Benjamin Griveaux : esprit munichois, es-tu là ?

accords de Munich

Benjamin Griveaux aime à émailler ses propos de références historiques. Ça fait sans doute chic et cultivé. Ça espère, peut-être, aussi, donner un peu de profondeur tragique à la parole ministérielle, mais finalement, ça tourne à la farce. On se souvient qu’en novembre dernier, lors d’une matinale sur France Inter, le porte-parole du gouvernement avait prêté à Marc Bloch, l’auteur de L’Étrange défaite, l’expression "pays réel et pays légal". Pas de bol : la formule est de Charles Maurras, comme chacun sait. Il avait donné comme excuse qu’il n’était "pas réveillé" ce matin-là. Le café de France Inter doit être imbuvable, comme ses chroniqueurs.

Lundi, le secrétaire d’État a récidivé en évoquant "l’esprit munichois" et la "capitulation morale et intellectuelle" - rien que ça - des leaders de l’opposition. Selon lui, ils n’ont pas suffisamment condamné les violences commises en marge des manifestations de samedi dernier. Et condamner les violences tout en expliquant que le gouvernement fait tout pour attiser le feu, c’est sans doute déjà, quelque part, capituler, aux yeux de Benjamin Griveaux. Alors, répétez avec moi, tous en chœur : « Je condamne fermement les violences commises par les gilets jaunes et la réponse faite par le gouvernement à ces violences est la seule réponse possible. Christophe Castaner est le meilleur ministre de l’Intérieur que la France ait connu depuis Clemenceau. » D’ailleurs, certains responsables des LR se sont empressés de se plier à ces injonctions griveauliennes : Frédéric Sirgant , dans ces colonnes, nous l’a rappelé.

Mais, au fait, qu’est-ce que "l’esprit munichois" et l’expression est-elle bien adaptée à la situation actuelle ? Depuis cette rencontre du 29 septembre 1938 entre Hitler et Mussolini, d’une part, et Édouard Daladier et Neville Chamberlain, d’autre part, où ces derniers lâchèrent la Tchécoslovaquie face aux ambitions territoriales d’Hitler sur les Sudètes afin d’éviter la guerre, "l’esprit munichois" est devenu le synonyme d’abandon devant une menace étrangère et, au final, de lâche soulagement. On prêta à Churchill, qui n’était pas aux affaires, cette phrase : "Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre." Une phrase que le futur Premier n’aurait jamais prononcée mais qui résume bien la situation de l’époque.

Ce n’est pas la première fois qu’un homme politique issu de la gauche dénonce "l’esprit munichois", surtout pour attaquer la droite. En 2013, Harlem Désir le fit en critiquant la droite, partagée sur l’opportunité d’une intervention en Syrie, ce qui lui valut une levée de boucliers à l’UMP et même à l’UDI (propos "tout à fait indignes et scandaleux", avait alors déclaré le très modéré Jean-Louis Borloo). Amusant, cette manie de faire référence à Munich chez ceux, comme Griveaux, ancien du PS, qui sont quand même un peu les héritiers de cette gauche qui approuva majoritairement ces accords. La honte, peut-être, en lisant la déclaration de Léon Blum à la Chambre des députés : "Tout entier, le groupe participe aux sentiments qui animent d’ailleurs l’unanimité de la Chambre : une joie profonde quand il considère que le peuple de notre pays a été délivré d’une catastrophe dont l’imagination même ne parvient pas à se représenter l’horreur..." En tout cas, cette expression, utilisée à toutes les sauces, est bien commode pour disqualifier un adversaire politique par la fameuse reductio ad Hitlerum .

À toutes les sauces ? Car quel est le rapport entre la crise nationale des gilets jaunes et la crise internationale de 1938 ? S'il y a un "esprit munichois", c'est qu'il y a quelque part un Hitler qui rôde. Qui est-il ? Mais s’il faut chercher un "esprit munichois", n’est-ce pas plutôt du côté de ceux qui ont abandonné depuis longtemps toute idée de souveraineté nationale au profit d’une souveraineté européenne, au point d'en faire le cœur de leur projet politique ? "Esprit munichois" ? On pourrait plus justement faire appel à une autre référence historique : "Le parti de l’étranger".

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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