« Enc*** » ; « Va bouffer la b*** à Macron »… Nous sommes vendredi 6 décembre, à 5 h 30 du matin, à La Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Ces paroles infiniment délicates et pleines de bienveillance, cela va sans dire, s’adressent à un conducteur de tram. L’agent de la RATP, non gréviste, est sur les voies afin de dégager les poubelles et autres objets bloquant sa rame. Il est alors violemment pris à partie par un groupe d’individus présents sur place. L’un deux, toujours animé d’une même humanité, lui lance « T'as pas honte ? T'as pas honte ? » Un autre donne un coup de pied pour faire retomber une poubelle sur la voie pendant que ses complices lui assènent : « Ramasse ! » Évidemment, cette humiliation est filmée et virale sur les réseaux sociaux. Contactée par nos soins, la RATP « condamne fermement ce type de comportement » et déclare qu’elle a « porté plainte notamment pour entrave à la circulation et mise en danger des salariés et des voyageurs ». La réaction du secrétaire d’Etat chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, ne s’est pas fait attendre non plus : « Le droit de grève est évidemment respectable, mais nul gréviste ne peut empêcher un non-gréviste de faire son travail. »

Ligne 4, cette fois dans le métro. Les quais sont noirs de monde et la tension est plus que palpable. Les voyageurs se poussent et se bousculent pour parvenir à monter à bord. À tout prix. La grève et son animosité inhérente l’emportent définitivement sur la courtoisie : la petite dame, si aimable soit-elle, attendra désespérément de se frayer tant bien que mal une place, même debout et malgré sa canne… Constat similaire pour le réseau des bus puisque seul un tiers était en circulation en raison du blocage des dépôts par des grévistes. Pas mieux aux arrêts des tramways : « Ça pousse, ça hurle de rage, de peur et de douleur, même la conductrice s’égosille pour que les portes se ferment », raconte un usager du T3b, contraint de finir son déplacement à pied.

Le mot urbanité revêt deux significations qui n’ont jamais été aussi éloignées l’une de l’autre. Plus communément compris comme ce qui relève du caractère urbain, de la ville, il décrit aussi, et de façon plus littéraire, « la politesse où entrent affabilité naturelle et usage du monde ». Si la compassion est de rigueur envers les usagers et salariés non grévistes, victimes de ces tensions quotidiennes et dont les répercussions sont usantes, déplorons pour autant la déshumanisation de certains de nos compatriotes. Cela n’est pas sans rappeler la cohue indécente sur des pots de Nutella™, en promotion !

L’homme, quand il est centré sur lui-même, n’est pas forcément très beau à voir. À quelques jours de Noël, puissions-nous puiser au fond de nous-mêmes la force de supporter patiemment ces difficultés et retrouver un peu d’altruisme et de générosité.

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10 décembre 2019 à 15:55

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