement pour se consacrer à l’écriture de ses ouvrages. Être ministre c’est travailler au bon fonctionnement de son ministère et d’obtenir des résultats bénéfiques pour le peuple de son pays. Or tous nos ministres sont des valets soumis au bon vouloir d’un président narcissique qui n’aime pas les français et qui contribue à détruire notre pays dans tous les domaines. Les français souffrent.

  2. Bruno Le Maire a indiscutablement un certain talent pour l’écriture, qu’il s’agisse de littérature érotique ou non.
    Mais en quoi ce talent ou son agrégation de lettres le qualifiaient pour le Ministère de l’Economie ? Une formation de base en économie ou le simple bon sens l’auraient fait s’abstenir de croire (mais le croyait-il vraiment ?) que l’on allait mettre l’économie russe à genoux.

  3. Bruno Lemaire est toujours présenté comme un homme de lettres avant -peut être , d’être un homme politique. Depuis sa nomination , en 2017 à la tête d’un poste éminemment stratégique qu’est le Ministère de l’Economie et des Finances, il a écrit , à ma connaissance, 6 ouvrages; sa passion de l’écriture passerait elle avant celle des chiffres, on peut se le demander lorsque l’on voit l’état de nos finances .

  4. « Il aime l’art en général »… surtout celui de contribuer à couler l’économie du pays. Quant à l’érotisme, après la « torride et merveilleuse » Marlène Schiappa qui a déclenché un buzz mondial (y compris chez les Inuits, la Patagons et les Indiens Montanié du Québec en posant telle une déesse de grande banlieue dans Playboy, notre « premier de la classe » cherche à se reconvertir dans l’écriture de polar sulfureux. Suggestion de titres ; « La grande déconfiture de Marianne » – « Les territoires enflammés du 9-3 » – « Qui a volé les industries françaises ». Bon, l’érotisme là-dedans … !!!

  5. Combien de ministres des finances dans le monde trouvent le temps de publier un roman (érotique ?) durant l’exercice de leur fonction ? Les sujets de dette abyssale, de déficit du commerce extérieur record, de dépenses publiques les plus élevées dans le monde, de tiers-mondisation du pays, de degradation de la note Fitch …paraissent tout de même un peu derisoires à côté

  6. Affligeant ! c’est de mieux en mieux ! On a Macron qui aime courir le monde et faire la fête, on a dame Schiappa qui s’affiche dans playboy, à présent on a Bruno Le Maire dans l’EROTISME. Sexualité débridée là-aussi ? Se rappelle-t-il que le peuple ne le paie pas pour écrire des bouquins pendant le travail ? On le savait incompétent dans sa fonction lui aussi mais là, ça dépasse les bornes. Si rien ne va plus dans ce pays, on comprend pourquoi. Et toujours personne pour siffler la fin de la récré de ces pantins ? C’est désespérant.

  7. Le plus étonnant n’est pas que cet individu puisse écrire, et écrire des nouvelles à passages érotiques, beaucoup d’autres l’ont fait avant lui. Non le plus étonnant c’est que malgré sa lâcheté, sa turpitude et son mensonge vis-à-vis de ses électeurs, malgré son incapacité à gérer correctement le portefeuille qui lui est abusivement confié et sa suffisance arrogante dans ses communications avec les Français, le plus plus étonnant, dis-je, soit que quelqu’un de censé et réputé raisonnable puisse encore écrire et publier son éloge, ne serait-ce que dans BV. Désolant !

  8. Lemaire, « grand parleur, petit faiseur » ! Il est jalou de schiappa tout simplement. Tous des obsédés !
    Le plus dangereux dans cet article, ce ne sont pas les aventures intellectuelles de ces détraqués du fion, mais l’histoire de la dégradation de la notation de la France par l’agence de notation Fitch !
    Ca ne vous dit rien ? Macron en grande difficulté avec le dossier des retraites voit ses « amis » financiers voler à son secours. Après le retour de la bête immonde, le COVID, voilà une nouvelle version de la « gestion des foules » par la peur, la « dégradation financière » par des « diseurs de bonne aventures », des joueurs de boneto, mais la « dégradation financière », grace à qui ?!

  9. Il faut bien qu’il ait quelques talents, si ça peut faire oublier sa morgue et ses trahisons politiques.

  10. Ah, ce mythe de l’écrivain chez les politiques. Beaucoup y succombent. De Gaulle, Mitterand se rêvaient écrivains. Giscard l’a été, même si on s’est toujours demandé ce qu’il faisait à l’académie…Pour Le Maire, nous ne pouvons que souhaiter qu’il abandonne la politique pour se consacrer à l’écriture. Il sera nettement plus inoffensif.

  11. J’ai du mal à croire que ce cancre en économie ait quelques talents. L’instruction et les lettres n’engendrent pas forcement l’intelligence. En tout cas, si c’est bien lui qui a écrit ce récit porno graphique hyper glauque, il doit être drôlement frustré le Bruno. Manque d’affection ou de câlins, allez savoir.

  12. Quelqu’un pourra bientôt signer un livre intitulé : « Bruno Le Maire, ou l’exemple du drame de l’élite à la française. »
    Cet échec personnalisé par Bruno Le Maire, cet homme moulé par les Grandes Écoles et les Grands Corps de l’État, est synonyme d’un Grand Pays qui a perdu la tête, sa boussole, sa gloire et le respect qui lui était accordé par les Grands de ce Monde ainsi que par les Grandes Démocraties, elles-même complètement dégradées.
    Bruno Le Maire « EST » L’échec personnifié !
    La Russie remercie Bruno Le Maire, qui voulu la détruire, pour lui avoir permis, sans tirer un seul coup de feu sur ces démocraties, de créer un nouveau monde moins démocrate.

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