[Tribune] Ukraine : un désastre européen

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Vladimir Poutine a passé le Rubicon. Envahir l’Ukraine est une violation injustifiable de toutes les règles du droit international. C’est une faute dont les effets se retourneront contre lui. Cette invasion fortifiera le sentiment national d’un pays qui fut pourtant le berceau de l’Histoire politique et spirituelle de la Russie. De surcroît, l’attaque redonne vie à une OTAN dont Emmanuel Macron déclarait qu’elle était « en état de mort cérébrale ». Mais, pour l’heure, le peuple ukrainien fait les frais du terrible rapport de force géopolitique dont leur terre est l’enjeu.

Cette guerre est la conséquence de trente années d’erreurs politiques de la Russie, des États-Unis et de l’Union européenne. De duperies et de non-respect de la parole donnée aussi.

La cause première réside dans les conditions de l’effondrement de l’URSS que Boris Eltsine n’a pas maîtrisées. La réorganisation de l’ex-empire s’est faite dans le chaos, la mise en coupe réglée de l’économie et la souffrance du peuple. Sans que soit inventé un système institutionnel qui garantisse la stabilité du pays dans une relation paisible avec les anciennes républiques sœurs. Les Russes en portent la responsabilité.

Mais en second lieu, les Occidentaux n’ont pas compris que la Russie n’était plus l’Union soviétique et qu’il fallait la traiter en allié potentiel et non en menace. Les ouvertures faites à l’Occident, y compris par Poutine, ont été repoussées avec dédain et la Russie traitée avec condescendance, comme s’il fallait lui faire payer la crainte que l’URSS avait suscitée.

Le troisième élément essentiel a été le non-respect de la parole donnée à Gorbatchev lorsqu’il a accepté la réunification de l’Allemagne et le démantèlement du rideau de fer. La condition posée aux Américains avait été que l’OTAN n’avance pas vers la Russie. On sait ce qu’il en a été. Les dirigeants occidentaux n’ont pas pris la mesure du ressentiment russe et oublié à quel point, maintes fois envahis, les Russes craignent l’encerclement.

Quatrième point, les États-Unis n’ont cessé de déstabiliser le voisinage proche de la Russie en y organisant et en finançant les révolutions dites de couleur, en Géorgie comme en Ukraine. Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe et l’Eurasie, s’était félicitée d’avoir dépensé un milliard de dollars pour réussir le coup d’État qui renversa Ianoukovytch. En proposant un contrat d’association à l’Ukraine, l’Union européenne avait envenimé la situation. Attitudes risquées car une diplomatie prudente exige la compréhension des ressorts de l’adversaire potentiel.

Aujourd’hui, l’Ukraine doit faire face à une invasion brutale. Quelles que soient les erreurs passées, Poutine est évidemment coupable de cette agression, mais les États-Unis portent une grande part de responsabilité. Le drame ukrainien démontre aussi que le rêve français d’une « Europe puissance » n’est qu’un songe creux. La plupart des États membres n’en veulent pas et se trouvent très bien dans la dépendance et sous protection américaines. Le seul problème est que les intérêts américains ne sont pas les intérêts européens.

Biden, en indiquant qu’il n’y aurait pas d’intervention militaire des États-Unis, laisse les Ukrainiens seuls face aux troupes russes. L’Union européenne qui n’a ni volonté ni puissance militaire, se bornera à des sanctions économique et des livraisons d’armes qui n’inquiètent guère le maître du Kremlin. Après avoir bercé l’Ukraine d’illusions, leur attitude est d’un cynisme confondant alors que le président Zelinsky fait preuve d’un courage et d’un calme remarquables.

La question qui se pose à nous, c’est de savoir si nous pourrons obtenir par voie diplomatique la désescalade et le retrait des troupes russes d’Ukraine.

Cette invasion est un drame pour l’Ukraine, une faute pour la Russie qui en pâtira. Mais c’est, objectivement, un désastre politique pour l’Union européenne qui, une fois encore, a fait la preuve de son incapacité à conjurer un conflit en Europe. La seule voie intelligente pour l’Union serait une volonté de puissance autonome, mais elle est rejetée par tous. Emmanuel Macron, qui parle de souveraineté pour l’Ukraine, n’a cessé, comme ses prédécesseurs, de brader la souveraineté française au profit d’une Union européenne qui est un nain diplomatique et militaire. Or, la souveraineté est la liberté des nations et la puissance diplomatique et militaire sa garantie.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

34 commentaires

  1. non non mr Buffetaut …la responsabilité incombe essentiellement aux usa , avec leur acharnement à pousser toujours plus à l’est l’otan , et leur entêtement à empêcher une entente entre l’ue et la Russie depuis la fin de l’urss ; de plus l’otan présenté comme un système de défense est en fait utilisé pour attaquer comme on l’a vu notamment honteusement en Lybie et contre la Serbie au Kosovo ; Mr Poutine a été très patient et même crédule ; il siffle la fin de la récréation ; bravo.

  2. Une belle synthèse des responsabilités. quelques bémols : la population russe est nombreuse en Ukraine et à part à la partie occidentale, je ne suis pas sure que les ukrainiens soient contre Moscou. N’oublions pas que Kiev à l’origine fut la capitale de la Russie. Autre bémol, qui est vraiment Zelinsky ? un président élu suite à un coup d’état ? un pantin ? le pouvoir ukrainien est reconnu comme totalement corrompu, et l’Ukraine, un pays de blanchissement d’argent et de multiples trafics.

  3. Eric Zemmour a envoyé une lettre au Président Macron pour l’inciter à envoyer deux médiateurs: Messieurs Sarkozy et Védrine.

  4. Excellent article dont le mérite est d’exposer à la fois l’historique de la confrontation, et les nuisances des acteurs officiellement en charge des politiques extérieures aux deux pays dont ils ont sciemment sacrifié l’autonomie et les interêts essentiels

    Il est temps que les peuples européens reprennent en mains leurs destins

  5. Cet article est pitoyablement aligné sur la pensée unique du moment.Il occulte le fait fondamental du problème qu’est la violation des sages et réalistes accords de Minsk de 2014-15 entre Européens, Ukrainiens et Russes. Arcboutés sur leur nostalgie de la guerre froide, les Américains les ont torpillés, sans la moindre opposition de leurs affidés européens signataires, Là se trouve la cause première de la crise en cours. Pour sauver la paix, il importe de revenir aux accords signés.

  6. Cet article est pitoyablement aligné sur la pensée unique du moment. Il occulte le fait fondamental du problème: la violation des sages accords de paix de Minsk de 2014-15 entre Européens et Russes. Arcboutés dans leur interminable guerre froide, les Américains les ont sabotés, sans la moindre objection de leurs affidés européens signataires, devenus petits télégraphistes russophobes. Là se trouve la cause première de la dangereuse situation actuelle.

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