Dans la vie d’un journaliste, tout arrive. Même d’écrire du bien de Cyril Hanouna ; c’est dire les affres de la profession. Ce jeudi 16 décembre, ce dernier recevait Éric Zemmour sur C8, dans son émission « Face à Baba ». Autant dire qu’on traîne des pieds pour se vautrer dans le canapé, la soirée s’annonçant longue, commençant à 21 heures pour s’achever à plus de minuit.

En ce genre de circonstances, toujours se rappeler les mots d’Hubert Védrine dans la Revue des deux mondes, millésime juillet-août 2014, saluant en ces termes la mémoire de l’ancien journaliste devenu écrivain, Gérard de Villiers, le père de SAS : « Il voulait toujours comprendre sans jamais chercher à juger, à l’inverse de tant de ses confrères. » Allons-y donc pour Cyril Hanouna, alias « Baba ».

De lui, on se souvient des débuts de son émission, « Touche pas à mon poste ! », Himalaya de vulgarité avec lancer de nouilles dans le slip des invités. Pauvre France, comme aurait dit l’irremplaçable Jean Cau, dans sa pièce éponyme. Puis, on se ravise. Après tout, Joseph Pujol, dit le Pétomane, ne fut-il pas l’artiste le mieux payé de France, de 1890 à 1894, allant jusqu’à toucher le double des cachets de Sarah Bernhardt, qui n’était pourtant pas connue pour jouer au chapeau ?

Et puis, les gens ont le droit de changer et le Cyril Hanouna d’aujourd’hui n’est peut-être plus tout à fait celui d’hier. D’entrée de jeu, on voit qu’il n’est pas issu d’une école de journalisme ; ce qui est plutôt un bon point.

La preuve en est que notre amuseur est courtois d’entrée ; ce qui était naguère la règle, mais depuis devenu exception télévisuelle. Mieux : devant le débat qui s’annonce, bien malin qui pourrait dire s’il est zemmouro-compatible ou anti-zemmourien à front de veau. Soit tout l’art, pour un commentateur politique, de bien faire son boulot, contrairement au Gilles de TF1

Au crédit de « Baba », reconnaissons-lui, de plus, un indéniable flair. En effet, la France d’en bas, il la comprend tôt ; par instinct ou calcul, peu importe. D’où un TPMP qui est l’une des premières émissions à inviter les gilets jaunes à s’exprimer à heure de grande écoute, tout en ouvrant son plateau aux militants identitaires et à des lepénistes tels que Jean Messiha, même si désormais passé du côté obscur de la force zemmourienne.

Certes, la contradiction n’y était pas toujours des plus élégantes, tel qu’en témoigne celle du rappeur Booba. Mais au moins Cyril Hanouna « faisait-il le job », comme disent les crétins. Ce qui s’est d’ailleurs vérifié tout au long de cette interminable soirée, notre homme parvenant même à calmer l’antispéciste Aymeric Caron et Élisabeth Moreno, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Pour le premier, les scolopendres sont des êtres humains comme les autres ; une façon comme une autre de voir la vie. Quant à la seconde, sachant l’étendue de ses fonctions ministérielles, au moins doit-elle faire vivre les imprimeurs, obligés de lui sortir des cartes de visite au format XXXL.

Quand l’exercice touche enfin à sa fin, deux réflexions s’imposent.

D’un côté, Éric Zemmour conserve un calme olympien devant tant de sottises et de niaiseries proférées à flux tendu. De l’autre, Cyril Hanouna pourrait plus qu’en remontrer, en matière de bienveillance, à ses confrères de France Inter. Car si, d’un côté, l’élégance humaniste et la déontologie journalistique sont incarnées par Patrick Cohen, Nicolas Demorand et Charline Vanhoenacker, autant opter pour le « lancer de nouilles dans le slip » plus haut évoqué. Voilà qui n’est sûrement pas satisfaisant pour l’esprit, mais ainsi va le monde.

Et c’est pour cela que Cyril Hanouna est grand, comme aurait probablement conclu le regretté Alexandre Vialatte.

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17 décembre 2021 à 17:30

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