Il est clair que Xavier Bertrand a déserté la modestie ostensible qui lui servait de paravent.

Cette retenue purement tactique a été longtemps la sienne quand, se campant comme adversaire déterminé des jeux partisans traditionnels, il a fui les médias et s'est affirmé comme le défenseur de sa région à la tête de laquelle il avait été élu avec le concours de la gauche contre le FN, alors battu largement au second tour.

Je n'ai pas forcément apprécié la manière dont il a exploité cette victoire en s'acharnant systématiquement contre l'extrémisme de droite, donnant parfois l'impression qu'il jetait ses électeurs en même temps que son appareil officiel.

Ensuite, il y a eu le temps du "faiseux" qu'il opposait aux "diseux" avec une multitude de démarches, d'actions, d'interventions qui, toutes, n'avaient pour seule finalité que de créer de l'emploi, de faire sortir du chômage et de susciter un nouvel élan dans une région qui se sentait abandonnée, presque désespérée.

Prise en charge sur un mode qui lui a redonné confiance en elle-même. Rien n'est gagné mais il y a du mieux.

Est-ce que, fort de cette embellie globale et d'un bilan déjà consistant, Xavier Bertrand considère que le moment est venu pour s'avancer plus nettement, plus avant dans le débat national ? Sans doute.

En tout cas, il est clair qu'il a changé de braquet et de registre.

D'abord, non seulement il est passé de "Macron-compatible" à "Macron-divergent", mais la dureté de son verbe et de ses critiques ne manque pas d'étonner. À l'évidence, il ne retient plus ses coups, aussi bien quand il dénonce les erreurs de cette première année que lorsqu'il pourfend l'indifférence à l'égard des "milieux de cordée" ou qu'il stigmatise "ce pays gouverné à deux, Macron-Kohler, Kohler-Macron".

Au-delà de ces charges qui, somme toute, sans être banales, ne le distingueraient pas des opposants classiques de droite, il développe une analyse intéressante sur l'exigence du rassemblement. "Le vrai danger pour la droite, ce n'est pas le rétrécissement mais l'isolement... Quand vous ne pouvez plus nouer la moindre alliance si ce n'est à la droite de la droite, c'est terminé. Vous n'êtes plus un parti de gouvernement. Et c'est ce qui est clairement posé maintenant."

Le point de vue de Xavier Bertrand est pertinent et ne s'inscrit absolument pas dans la perspective même lointaine d'une union des droites.

Il dévoile son jeu et son je qui dépassent la pure ambition régionale, avec quelque énergie qu'il la serve, en énonçant quasiment un programme présidentiel fondé sur quatre axes : un État efficace sur le plan régalien, un État stratège en matière économique et industrielle, un État garant sur la santé et la protection sociale et, enfin, un État partenaire des entreprises et des collectivités locales.

Si tout est pesé, tout n'est pas forcément neuf dans ces lignes directrices. L'important est que, pour la première fois, Xavier Bertrand les énonce et qu'elles n'ont pas seulement pour vocation de "booster" les Hauts-de-France mais la France, le moment venu.

Depuis longtemps, on ne rit plus de Xavier Bertrand. Le "Petit Chose", depuis des lustres, a fait sa mue. Il n'est plus seulement ce pragmatique s'efforçant de fuir les idées générales et les concepts abstraits. Il ne parvient plus à se cacher derrière son apparente discrétion. Sa région est un socle, son terreau, sa chance et sa preuve. Toujours faiseux, certes, mais plus seulement. Il va falloir compter avec lui demain à droite, mais sa droite ne sera "ni revancharde ni caricaturale ni agressive".

Si tout le monde ne croit pas en lui, pour lui c'est fait.

Si je ne me trompe c'est une déclaration de candidature mais sans date.

Extrait de Justice au Singulier

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10 juillet 2018 à 13:49