Anne Hidalgo entre en campagne en proposant de doubler le salaire des enseignants !

ANNE HIDALGO

S'il fallait affubler Anne Hidalgo d'une épithète homérique, on pourrait assurément la surnommer « la flambeuse ». Imaginez-la, sur ses affiches électorales, dans un casino au milieu des machines à sous, avec le slogan « Votez pour la flambeuse » ! La prétendante socialiste à l'Élysée ne vient-elle pas d'annoncer qu'elle juge possible de « multiplier par deux au moins » le salaire des enseignants ? Voilà, sans doute, de quoi attirer les chalands, susciter des vocations et rendre plus attrayant leur métier ! Blanquer, en comparaison, fait figure de pingre avec sa maigre « prime d'attractivité ».

Chacun comprend l'objectif de notre flambeuse, quand elle fait ces annonces : se mettre dans la poche l'électorat des professeurs qui, traditionnellement, votaient plutôt à gauche – encore que, paraît-il, un nombre croissant d'entre eux glissent dans les urnes un bulletin du Rassemblement national – mais commencent à se poser des questions. Bref, Anne Hidalgo tombe dans la démagogie, qui est la perversion ou la pente naturelle de la démocratie.

Les raisons ne manquent certes pas de revaloriser le traitement des professeurs. Ils sont parmi les moins payés dans les pays de l'OCDE et leurs conditions de travail sont loin de s'améliorer. En outre, sans entrer dans tous les détails, si l'on considère seulement qu'entre 2010 et 2020 le point d'indice n'a augmenté que de 1,2 % alors que l'inflation cumulée dépasse les 17 %, on mesure la perte de pouvoir d'achat qu'ils ont pu subir. Une revalorisation substantielle de leur traitement est donc légitime et renforcerait certainement l'attractivité d'un métier, qui n'est plus, comme l'écrivait Charles Péguy, « le plus beau métier du monde, après le métier de parent ».

Mais l'annonce d'Anne Hidalgo de multiplier par deux leur salaire est si irréaliste, si électoraliste, si démagogique qu'on ne peut la prendre au sérieux. Sans compter que cette mesure ne résoudrait en rien le problème de l'échec de la politique éducative de la France. Elle a même fait réagir Jean-Luc Mélenchon, à qui il arrive de dire des choses sensées quand il réfléchit. Le chef de file de La France insoumise, qui ambitionne d'être le leader de la gauche et entend dépasser le score de son ancien parti, a ainsi déclaré, dans un tweet : « Les profs apprécieront de savoir qu’ils sont coupables [du phénomène de décrochage scolaire] et que pour de l’argent ils feront mieux. »

S'il est indéniable que les professeurs doivent être mieux rémunérés, il est non moins évident qu'il faut aussi restaurer quelques principes que les gouvernements successifs, de gauche ou de droite, ont négligés, quand ils ne les ont pas volontairement jetés aux oubliettes : rétablir l'autorité du maître, remettre le savoir au centre du système éducatif, développer le sens de l'effort et de l'exigence, donner la possibilité à tous les élèves, quel que soit leur origine sociale et en fonction de leurs talents respectifs, de tendre vers l'excellence. C'est à ce prix, qui ne se mesure pas en euros, qu'on parviendra à recruter des professeurs qualifiés et motivés et à rehausser le niveau de l'enseignement.

En 1904, Charles Péguy tenait, dans un ouvrage intitulé Pour la rentrée, des propos que les candidats à la présidentielle feraient bien de relire : « Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement, elles sont des crises de vie. » Il avait compris ce qu'Anne Hidalgo et quelques autres n'ont manifestement pas compris : que toute crise de l’école renvoie à une crise, plus générale, de civilisation.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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