L’État vient d’être condamné à verser 96 euros pour indemniser les parents d’un collégien qui avait été privé de 96 heures de cours, du fait d’absences non remplacées de professeurs. Est-ce un problème si grave qu’il faille le judiciariser ?

Un rapport de la Cour des comptes, publié le 8 mars 2017, avait, une nouvelle fois, souligné les carences du ministère de l’Éducation nationale en matière de remplacements de courte durée (moins de quinze jours) en collège ou lycée : 5 à 20 % des absences sont remplacées, alors que 97 % des cas trouvent une solution au-delà de quinze jours.

Théoriquement, un décret de 2005 permet de recourir aux professeurs de l’établissement, payés en heures supplémentaires. Mais, dans la pratique, outre les réticences d’un grand nombre d’entre eux, l’administration peine à aménager les emplois du temps : l’enseignant volontaire n’est pas nécessairement libre aux heures où il doit suppléer un collègue absent.

Pour les remplacements de plus longue durée, on a recours à des titulaires sur zones de remplacement (TZR) ou des contractuels : ils ne sont pas assez nombreux et tous les besoins ne peuvent être satisfaits, surtout dans les disciplines déficitaires.

La Cour des comptes préconise donc d’instaurer une plus grande souplesse en annualisant le temps de service des professeurs, qui serait défini en nombre d’heures sur l’année, et non plus par semaine, tout en renforçant les prérogatives des proviseurs et principaux : la flexibilité appliquée à l’enseignement. L’école deviendrait une sorte d’entreprise.

Cette préconisation – qu’on peut lire dans beaucoup de rapports, mais qu’aucun ministre n’a osé mettre en œuvre – a surtout pour objectif de faire des économies et de transformer la manière d’enseigner. Dans un rapport de 2013, la même Cour des comptes reconnaît que "l'annualisation du temps de service conduirait à dégager d'importantes économies de postes. Cela faciliterait grandement l'organisation des activités scolaires, en particulier les remplacements."

Les chefs d’établissement pourraient ainsi moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves, en fonction de leurs besoins. Belle usine à gaz en perspective, quand on sait que tous n’ont pas les mêmes besoins. Bref, c’est une idée de technocrates, qui séduit surtout les adeptes d’un enseignement répondant plus à leurs choix idéologiques qu’à l’efficacité pédagogique.

Plutôt que de risquer de désorganiser encore plus l’enseignement, ne vaudrait-il pas mieux trouver des solutions qui permissent de diminuer le nombre d’absences ? De jouer sur les causes plutôt que de pallier les effets ? En effet, 80 % des absences non remplacées sont dues à des motifs institutionnels : participation à des jurys d’examens, formation continue, voyages scolaires… Le ministère ne pourrait-il pas y remédier, au moins partiellement ?

Pour assurer les remplacements, il faudrait certes augmenter le nombre de TZR, mais aussi inciter les professeurs à suppléer leurs collègues absents – ce qui implique notamment le rétablissement de la confiance entre la hiérarchie et les personnels, comme semble le souhaiter le nouveau ministre.

Il faudrait, enfin, relativiser le problème des absences non remplacées, qui touche davantage les zones prioritaires où l’enseignement est particulièrement éprouvant : c’est loin d’être, malheureusement, le plus grand mal dont souffre l’Éducation nationale. Bien plus : ceux qui protestent le plus contre ces non-remplacements sont souvent les mêmes qui soutiennent les lycéens « en grève », quand ils bloquent l’accès aux établissements.

Comme quoi, quand on parle d’enseignement, les arrière-pensées politiques ou budgétaires ne sont jamais loin.

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30 juillet 2017 à 23:07

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