[Tribune] Fin de vie : remédions à l’absence de soins palliatifs avant d’envisager de légaliser l’euthanasie

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Vingt-six, c’est le nombre de départements (chiffres de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) dépourvus d’unités de soins palliatifs. Aujourd’hui en France, les deux tiers des patients n’y ont toujours pas accès. Et dans la plupart des structures gériatriques (soins de suite et de rééducation, unités de soins de longue durée et EHPAD), ils sont très peu développés. L’aveu de Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, est sans appel : « La politique de soins palliatifs menée en France depuis de nombreuses années n’est pas à la hauteur d’un grand pays comme le nôtre. »

En refusant l’acharnement thérapeutique et en incitant au développement des soins palliatifs, les lois sur la fin de vie de 2005 et de 2016 ont envoyé un message collectif de solidarité. Mais en aucun cas elles n’ont autorisé à donner la mort. Aujourd’hui, elles sont mises en péril par les partisans de la légalisation de l’euthanasie.

Rappelons qu’une loi qui autoriserait le droit de donner la mort serait une transgression majeure sur le plan éthique, médical et légal. L’interdit de tuer est un principe fondamental de notre droit. Y déroger impliquerait de modifier le Code pénal et non plus seulement le Code de la santé publique. Comme le dit Jean Leonetti, ce ne serait pas « aller plus loin, mais aller ailleurs ».

Les défenseurs de la légalisation de l’euthanasie expliquent que le droit de donner la mort n’enlèverait rien à ceux qui y sont opposés. Ce faisant, ils négligent la signification que ce droit enverrait à la collectivité : toute personne vulnérable qui perd sa dignité serait donc légitime à disparaître. Contre cette vision, les soins palliatifs sont là pour rappeler que la dignité est inaltérable.

Destinés à toutes les personnes atteintes d’une maladie incurable, ces soins palliatifs respectent la finitude de l’être humain. Ils apportent une meilleure qualité de vie. C’est une médecine lente, qui nécessite de construire la confiance avec le patient.

En prenant soin des plus fragiles, une société renforce sa cohésion. Une loi légalisant l’euthanasie enverrait un message inverse. Dans les soins palliatifs, l’intention est de soulager. Dans l’euthanasie, l’intention, c’est de faire mourir. Cela change tout pour les soignants et les patients. Et c’est un leurre de penser que l’euthanasie résoudrait toutes les problématiques de fin de vie. Comme l’a déclaré récemment Théo Boer, professeur d’éthique de la santé à l’université de Groningue, aux Pays-Bas, dans une interview donnée au Figaro, : « Au début, les gens demandaient l’euthanasie par peur d’une mort atroce. Aujourd’hui, beaucoup la réclament par peur d’une vie atroce… Nous sommes en train d’entrer dans une culture de l’abandon et du désespoir. »

Le quasi-plébiscite des Français, selon certains sondages, pour l’euthanasie cache en réalité une angoisse existentielle face à l’acharnement thérapeutique et à la solitude de la mort, mais également une méconnaissance fondamentale des soins palliatifs.

Nos concitoyens ignorent encore trop souvent qu’ils ont le droit d’être accompagnés en fin de vie de manière humaine et que les soignants ont le devoir de mettre tout en œuvre pour soulager la douleur, même si cela doit raccourcir leur vie. Notre société doit réfléchir à la meilleure façon de les informer de ce droit qui pourra rassurer une partie de la population inquiète face à la mort et à la souffrance.

Il faut également mieux former nos médecins et nos personnels soignants. En effet, sur dix ans d’études, seulement dix heures sont consacrées aux soins palliatifs. Les professionnels de santé apprennent à guérir et sauver mais pas à soulager et accompagner. La mise en place d’une filière universitaire de médecine palliative est donc une urgence absolue.

En parallèle du débat citoyen sur la fin de vie qui vient de s’ouvrir commence, au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, une mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016 au cours de laquelle la défense des soins palliatifs sera menée avec force et engagement.

