[UNE PROF EN FRANCE] Le rayon de soleil dont on a besoin

Mon rayon de soleil a été la comédie musicale offerte par des élèves du Sénevé, à Castres, pour les dix ans de l'école.
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Quand on est prêt à désespérer, on assiste souvent à une scène qui nous redonne espoir.
Je pensais consacrer cette chronique aux traditionnelles perles du brevet, mais ce que j’ai vécu vendredi soir a bouleversé mes plans. Je ne résiste pas à l’envie de le partager avec vous. On a tous besoin de petits rayons de soleil. Mon rayon de soleil, cela a été la comédie musicale offerte au public par des élèves du Sénevé, à Castres, à l’occasion des dix ans de l’école. Le Sénevé est une école-collège hors contrat qui accueille en son sein une maîtrise, c’est-à-dire une école en horaires aménagés réunissant des enfants autour de l’exigence et de l’harmonie du chant choral.
Comme le rappelle le site de la maîtrise, « pour les chanteurs, âgés de 8 à 15 ans, le chœur est un lieu de croissance humaine, artistique et spirituelle ». Et la création de cette comédie musicale fut une belle aventure humaine et une vraie réussite éducative.

La synthèse de l'exigence et de la joie

Le lieu était déjà exceptionnel. Les enfants se sont produits dans l’ancien théâtre de l’abbaye-école de Sorèze, un bâtiment remarquable d’élégance et de grandeur, qui rappelle combien l’éducation des petits d’homme est chose digne et noble.
Le livret comme une partie des musiques étaient des créations originales, et nous pouvons saluer l’incroyable talent et l’inventivité du chef de chœur, Cécile Nougayrède, qui a mené ce projet avec un professionnalisme qui n’a d’égal que sa générosité.
Ode joyeuse à la lecture et à l’univers enchanteur de la littérature, hymne à la vie et au partage, célébration de la musique et de l’harmonie des cœurs par laquelle chacun trouve sa place malgré les différences, ce spectacle fut surtout la révélation de ce que l’on peut obtenir des enfants lorsqu’on leur propose un défi, qu’on les dirige avec rigueur, fermeté et bienveillance, et qu’on établit avec eux une vraie et saine relation de confiance.
Pas de choses mièvres comme dans les habituels spectacles scolaires, où l’hypocrisie et l’impéritie marchent main dans la main pour le supplice du public. Mais du travail, de la précision, de la concentration, de l’exigence, enrobés de gaîté, de fraîcheur et d’énergie.

Rien n'est perdu tant qu'il y aura des passeurs

Nous avons vu défiler les personnages de notre enfance : un Harpagon truculent, une Bonnemine rayonnante, un Astérix jovial et farouche à la fois, une fière Andromaque, un irrésistible La Fontaine, de malicieuses Petites Filles modèles… et tant d’autres qui nous ont emmenés avec eux dans un tourbillon faisant alterner répliques célèbres et chansons.

Si je vous dis « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! », vous repensez à tous les Cyrano que vous avez vus, Gérard Philipe, Denis Podalydès, Gérard Depardieu, Jean Piat, Jacques Weber… Mais vous devriez pouvoir y ajouter un petit jeune homme. Pas bien grand. Pas bien gros. Pas bien impressionnant, à première vue. Et puis il se met à bouger, avec aisance, avec fluidité, avec une réelle maîtrise de son corps et de ce qui s’en dégage. Et surtout, il se met à parler. Dans la voix, de la force et de la précision, de l’énergie et de la conviction. C’est juste, c’est drôle, c’est touchant. C’est donc très impressionnant, à la fois parce que l’on sent derrière un talent naturel qu’il va falloir faire fructifier et que l’on perçoit tout le travail accompli en amont par ce jeune garçon mais aussi par les adultes qui l’ont entouré, accompagné, formé pendant de longs mois.

Alors, on reprend espoir. On se dit que l’humanité est belle et riche, qu’elle produit autant de grandes choses qu’elle en détruit, et que rien n’est perdu tant qu’il y aura des passeurs pour transmettre l’art et la culture, et des enfants pour les recevoir.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

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