Clausewitz disait qu’en guerre, tout est simple, mais le plus simple est difficile. Force est de constater que l’apparente simplicité de la guerre en Ukraine cache une réalité bien complexe. Entre l’opacité des intentions russes, les gesticulations incessantes d’une classe politique et les grands discours aux accents alarmistes, ce conflit suscite un déchaînement des passions.

À l’heure des incertitudes et des réactions à chaud, des déclarations manipulées et manipulatrices, il est sage de prendre du recul, de remonter le fil de l’histoire et de s'interroger sur les origines du drame. Qui l’imagina ? Le pensa ? Le provoqua ? Et qui, à terme, en profitera ? Passé outre l'hystérie collective, lorsque la raison reprend ses droits, on s'aperçoit qu’un responsable se démarque, un pays tant vanté, qui fut de toutes les guerres, de tous les conflits et de tous les intérêts, notre maître à tous : l'Amérique.

S’il y a bien une constante, chez les peuples anglo-saxons, c’est leur talent inné pour inciter les autres à se battre pour eux. Ce conflit, comme tant d’autres par le passé, en est la preuve. Bien que les affrontements engagent des soldats russes contre des soldats ukrainiens, cette guerre n’est pas celle d’une Russie contre l’Ukraine, mais bien de la Russie contre les États-Unis. Ne pouvant tolérer un rapprochement entre l’Europe et son voisin russe, Washington chercha par tous les moyens à diviser pour mieux régner - mission accomplie au-delà de toute espérance. Sans surprise, cette guerre n’est que l'apothéose de trente ans d'ingérence et de manipulations. La transformation de l’OTAN en machine de guerre, son expansion au sein des anciennes républiques soviétiques et les intérêts économiques toujours plus présents ont fait de l’Europe de l’Est une zone d’influence occidentale et de l’Ukraine un protectorat. Cette guerre n'est pas un conflit existentiel entre la lumière et l'obscurité, entre la démocratie et la dictature, elle n’est que l'héritière des conflits du siècle passé, qu’un énième épisode dans cette grande saga qui dure depuis cent ans et qu’un prétexte pour conserver ce qui est vraiment en jeu : la suprématie américaine.

Le grand génie américain est d’avoir compris que l'hégémonie ne passait pas par un usage brutal de la force mais bien par un usage habile de la faiblesse. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe affaiblie vit dans les États-Unis son sauveur qui, armé de la machine de propagande la plus performante de tous les temps, s'efforça de cultiver cette faiblesse jusqu'à l’assistanat. Seul le général de Gaulle comprit ce stratagème et refusa cette soumission à l'empire ; malheureusement, il fut bien seul et l’arc anglo-saxon s’engouffra, comme un seul homme, dans la vassalité pleine et entière. Depuis lors, avec la chute du mur de Berlin, ce mécanisme s’accéléra et les vassalisés, en compagnie d’une France perdue, vassalisèrent à leur tour. L’empire a parlé, l’intendance a suivi. Nous devons nous extirper de cette servitude et perpétuer la grande tradition gaullienne du non-alignement. Jacques Chirac l’a compris avec l’Irak en 2003, Nicolas Sarkozy avec la Géorgie en 2008, Emmanuel Macron doit le comprendre aujourd’hui. La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Il faut avoir le courage de faire résonner la voix de son Histoire, l’audace de rester imperméable aux influences et l'intelligence d’adopter une posture de médiateur et non d’agitateur.

Trop de politiques, enivrés par leur illusion de prépondérance, se déguisent en chefs de guerre, satisfaits d’enfin utiliser le dernier levier d'autorité encore en leurs mains : la force. Voulant se rassurer sur leur capacité à exercer le pouvoir, ils finissent par en abuser ; leur hubris, voilà notre perte.

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15 mars 2022 à 20:00

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43 commentaires

  1. ces américains sont les incendier du monde partout ou ils passent ils allument les mèches et se sauvent

  2. L’UE n’est pas indépendante, elle est de plus en plus soumise à l’Amérique nous serons bientôt des étoiles sur leur drapeaux. Et cette escroquerie dure depuis ma naissance.

