Vaccin Spoutnik : les états d’âme de l’Union Européenne…

vaccin russe Sputnik

Avec le vaccin russe Spoutnik, l’Union européenne est entrée dans un de ces psychodrames dont elle a le secret, à moins que ce ne soit un vaudeville. Malgré le double salchow du Lancet sur le remdesivir au printemps dernier, la revue-phare du monde médical n’en conserve pas moins une crédibilité suffisante pour convaincre quand son étude conclut à 92 % d’efficacité, et sans effets secondaires notables.

C’est ainsi que, le 3 février, notre ministre des Affaires étrangères déclarait : « Si le vaccin russe Spoutnik V est validé par l’Agence européenne du médicament (EMA) et la Haute Autorité de santé française [et] s’il correspond aux normes scientifiques et aux exigences de robustesse et de contrôle qui s’imposent en Europe, le vaccin pourra donc être injecté à des citoyens français. » Attitude logique et, d’ailleurs, suivie par d’autres pays européens, l’Allemagne se proposant même de produire Spoutnik sur son sol.

Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes quand… Navalny vint !

Même mollement soutenu par la masse des Russes, l’opposant à Poutine ravive alors par son sort la méfiance séculaire des Polonais et des Hongrois vis-à-vis de l’ancien « grand frère » ; tandis que dans les démocraties « éclairées » de l’Ouest européen où, quoique avec de notables exceptions, le droitdelhommisme a depuis longtemps succédé à la realpolitik, on prend des mines effarouchées.

Voici qu’on se souvient tout d’un coup que l’Union européenne est fâchée contre la Russie et que des sanctions sont en cours depuis 2014, suite à la crise ukrainienne et à l’annexion de la Crimée. Tout soudain, l’obtention du vaccin Spoutnik n’est plus une priorité, et on se rappelle que « pour faire partie du programme de vaccination de l’Union européenne, les fabricants doivent avoir des capacités de production sur le territoire de l’Union européenne [et que] pour l’heure, ils sont tous produits en Russie ».

Alors, on arrête tout ? Eh bien, pas vraiment…

Pour la coalition au pouvoir en Pologne, « il ne faut pas faire de lien entre les sujets. Sauver des vies n’empêche pas de continuer de demander des sanctions pour la Russie. » Pas facile de concilier la koza et le kapusta (en français, la chèvre et le chou.)

Et au siège de l’Union européenne, un membre du groupe parlementaire Renew (centriste libéral) avoue : « Les discussions du groupe se concluent invariablement sur la nécessité d’être rationnel et de rester dans le registre sanitaire. Même les plus antirusses s’y résolvent. »

Les choses devraient donc finir par s’arranger, mais par une petite pirouette, puisqu’il semble que le dossier de candidature de Spoutnik n’ait pas été présenté à l’Agence européenne du médicament, mais seulement au Heads of Medicines Agencies, simple coordonnateur des 27 agences du médicament nationales. Ce qui donnera l’occasion de vérifier une des règles non écrites de l’Union européenne : « On est très unis, mais chacun fait comme il veut... »

De toute façon, on devine qu’avec la proverbiale célérité de nos administrations, il s’écoulera encore beaucoup de sérum dans les tubulures de nos services de réanimation avant que ce Spoutnik-là ne soit mis en orbite chez nous…

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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