De Gaulle avait qualifié Mai 68 de "chienlit". Nicolas Sarkozy, dans sa campagne de 2007, déclarait : "Dans cette élection, il s'agit de savoir si l'héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s'il doit être liquidé une bonne fois pour toutes." Cinq ans plus tard, François Hollande – faut-il s’en étonner ? – revendiquait cet héritage, saluant "les piétons de Mai 68, qui marchaient la tête dans les étoiles et avaient compris qu'il fallait changer" (pourquoi les métaphores passent-elles si mal quand on les associe à l’homme que des irrespectueux nommaient Flanby ?).

Voici que, selon le journal L’Opinion, Emmanuel Macron, qui, né en 1977, n’était même pas en couche-culotte à l’époque, envisagerait de commémorer Mai 68, en 2018. Un cinquantenaire, ça se fête, n’est-ce pas ? Des proches du chef de l’État, comme Daniel Cohn-Bendit, seraient associés à sa préparation. C’est que, malgré sa tenue débraillée et sa gouaille habituelle, le porte-parole du mouvement du 22 mars est devenu un personnage incontournable que l’on s’arrache dans les salons bobos et les plateaux de télévision.

Suggérons-lui, s’il n’y pense pas, de s’adjoindre aussi Alain Geismar, un autre leader de 68 qui a troqué l’habit de révolutionnaire contre l’habit de mandarin. Après avoir quitté ses camarades maoïstes, il devint un réformiste bon teint, fréquentant les cabinets des ministres et des politiciens comme Claude Allègre, Bertrand Delanoë ou Dominique Strauss-Kahn, dont il fit la campagne avortée. Summum de la gloire, il fut nommé inspecteur général de l’Éducation nationale. Un bel exemple qui montre que la révolution mène à tout !

Le président de la République voudrait sortir du « discours maussade » sur ces événements qui – sachez-le, si vous en doutiez – ont contribué à la modernisation de la société française, en la rendant plus libérale. Imaginez l’hôte de l’Élysée dressant une barricade au Quartier latin, jetant des pavés sur les policiers, traitant les CRS de SS, tronçonnant les arbres, brûlant des voitures. Ce n’est pas une hypothèse absurde, si l’on se souvient que Mai 68 fut une révolution bourgeoise, d’une jeunesse transgressive qui aspirait, dans tous les domaines, à plus de liberté.

Mai 68 est un mythe auquel chacun se réfère, soit pour le sublimer, soit pour en déplorer les conséquences. Emmanuel Macron fera-t-il partie de ses laudateurs enthousiastes, lui qui prône le changement et la transformation radicale du pays ?

En janvier 1968, l’étudiant Daniel Cohn-Bendit interpelle le ministre de la Jeunesse et des Sports sur la mixité des dortoirs de la résidence universitaire de Nanterre : "Si vous avez des problèmes sexuels, allez-vous tremper dans l’eau froide !" lui répond le ministre du tac au tac. Au-delà de cette anecdote, Mai 68 est, avant tout, un mouvement de libération des mœurs, de la sexualité, un rejet de la culture, une critique de l’autorité.

On en observe encore les séquelles dans l’enseignement : contestation de l’autorité du maître et du savoir, suppression de la notation pour ne pas traumatiser les élèves, fin des classements et des compositions trimestrielles. Un progrès pour les uns. Une régression pour les autres. Le domaine économique n’est pas épargné : certains voient, dans le déclin des valeurs traditionnelles, la porte ouverte aux excès de la marchandisation du monde.

On comprend, dans ces conditions, qu’Emmanuel Macron ait envie de commémorer Mai 68 : s’il n’en partage probablement pas la violence, il doit se sentir à l’aise avec ses orientations libertaires. C’est sans doute aussi, pour celui qui est considéré comme le Président des riches, une occasion de montrer qu’« en même temps », il penche pour le peuple. Comme si Mai 68 avait été une révolution populaire !

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19 octobre 2017 à 15:00

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