  3. Si l’Europe n’était pas à la botte des Etats Unis, et de la marionnette bidon qui est soit disant président, cette guerre n’aurait pas eu lieu. Depuis des décennies, Angleterre et France se disputent la place de tout des Etats unis et qui en profite ? Ben voyons, toujours les Etats unis avec la complicité des pays européens d’ailleurs ; il n’y a qu’à voir à qui l’Allemagne achète ses avions !

  4. TOus ces vaillants guerriers qui se sacrifient pour défendre la cause de l’Ukraine défendent en fait l’hégémonie USA. Dans ce monde aux valeurs inversées; les jeunes hommes se trompent même sur leur sacrifice ultime!

  5. Et en plus se gausser d’avoir réussi une révolution aux portes de l’ennemi piétiné. Quand on réussit un mauvais coup, on la ferme. Surtout si la victime est impossible à écraser.

  6. Macron doit comprendre ,il a bien compris, puisqu’il a vendu Alstom aux USA nous rendant par la même dépendant de ceux ci ,je ne pense pas qu’il fera quoi que se soit pour nous sortir de cette dépendance .

    1. vente d’Alstom aux USA et combien de dividende reçu????il faudrait aussi se pencher sur ce problème

    2. Lui comme Zelenski, ne sont que les valets de l’Amérique et j’aimerai connaître les sommes que l’Oncle Sam leur distribuent pour les faire taire.

  7. Très bonne analyse. Le combat pour une « colonie » (l’Ukraine) qui s’ignore.

  8. C’est une bonne analyse. Cette guerre n’est pas une guerre opposant la Russie à l’Ukraine mais une guerre opposant l’empire libéral qui veut détruire les nations et une nation qui ne veut pas disparaître. Dans cette histoire la défense des libertés de la nation ukrainienne n’est qu’un prétexte puisque l’empire déteste les nations et broierait cette nation comme il broie toutes les autres. L’alignement des partisans de l’indépendance nationale sur la position de l’empire est consternant.

  9. Il n’y a aucune opacité dans les intentions russes.
    C’est clair, Poutine veut rendre à son pays la zone de sécurité que les USA, les vrais boss de l’OTAN, se sont ingéniés à lui dénier depuis l’effondrement de L’URSS.
    Ils ont tellement bien manigancé les américains, qu’ils viennent de se mettre à dos les dirigeants les plus importants de la planète.
    Exemple, l’Arabie Saoudite va vendre son pétrole à la Chine payable en Yuán, ce qui sonne la fin du pétrodollars !
    « Well done yankees! »

  10. Question : Quelle guerre a été gagnée par les USA depuis 1945 ? Cuba: Fiasco, Vietnam: Fiasco, Irak: Fiasco, Syrie: Fiasco, Ingérences en Amérique du sud: Fiasco Afghanistan : cuisante défaite !! la limite du texte m’oblige à arrêter le massacre. Non, les USA qui se veulent « les gendarmes du monde », ne sont que des emmerdeurs pour le reste du monde.

      1. Entièrement d’accord. Stratégie basée sur l’économie, donc le pétrole, et le bien-être de Wall Street.

  11. Enfin un très bon billet. Court, lucide, belle plume jouissive -« S’il y a bien une constante, chez les peuples anglo-saxons, c’est leur talent inné pour inciter les autres à se battre pour eux. » Juste une remarque – « Emmanuel Macron doit le comprendre aujourd’hui ». Monsieur de Lancastre, notre Jupiter n’a rien à comprendre ce n’est pas son modus vivendi. Je comprends bien que la conclusion est écrite à son attention, mais laissons tomber nos espoirs, ils ne suivra pas vos sages conseils. Hélas!

  12. Très bon article qui remet les pendules à l’heure. Nous qui possedons encore la mémoire nous pouvons justifier cette réalité hitorique manipulée . Nous avons vu les soldats Russes arriver dans l’est de la France , et la débandade des soldats Allemands paniqués cherchant des bicyclettes jusque dans les greniers des habitations ces sont des faits que l’on ne peut oublier .

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