[Tribune ] Gouvernement Borne : les familles passent à la trappe

famille

Édouard Philipe comme Jean Castex avaient dans leurs gouvernements respectifs un secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles. L'enfance et les familles étaient encore des réalités propres à susciter l’attention du monde politique. Avec Mme Borne, la famille disparaît de l’horizon ministériel.

Mais au-delà de cette nouvelle étape du travail de déconstruction auquel s’est attelé le président de la République, il est intéressant de noter que la gauche et les libéraux-libertaires se sont acharnés à détruire une des rares politiques publiques françaises admirée dans toute l’Europe et citée en exemple pour son efficacité : la politique familiale. Acharnement d’autant plus absurde que notre système de retraite par répartition ne peut fonctionner et s’équilibrer que s’il y a suffisamment d’actifs pour financer les personnes à la retraite. Et dépend donc de la stabilité de la démographie française.

Contrairement à une idée fausse, ce ne fut pas le maréchal Pétain qui initia une véritable politique familiale. Lancée par le Front populaire, elle fut reprise par l'État français, réaffirmée par le Conseil national de la Résistance, maintenue par la IVe République et bien évidemment amplifiée par la Ve à ses débuts, sous l’impulsion du général de Gaulle et de Michel Debré.

Pourtant, certains n’ont eu de cesse de mettre à mal cette politique pourtant efficace, car elle contribuait fortement au renouvellement des générations. Au cours des ans, la valeur relative des allocations familiales ne cessa de diminuer en raison d’une faible revalorisation, et se faisait entendre une petite musique insistante demandant la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Ce que fit François Hollande. Cela revenait à les transformer en aides sociales et à détruire leur caractère universel.

Cette décision fut calamiteuse, d’abord parce qu’elle indiquait que la politique familiale ne faisait plus partie des politiques pérennes des gouvernements français et créait donc une incertitude pour les ménages, alors que le projet familial s’inscrit dans la durée. Ensuite parce qu’elle faisait des allocations familiales une aide sociale parmi d’autres et non plus une aide attachée à l’enfant. Enfin parce qu’elle était prise au détriment de la classe moyenne, qui tire le développement économique et social de la nation et favorisait, de fait, la natalité de populations pas toujours bien intégrées. Le résultat ne s’est pas fait attendre : en 2014 le taux de fécondité était de deux enfants par femme, un peu en deçà du taux de renouvellement des générations (2,1). En 2021, il est de 1,83. La France, qui faisait figure d’exception en Europe, tombe dans « l’hiver démographique ».

En 2006, Mme Ursula von der Leyen, ministre de la Jeunesse et de la Famille en Allemagne, et qui n’éprouvait pas alors le besoin de se faire l’égérie du militantisme LGBT, avait demandé au CES européen un avis exploratoire sur la famille et le changement démographique. Ce document indiquait que non seulement aucun pays de l’Union européenne n’atteignait le taux de renouvellement des générations (seules l’Irlande et la France l’approchaient), mais que de nombreux pays perdaient de la population chaque année, notamment l’Allemagne mais aussi l’Espagne, l’Italie et tous les pays anciennement soumis à la dictature communiste. Le Vieux Continent devient un continent de vieux et il est plus judicieux d’investir dans les pompes funèbres que dans les berceaux. Mais il démontrait aussi clairement que des politiques familiales déterminées et pérennes avaient un impact pour combattre le vieillissement et redresser le taux de fécondité. Ce qui fut confirmé par deux autres avis en 2011 et en 2020.

Lors de son entretien du 14 Juillet, le président de la République a évoqué la question de la réforme des retraites. Or a été éludée et est toujours éludée la question de la démographie. Il est possible d’imaginer toutes les mesures d’âge légal de départ ou de nombre de trimestre, plus conforme à la justice, mais notre système par répartition ne tiendra pas si la démographie s’effondre. M. Macron ferait bien de se souvenir que les nations n’ont d’autre avenir que leurs enfants. À cet égard, la suppression du secrétariat d’État à l’Enfance et aux Familles est un très mauvais signe.

C’est, bien sûr, une décision idéologique qui est dans l’air du temps. La figure de la mère n’est pas valorisée, les féministes lui préfèrent la femme qui est « un mec comme les autres ». L’apostrophe de Gide « Familles je vous hais » (Les Nourritures terrestres) semble être devenue le mot d’ordre d’une certaine nomenklatura politiquement correcte. Pourtant, la famille dit ce qu’est l’humanité. L’homme seul ou la femme seule ne peuvent le manifester pleinement. C’est ensemble qu’ils disent ce qu’est l’humanité dans sa plénitude. Abîmer la famille, c’est abîmer l’humanité. Ainsi le combat pour la famille est-il la lutte ultime contre la barbarie qui, toujours, menace les sociétés humaines.

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

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