À France Inter, la parole de Bernard Guetta était d’or ; son salaire aussi !

Bernard Guetta

Il est dangereux, pour la cohésion nationale, d'attiser la jalousie pour monter les Français les uns contre les autres, comme le fait le gouvernement à propos de la réforme des retraites. Il ferait mieux de dénoncer les rémunérations abusives de certains patrons du CAC 40 ou les avantages financiers dont semblent profiter quelques privilégiés. Le magazine Capital nous apprend ainsi que le chroniqueur vedette de France Inter, Bernard Guetta, touchait, avant de devenir député européen sur la liste Renaissance, un salaire que beaucoup de journalistes pourraient lui envier.

On ne lui reproche pas d'être passé par l'extrême gauche pour finir sous la bannière d'Emmanuel Macron : c'est un parcours classique pour nombre de soixante-huitards. On ne lui conteste pas, non plus, d'avoir toutes les qualités requises pour tenir, sur cette chaîne publique, une chronique géopolitique de trois minutes, de 1991 à 2018. Mais à quel prix ? Se fondant sur la déclaration d'intérêts qu'il a transmise à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en raison de son élection, Capital nous révèle qu'il touchait environ 123.000 euros bruts par an, soit 10.000 euros par mois. Comme il réalisait sa chronique cinq jours par semaine, il empochait donc 500 euros chaque fois qu'il prenait la parole sur France Inter. C'est bien cher la minute !

Apparemment, sa parole était d'or : « La rémunération accordée à Bernard Guetta peut surprendre mais elle correspond à sa compétence, sa notoriété, et son expérience », explique le service communication de la chaîne. Même son successeur, Pierre Haski, pourtant moins payé, reconnaît que cette chronique demande beaucoup de préparation : « C'est de fait un plein-temps ! Entre la veille d’actualités, les recherches, le choix du sujet et de son angle, j’y pense tout le temps, même quand je dors ! » Ah si, dans tous les métiers, ceux qui, en dehors de leurs heures de présence, pensent chez eux au travail du lendemain étaient aussi bien rémunérés, il n'y aurait plus de contestation sociale !

Dans ce cas précis, d'aucuns se diront que ce journaliste jouit de privilèges qu'on croyait abolis depuis la nuit du 4 août. Las ! Les privilèges de la noblesse, qui correspondaient à l'origine à des devoirs, ont été remplacés par les avantages attribués à une élite bien-pensante, d'un certain profil, baignant dans la sauce idéologique à la mode. On comprend que les rédacteurs en chef de Radio France, qui gagnent environ 5.000 euros bruts par mois, en aient gros sur la patate. Toujours selon Capital, même l’humoriste Guillaume Meurice, pourtant star de l’antenne, n'est payé que 250 euros bruts la chronique, soit un salaire mensuel d’environ 4.000 euros bruts.

Cette révélation est d'autant plus insupportable qu'elle intervient à un moment où le camp macronien, pris dans le piège de la réforme des retraites, ne parle que de justice et d'équité. Il faut croire, comme le montrait métaphoriquement George Orwell dans La Ferme des animaux, que « tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres ». Pour appartenir à la caste supérieure, il faut être bien vu et aller dans le sens du vent. On l'observe dans beaucoup de métiers, y compris au sommet de l'État : le mérite est aujourd'hui la chose du monde la moins partagée.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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