Il est venu, il a été vu, il a convaincu

En franchissant le Rubicon, pour quitter les limites des terres progressistes et revenir en terre de droite, Laurent Wauquiez remet sa famille politique sur les rails de la reconstruction, et non de la réinvention chère à Mme Pécresse. "La droite est de retour", nous dit-il. Dans « L'Émission politique », jeudi soir sur France 2, il venait avant tout pour convaincre les sympathisants de cela.

Tout avait été construit pour faire dérailler la nouvelle locomotive de LR. Mais le manque de culture politique de la fière Léa l'a contrainte à employer un argument pitoyable pour se faire entendre : "Sauf mon respect, c'est les femmes qui décident ici !" Elle voulait donner ainsi le dernier mot à Alain Minc, qui peinait à rattacher les propos de Wauquiez à la pensée de l'extrême droite. Mais le nouveau patron de la droite en a décidé autrement.

Face à cette éminence grise des pouvoirs précédents, européiste, mondialiste et partisan d'un libre-échange sans limites, il défendait une position protectionniste de l'Europe en matière d'économie, et une Europe resserrée autour d'un pôle stable à douze. Alain Minc cite alors (approximativement) l'historien Marc Bloch, pour le confondre avec l'"en même temps" de Macron en réconciliant les visions de Jean Monnet et de Philippe Séguin sur l'Europe, et pour déstabiliser son adversaire : "Quiconque n'est pas ému par le sacre de Reims, quiconque n'est pas ému par la fête de la Fédération n'a rien compris à ce pays." Wauquiez lui répond : "Lorsque vous faites référence aux racines de notre histoire, c'est dans ce rôle que je vous préfère."

Malgré les efforts incessants de l'animatrice, et son parti pris, chaque interlocuteur a perdu son face-à-face.

François Lenglet, qui précédait Alain Minc, semblait amer après la conclusion de l'invité : "La réussite économique ne se construit pas sur l'abandon des classes moyennes et leur paupérisation."

Devant un migrant africain, Wauquiez aura le courage de lui faire dire : "Merci la France pour ce que vous avez fait pour moi." Car l'émotion que suscite évidemment chaque cas particulier ne suffit pas, pour un homme d'État, à résoudre le problème épineux de l'accueil des migrants.

Il a fait de même avec son interlocutrice homosexuelle, qui avait eu recours à la PMA pour avoir un enfant. Il n'était pas aisé de démontrer à une femme lesbienne, chrétienne de surcroît, dont on ne peut pas contester l'amour qu'elle et sa compagne donnent à l'enfant, que la PMA conduit à des dérives inacceptables en matière d'éthique. Elle faisait valoir son droit individuel (contestable) à l'enfant, il mettait en avant eugénisme et marchandisation du spermatozoïde.

À Houria Abdelouahed, psychanalyste, professeur à Paris VII, qui voudrait nous rendre responsables de la dérive intégriste de certains jeunes musulmans, il a demandé de nous rejoindre dans notre lutte contre le radicalisme.

Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, a rapidement compris qu'il ne ferait pas le poids, et n'a pas fait d'attaque trop frontale. Wauquiez lui a gentiment fait remarquer que faire les poches des gens modestes en 2018, tout en leur expliquant que dans trois ans leur pouvoir d'achat augmentera, n'était pas très honnête.

Nathalie Saint-Cricq, journaliste, nous a resservi l'éternelle assimilation de la droite à l'extrême droite. Les origines belges du président de LR ne lui semblaient pas très exotiques, dans un moment consacré à l'identité française. Ce dernier lui rétorque que ses origines tourangelles ne l'étaient pas plus que ses petites blagues belges.

Laurent Wauquiez ? Un homme politique qui défend les classes moyennes, qui se bat contre le gaspillage de la dépense publique, qui désire une immigration choisie, qui est pour la famille traditionnelle, pour l'identité française, pour une écologie de droite (par exemple, pour conserver notre volume d'électricité nucléaire actuel et investir dans la recherche et les énergies renouvelables), qui désire une Europe respectueuse des nations. Bref, un homme de droite.

50 % des téléspectateurs ont été convaincus, 61 % chez les électeurs du FN, 74 % chez ceux de LR.

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