Sandrine Dogor-Such
Sandrine Dogor-Such
Députée des Pyrénées-Orientales, membre de la Commission des Affaires sociales et de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Cela sent bien mauvais pour toutes les personnes âgées et malades ..qui donc utilisait ce procédé pendant la guerre ? . J’ai la mémoire qui flanche ….souvenons nous

  2. « L’interdit de tuer est un principe fondamental de notre droit. Y déroger impliquerait de modifier le Code pénal »
    Euh… je ne suis pas juriste, mais enfin,il n’y a pas si longtemps que la peine de mort a été abolie ; et, que je sache, nos soldats en OPEX ne sont pas passibles de la cour martiale s’ils tuent un ennemi ?
    Oui, les « soins palliatifs »sont aujourd’hui indigents, et mériteraient d’être développés pour répondre pleinement à la demande de ceux qui les souhaitent.
    Mais le « suicide assisté » devrait être une autre option, pour ceux qui le désirent et n’ont plus les moyens (physiques pour se tuer eux-mêmes, ou financiers pour aller dans un pays qui l’accepte) de mettre fin à leurs jours.

    • Qui n’a plus de gout à la vie et n’a pas les moyens physiques de se tuer ? Il faut manger pour vivre et on peut se tuer en faisant la « grève de la faim » sans avoir besoin d’aucun moyen financier et sans obliger autrui à tuer son prochain.

  3. Beaucoup de médecins savent très bien gérer la fin de vie. Un accompagnement qui se fait avec la famille. On ne voit pas très bien la nécessité d’une loi sur l’euthanasie si ce n’est, une nouvelle fois, le seul besoin de paraître à l’échelle de l’histoire. Demandons à un laïque de nous présenter sa morale, une morale qui ne s’inspirerait pas de la morale chrétienne. Il reste bouche bée. La morale laïque ? C’est sa loi. Exemple : Ecartez le blasphème de la loi . Il est autorisé. Introduisez son interdiction dans une loi . Il devient inexploitable. Autrement dit, la morale laïque répond aux vents dominants, elle est essentiellement aléatoire. C’est très éloigné de la préoccupation de  » liberté d’expression ». La loi prévaut sur cette liberté supposée.

  4. « L’intention de faire mourir ». Cette formulation révèle l’écart entre la pensée exprimée dans cet article et le fond de la revendication des partisans de « l’euthanasie ». Euthanasie avec des guillemets afin de rejoindre l’auteur d’un précédent article qui aurait préféré l’expression de « suicide assisté ». Je préfère également cette expression qui rend mieux compte de la liberté qui la sous-tend. J’ai assisté à la fin de vie de trois personnes, deux amis et une parente. C’est le tour d’une quatrième et le mien arrivera bientôt. Il y a certes le sujet de la souffrance physique que l’on veut épargner et c’est bien. Mais nombre de vos lecteurs ont l’expérience de cette fin de vie qui est si dégradante qu’elle n’est plus la vie. Je ne demande à personne de me faire mourir, ni donc de s’armer de cette « intention ». Je demande seulement le droit de me procurer à mes seuls frais les substances nécessaires que je m’administrerais moi-même plutôt que de devoir passer les frontières à grands frais. Au nom de quoi prétendre me l’interdire ?

  5. Merci.
    Mais le mot euthanasie est ambigu. Bien de ceux que vous dites partisan de l euthanasie, se disent eux pour le suicide assisté.
    Notre droit interdit de tuer. Mais il n interdit pas de se suicider.
    Le suicide assisté est à mon avis une hypocrisie, mais ne doit pas se confondre avec l euthanasie qui peut se comprendre comme le meurtre de quelquun qui n’ a pas demandé à mourir de façon anticipée.
    Euthanasie peut se comprendre aussi étymologiquement comme « bonne mort », et c’est le but recherché dans les services de soins palliatifs !
    Dans le débat actuel c’est un mot dont l’ emploi nécessite une explication de sa signification à chaque utilisation

  6. Désolée , mais je suis pour l’euthanasie ! J’ai bientôt 67 ans et suis adhérente à l’ ADMD ! Dans les années 70 j’ai vu ma grand mère maternelle passer ces 2 dernières années allongée sur un lit d’hôpital couverte d’escarres et j’en passe ! Aujourd’hui j’ai ma mère en EPADH sur un fauteuil roulant … Mais bon ma mère ça lui convient , elle aime ces endroits morbides …..Je refuse les soins palliatifs , je refuse de devenir un légume à la merci de tous ces charlatans . Et je l’ai toujours dit si un jour j’ai une maladie incurable , j’en profiterais tant que je pourrai et le moment venu , je m’euthanasierai moi même .

    • qu’appelez vous euthanasie?
      « s’euthanasier soi même  » n’est une expression habituelle. On dit plutôt se suicider et la loi actuelle vous laisses libre de le faire. Quelqu’un qui fait une tentative de suicide et échoue ne subit nul procès ni condamnation.
      C’est l’aide au suicide qui est condamnable.
      A vous lire on a le sentiment que être » pour l’euthanasie » c’est être pour se suicider soi même . Mais l’euthanasie dont on parle généralement ce n’est pas se « s’euthanasier soi même » comme vous dites, mais « suicider autrui  » si je puis dire, avec le bénéfice de ne plus avoir à lui porter de soins. C’est acte criminel qui mérite jugement ( et pas forcément condamnation) pour ne pas tomber dans des dérives atroces.

  7. Non à la légalisation de l’euthanasie, ce serait ouvrir la porte à tous les abus possibles.
    Par contre organiser au mieux les soins palliatifs, oui, car par respect envers nos aînés nous devons leur éviter trop de souffrances.
    A la place de Brigitte, je m’inquièterais

  8. Souvenez-vous, ce que disait un certain homme politique, en parlant des retraités, « ils nous coûtent un pognon dingue ». Eh bien voilà, avec l’euthanasie à tour de bras, comme le COVID-19, la facture sera diminué. De toute façon juste une forme de vaccin plus efficace économiquement. Méfiez vous au moindre symptôme vous auriez droit au bouillon de onze heures. Après tout pourquoi s’embarrasser. Je n’ai pas encore compris pourquoi lors du COVID-19 les proches n’ont pas vu voir leur défunt, car ce n’était pas la peste, puisque le masque protégeait, or à ma connaissance un mort dès son dernier soupir, n’exhale plus . Pourquoi donc ne pas reconnaître les siens. Bizarre.

  9. en fait, c’est en nos « soignants » qu’on n’a plus confiance, après ce qu’ils nous ont fait et ce dont on peut être témoin en milieu hospitalier : la déshumanisation, l’inconfort, et le refus d’accéder à des exigences légitimes vitales; ce n’est pas une belle espérance pour les ultimes heures et jours.

  10. Il pourrait être rassurant de lire « En parallèle du débat citoyen sur la fin de vie qui vient de s’ouvrir, commence, au sein de la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, une mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016 au cours de laquelle la défense des soins palliatifs sera menée avec force et engagement. » mais face à ce gouvernement, il est à craindre que là comme ailleurs, les décisions soient déjà prises. La fin de vie est un sujet trop grave pour être légiféré.

  11. Le souhait de la macronie de légaliser l’euthanasie correspond d’une part à l’idéologie progressiste (culture de mort et sacrifice des plus faibles, enfants nés ou à naître, personnes âgées) et d’autre part à la logique économique qui va avec (élimination des non productifs et recherche du moindre coût, une euthanasie étant bien moins onéreuse que la mise en place des structures et la formation des personnels en soins palliatifs), la communication sur le sujet mettant en avant de nobles intentions ( éviter les souffrances) masquant les véritables motifs qui n’ont rien d’humanitaire.

  12. « Débat citoyen » osez-vous dire ? … Mais qui peut croire encore qu’il en ressortira quelque chose de « bon pour le peuple français » ?
    Commencez, vous et vos « collègues » à faire en sorte que LA FRANCE retrouve sa souveraineté et « on » s’occupera de légiférer pour un « accompagnement « éthique » de la fin de vie ! …
    Vu comment on traite les « soignants suspendus », les entreprises essentielles et les français il n’y a rien à attendre de cet auto proclamé « premier de cordée », de son « gouverne-et-ment » ET tous ces coucous politicards qui ne pensent qu’à une chose: conserver leurs gamelle à la cantine de la « République » …

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